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Les pouvoirs sont-ils chez Bensalah ?
Publié dans AlgerieNetwork le 07 - 00 - 2019

En relisant l'article 102 de la constitution mon attention a été attirée par une phrase qui énonce "le respect des dispositions de l'article 104".
Cette disposition est mentionnée dans le cas de l'empêchement, "lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions" elle est soulignée également "en cas de conjonction de la démission ou du décès du Président de la République et de la vacance de la Présidence du Conseil de la Nation", mais elle n'est pas mentionnée dans le cas de la démission ou du décès du Président de la République. Que cela signifie-t-il ?
Est ce par souci de ne pas ajouter de la redondance ou par négligence ou par volonté manifeste ?
Autrement dit est ce que lors d'une démission ou du décès du Président de la République le Président du Conseil de la Nation n'est pas limité par les dispositions de l'article 104, ce qui signifie qu'au moins pendant 90 jours il a la totalité des pouvoirs du Président ou bien le fait qu'on n'en parle pas signifie seulement qu'il n'a que le pouvoir d'organiser les élections présidentielles ? Cela peut expliquer alors pourquoi dans l'application de l'article 102 les autorités ont préféré la démission à l'empêchement car dans notre cas d'espèce l'application de l'Etat d'empêchement aurait été plus appropriée, surtout que nous sommes devant un cas de maladie grave et de longue durée, et cela aurait donné plus de temps pour passer à l'organisation de nouvelles élections. Dans le cas de l'empêchement le législateur précise deux choses : 1. la majorité des deux tiers (2/3) des membres du Parlement siégeant en chambres réunies et 2. l'exercice des prérogatives du Chef de l'Etat par intérim dans le respect des dispositions de l'article 104 de la constitution.
Par contre lorsque le législateur traite de la démission.., il est fait mention du Parlement sans que soit précisé les deux chambres ni la majorité des deux tiers. En plus alors que dans le cas de l'empêchement il est mentionné expressément "intérim du chef de l'Etat", dans le cas de la démission le législateur a précisé "le Président du Conseil de la Nation assume la charge de Chef de l'Etat".Des interrogations qui rendent perplexes plus d'un, car tout le monde sait que les termes juridiques, leur emplacement et leur forme ne doivent pas laisser le doute et l'incohérence qui peuvent être sujet à des interprétations de toutes sortes.
En plus de cet aspect on se demande pourquoi c'est la démission qui a été préférée à l'empêchement. Quelques part il y a une volonté d'aller vite et d'en finir avec ce mouvement citoyen. Mais alors pourquoi ? Puisque au départ, lorsque la décision a été prise d'en finir avec le processus électoral, en le renvoyant à une date ultérieure, normalement ce n'est pas pour le revoir dans trois mois. Sauf que dans trois mois, nous sommes en juillet, donc en plein été, alors que si on avait choisi l'empêchement plus la démission ça nous aurait renvoyé à fin septembre. Je donne ma langue au chat.
Enfin ! Revenons à cette disposition 104. Si le Président du Conseil de la Nation n'est pas limité par les dispositions de cet article 104 cela veut dire qu'il dispose de tout les pouvoirs rattachés au poste de Président de la République et donc de la nomination aux postes civils et militaires, de la dissolution de l'assemblée nationale, de la révision constitutionnelle et qu'il est le chef d'Etat major de la défense. Par contre si il est limité par les dispositions de l'article 104 , alors il ne pourra pas :
* démettre ni remanier le gouvernement en fonction au moment de l'empêchement, du décès ou de la démission du Président de la République jusqu'à l'entrée du nouveau Président de la République (Article 104)
* faire application des dispositions prévues aux alinéas 7 et 8 de l'article 91 et aux articles 93, 142, 147, 154, 155, 208, 210 et 211 de la Constitution.
Voyons les articles dans le détail. Prenons l'article 91.
