C'est la première fois qu'un officiel algérien rompt le silence et s'exprime sur le sujet. C'est donc une pièce de théâtre ficelée et jouée à Paris, comme l'a signifié M.Noureddine Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales. Interrogé, hier, sur l'affaire de l'assassinat des moines de Tibhirine, M.Zerhouni a assimilé cette polémique à une manipulation politique émanant de Paris. «C'est un jeu de marionnettes et les marionnettistes sont à Paris», a déclaré le ministre de l'Interieur, en marge d'un point de presse tenu à l'occasion de la cérémonie de finalisation du projet d'installation de dix nouvelles stations sismologiques en Algérie. La cérémonie s'est déroulée au Centre de recherches en astronomie, astrophysique et géophysique (Craag) sis à Bouzaréah sur les hauteurs d'Alger. Le sourire en coin, M.Zerhouni n' a pas manqué de comparer à «une pièce de kabuki», les affabulations de l'ex-général français, François Butchwalter, mettant en cause Alger dans l'affaire des moines de Tibhirine. Le kabuki est un genre de théâtre traditionnel apparu à la fin du XVIIIe siècle au Japon. L'allusion à la culture extrême-orientale n'est pas fortuite puisqu'à la cérémonie, était présente une délégation chinoise conduite par M.Liu Yuchen, directeur-adjoint de l'administration chinoise des séismes (CEA). La sortie de Zerhouni constitue la première déclaration officielle faite par un responsable algérien au sujet de cette affaire. Homme fort du gouvernement, les déclarations de M.Noureddine Yazid Zerhouni ne manqueront pas d'avoir un écho dans les milieux officiels français. C'est une réponse forte et sans équivoque qui va mettre fin définitivement à la polémique, sciemment entretenue par des déclarations de hauts responsables français, mal perçues à Alger. Aussi, la sortie du ministre de l'Intérieur jette la lumière sur la face cachée de la manipulation politique. Ancien attaché de la défense à l'ambassade de France en Algérie, M.Butchwalter avait évoqué «une bavure militaire» de l'Armée algérienne dans l'assassinat des sept moines. Le hic est que ces déclarations étaient tombées le 4 juillet dernier, à la veille de la célébration de la Fête de l'indépendance de l'Algérie qui coïncidait avec l'ouverture de la deuxième édition du Festival panafricain. S'en est suivie une cascade de déclarations faites par les hauts responsables de l'Etat français, à leur tête le président Nicolas Sarkozy, et qui frisaient la surenchère politique. Le lendemain, le chef de l'Etat français estimait nécessaire de laisser «la justice faire son travail». Le 7 juillet, Sarkozy change de ton. Dans un point de presse, il a affirmé: «On ne peut dire que l'amitié entre les peuples et entre les pays peut résister aux mensonges». Sur la même lancée, Michèle Alliot-Marie, ministre française de la Justice, avait annoncé des «investigations supplémentaires», tout en précisant que «le témoignage du général Butchwalter apportait un élément nouveau». Les autorités françaises ont été jusqu'à évoquer «la levée du secret- défense» sur l'affaire. Ainsi, fut évoquée «la vérité» au nom des intérêts politico-stratégiques de la France qui nourrit de grandes ambitions régionales. Ces ambitions sur lesquelles est fondé le projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM). Cela dit, le président français a, par la suite, fait marche arrière en indiquant s'en tenir au communiqué numéro 44 du Groupe islamique armé (GIA) revendiquant l'assassinat des sept moines. Ce faisant, le président français a nié tout bouleversement des relations entre l'Algérie et la France qui serait dû à la polémique soulevée. Tout cela se passait alors que les autorités algériennes se confinent dans un silence qui ne pouvait que susciter des questionnements. Pour ainsi dire, les déclarations de M.Zerhouni mettent un point final à une «manipulation» politico-médiatique qui prenait de l'ampleur. A quand le prochain numéro de Kabuki?