Aïn Tedeles est l'une des daïra de Mostaganem qui a toujours conservé son statut populaire de capitale de la poésie et de la chanson bédouies. Ce statut lui a été attribué par le fait d'existence sur son territoire, durant le siècle dernier et de nos jours, de dizaines de poètes et de chanteurs par génération, à leur tête les regrettés Cheikh Djilali et les grands poètes Hadj Charef Bekhaira, Rezigua Senouci alors que les cavaliers du baroud se comptent aussi par dizaines. Un vrai fief du patrimoine et il demeure à ce jour. En 1985, le ministère de la culture accorde à Aïn Tedeles l'organisation d'un festival national annuel qui regroupe la poésie populaire, la chanson bédouie et les cavaliers baroudeurs. Pendant sept jours et sept nuits, presque tous les poètes populaires et chantres de l'Algérie se sont produit sur scène, à leur tête les deux grands Djillali Ain Tedeles et Khelifi Ahmed. Parmi les participants, on retrouve les chantres et les poètes algériens, tels les cheikhs de l'Oranie Charef Guebbabi, Mohamed Belghali, Mohamed Belahouane, Mohamed Chabbi, Abdelkader Ould Lakhdar, Lakhdar El Mosteghanemi, Mohamed Benarba, Guendouz Mohamed (à 99 ans en 1985, il chantait encore avec force et dynamisme), Cheikh Ahmed, Cheikh Ahmed El Ghilizani, Mohamed Bosquet, Senoussi El Bouguirati, Charef El Mamachi, Maâmar El Masri, Bendhaiba El Bouguirati, Cheikh El Ghali d'Oran, Abdelkader Ould El Aïd, Messabih Abdelkader d'Alger, Mohamed El Boumerdassi de Boumerdes, Larbi Kaddour, Taib El Abbas, Mohamed M'barek, Kaddour Benayad, Abdallah Ould el Aïd, Toumi Ahmed de Oued Souf, la troupe Stitine de Labiod Sidi Cheikh, la troupe du bedoui de Blida, El Attafi, et d'autres noms célèbres dans la chanson bédouine. Les poètes se comptaient aussi par dizaines : Rezigua Senoussi, Hadj Mohamed Benyousef, Kada Khalifa de M'niaâ, Chergui Ahmed. Le 1er festival national du chant bédouin a commencé le 29 août 1985, il a fallu attendre 22 longues années après l'indépendance pour que Cheikh Djillali Ain Tedeles et l'homme respectable du théâtre Djillali Ben Abdelhalim et Benabdellah (le maire de la ville) décrochent le O.K du ministre de la culture de l'époque, M. Bessayeh Bouâlem, pour pouvoir tenter de faire revivre une partie du patrimoine culturel de l'Algérie et organiser ce festival typiquement algérien et aussi pour permettre au public de redécouvrir une partie de notre richesse culturelle et plus particulièrement la chanson algérienne devenue après l'indépendance la chanson bédouine qui reste quelque peu méconnue par la nouvelle génération et aussi par certains intellectuels, qui pensent qu'elle est la mère du raï. C'est en présence de plus de 3000 personnes et les membres de l'autorité locale, à leur tête le wali de Mostaganem et le représentant du ministre de la culture, et dans un décor fait de couleurs et de lumières, que le coup d'envoi a été donné à la première soirée qui a été animée par les chanteurs et des poètes du melhoun. Cette initiative a donnée à réfléchir sur la nécessaire revalorisation non seulement de la chanson dite bédouine mais de l'ensemble de notre patrimoine culturel qui est aujourd'hui en danger de disparition. Enfin, outre qu'elle permettra à de jeunes formations de montrer leur « savoir faire » et leur talent, elle servira de « forum » de discussion, d'échange d'idées et d'expériences entre les artistes et le public. Jamais un si grand monde n'avait envahi Ain Tedeles et jamais cette petite ville, où prédomine la viticulture, n'a vécu une aussi belle fête consacrée à la revalorisation d'une partie intégrante de notre patrimoine culturel. Ce premier festival national a été marqué surtout par la prestation du Cheikh Guendouz Ould Benaouda d'Oran, doyen des chanteurs du Bédoui. Guendouz a forcé l'admiration d'un public stupéfait par la prestation d'un chanteur presque centenaire. Il est né en 1896, la mémoire encore vivace en 1985, à aucun moment, il n'a trébuché sur son texte. Il a interprété une demi heure durant laquelle il a maintes fois fusillé du regard des flûtistes qui, pensant bien faire, ne le suivaient pas correctement dans ses élans. Guendouz nous raconta ses souvenirs, surtout il connaissait très bien Edith Piaf, Saoud el Ouahrani, Lili El Abbassi et Cheikh Ben Hmida quand il a enregistré ses premiers disques en 1908. Il a fréquenté El Khaldi, Hamada, Madani El Anka, entre autres. Durant toute une semaine, la télévision était présente et a enregistré tous les spectacles, mais à ce jour elle ne les a jamais diffusés. Certains diront qu'elle existait à cette époque une force occulte, dont la mission est d'étouffer tout ce qui est patrimoine algérien ! Malgré les contraintes, en 1986 le festival national s'est transformé en festival maghrébin. Des invitations envoyées aux troupes tunisienne, marocaine et libyennes, pour leur participation. Seule la Tunisie a participé. Les autres pays n'avaient pas pris en charge le transport de leurs troupes. Ce qui a contraint les éditions à venir de demeurer un festival national. Quant à la participation algérienne dans les festivals culturels des arts populaires, qu'organisaient annuellement l'Egypte et les Emirats Arabes Unies, ceci pour l'histoire, les vraies troupes de notre art populaire n'étaient jamais sélectionnées pour participer, malgré les invitations officielles adressées à l'association nationale de la chanson bédouine, la poésie populaire et des échanges culturels internationaux, jamais notre ministère de la culture depuis 1991, date de la création de cette association, n'a inclus ces troupes pour représenter dignement l'Algérie. Depuis, notre richesse du patrimoine culturel s'est effilochée avec le temps, et surtout la disparition des vaillants chantres et poètes populaire. Même la grande vedette de la chanson bédouine sahraouie Khélifi Ahmed n'est plus à l'ordre du jour ! La télévision nationale ne programme plus l'art populaire ou rarement, comme la radio. Ce qui apparaît comme une décadence provoquée et préméditée !