L'article 91 énonce que le Président de la République ( Donc le Président du Conseil de la Nation selon l'article 102) jouit des pouvoirs et prérogatives suivants :
1 – il est le Chef suprême des Forces Armées de la République ; 2 – il est responsable de la Défense Nationale ; 3 – il arrête et conduit la politique extérieure de la Nation ;4 – il préside le Conseil des Ministres ; 5 – il nomme le Premier ministre, la majorité parlementaire consultée, et met fin à ses fonctions ; 6 – il signe les décrets présidentiels ; 9 – il conclut et ratifie les traités internationaux ; 10 – il décerne les décorations, distinctions et titres honorifiques d'Etat".
Mais il ne peut pas
"7 – disposer du droit de grâce, du droit de remise ou de commutation de peine ;
8 – sur toute question d'importance nationale, saisir le peuple par voie de référendum".
Donc le 5 juillet il n'y aura pas de grâce présidentielle, de remise ou de commutation de peine puisque l'article 104 l'interdit. L'article 8 de la constitution dicte ceci :
" Le pouvoir constituant appartient au peuple. Le peuple exerce sa souveraineté par l'intermédiaire des institutions qu'il se donne. Le peuple l'exerce aussi par voie de référendum et par l'intermédiaire de ses représentants élus.Le Président de la République peut directement recourir à l'expression de la volonté du peuple". Autrement dit l'article 8 de la constitution se trouve contredit, par rapport au référendum, par l'alinéa 8 de l'article 91 qui interdit au Président du Conseil de la Nation exerçant la charge de chef d'Etat de saisir le peuple par voie de référendum sur toute question d'importance nationale.
En vertu de ces dispositions de l'article 104 , il ne pourra pas :
* nommer les membres du gouvernement ( art 93 )
* légiférer par ordonnances ( art 142 )
* décider de la dissolution de l'Assemblée Populaire Nationale ou d'élections législatives anticipées ( art 147 )
* Accepter une motion de censure par l'assemblée et une démission du gouvernement ( articles 154 et 155 )
* Procéder à une révision constitutionnelle ( articles 208, 210 et 211 )
Par contre puisque l'article 104 ne parle pas de l'article 92 on peut raisonnablement comprendre que celui qui a la charge de chef d'Etat, par le biais de l'application de l'article 102 et 104, a pouvoir de nommer :
"1 – aux emplois et mandats prévus par la Constitution ;2 – aux emplois civils et militaires de l'Etat ;3 – aux désignations arrêtées en Conseil des Ministres ;4 – le Premier Président de la Cour suprême ;5 – le Président du Conseil d'Etat ;6 – le Secrétaire Général du Gouvernement ;7 – le Gouverneur de la Banque d'Algérie ;8 – les Magistrats ;9 – les responsables des organes de sécurité ;10 – les Walis."
A l'analyse de l'article 102 et 104 on est stupéfait des incohérences de ces dispositions. Mis à part le fait que le Chef de l'Etat issu de l'article 102 ne peut pas nommer les membres du gouvernement ( art 93) , légiférer par ordonnances ( art 142) , dissoudre l'assemblée ou procéder à des élections anticipées ( art 147), ne peut pas accepter une motion de censure ou procéder à une révision constitutionnelle, son pouvoir est impressionnant. Pendant les 3 mois il peut "Ynahehoum Ga3", y compris Gaid Salah.
Par contre si les dispositions de l'article 104 dans le cas de la démission ont été omis sciemment pour prévenir tout pouvoir et limiter cette période à l'organisation des élections seulement, alors cela veut dire que nous ne sommes pas sortis de l'auberge et que ce sera rebelote pour le 3eme et 4eme trimestre.
Un point positif, si cette disposition a été omise sciemment ça ne peut que nous rassurer car quelque soit x , les dispositions de l'article 105 relatif à l'état de siège et l'état d'urgence ne pourront pas être appliquées puisque dixit l'article 104. On pourra alors continuer le mouvement de contestation citoyenne pacifique sans aucun crainte. Mais aussi sans vouloir adresser de potences à qui que ce soit dans l'état actuel. Si notre objectif est d'arriver à la 2eme république, il faudra attendre que toutes les affaires louches soient traitées par une justice saine.
Mourad Boukhelifa
Homme politique, Expert Software Développer, Politologue


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