La circulaire du ministère de l'Enseignement supérieur, obligeant les enseignants à demander une autorisation avant d'aller participer à une rencontre internationale, continue de susciter l'indignation. Après la communauté universitaire nationale, des organisations internationales réagissent à ces restrictions. Les enseignants et chercheurs algériens sont soulagés par le soutien exprimé par leurs homologues étrangers après l'interdiction du ministère de leur permettre de se déplacer en dehors des frontières sans autorisation. En effet, deux importantes associations de chercheurs et universitaires d'Europe et d'Amérique du Nord ont exprimé leurs inquiétudes. Il s'agit de World Congress for Middle Eastern Studies (Wocmes) et le Conseil de l'Eurames (European Association for Middle Eastern Studies) qui regroupe plus de 3.500 chercheurs dans 23 pays européens et le Davo (German Middle East Studies Association for Contemporary Research and Documentation) qui regroupe plus de 1.300 chercheurs. Elles viennent d'adresser deux lettres au président Bouteflika et au ministre de l'Enseignement supérieur dans lesquelles elles font part de leurs vives inquiétudes quant aux conséquences des mesures contenues dans la circulaire ministérielle. Wocmes, Eurames et Davo y voient un risque d'arbitraire dans l'appréciation du caractère sensible ou non de la manifestation scientifique, et un risque d'entrave à la liberté de circulation et d'expression qui sont à la base de toute recherche scientifique. Wocmes s'est élevée pour sa part contre «les effets déplorables qu'une telle circulaire peut avoir sur le travail des collègues algériens, sur la recherche scientifique en Algérie, et du coup sur l'image internationale du pays». Les rédacteurs de la lettre ouverte ont estimé que «de nombreux obstacles se dressent aujourd'hui contre la liberté de circulation des chercheurs (visas, financements...)». De ce fait, «il est inquiétant que certains Etats, au lieu de favoriser les terrains de rencontre, semblent s'ingénier à y dresser des obstacles», ont-t-ils ajouté, estimant qu'il s'agit de décisions «contraires aux droits fondamentaux des citoyens tel que cela est écrit dans la Constitution de l'Algérie». Pour sa part, la communauté universitaire nationale se mobilise et se dit scandalisée par cette circulaire. Pas moins de 250 universitaires algériens, dont l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur, Ahmed Djebbar, se sont mobilisés pour faire échec à ce qu'ils ont qualifié d'une «tentative de contrôler le contenu des travaux de recherche et de la pensée libre au sein de l'université algérienne». Le 15 juillet dernier, une délégation composée de quatre universitaires a remis, au nom des pétitionnaires, le texte de pétition au Ministre de tutelle. Plus critique, le syndicaliste Farid Cherbal, également chercheur à l'USTHB a qualifié cette action «d'une police de pensée» qui met en danger l'un des droits les plus fondamentaux des chercheurs, en l'occurrence la libre circulation. Pour rappel, dans une circulaire datée du 18 juin 2010, le secrétaire général du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, a donné ordre aux responsables des universités d'informer le ministère sur «les cas de participation à des manifestations pouvant revêtir un caractère sensible afin de se prononcer sur l'opportunité et d'organiser la concertation avec le ministère des Affaires étrangères». Le même responsable a évoqué dans sa circulaire l'existence de lobbies qui organisent ces manifestations sans préciser leur identité. «Cela peut amener les participants, à travers des pétitions et des motions, à prendre des positions contraires aux intérêts nationaux», a-t-il écrit.