Béjaïa a célébré l'un des plus forts moments historiques, qu'elle a vécu durant le combat libérateur du colonialisme français. Le 155e anniversaire de l'insurrection de Cheikh Belhaddad a été une halte majeure remémorée chaque année pour perpétuer le combat de nos aïeux, qui a conduit à la libération du pays en 1962. Il y a 155 ans, en effet, Cheikh Belhaddad a déclenché une insurrection anticoloniale, considérée comme un moment majeur du cheminement national vers la libération du pays, au vu de son ampleur et de son impact populaire ayant ébranlé les certitudes de l'occupant et convaincu les Algériens qu'il n'y a pas de salut pour le pays en dehors de la lutte armée. Le soulèvement de Cheikh Belhaddad, de son vrai nom Cheikh Aheddad, comme il est appelé populairement, commémorée le 8 avril, a donné un prolongement aux soulèvements antérieurs, notamment ceux de l'émir Abdelkader (1932-1947), d'Ahmed Bey, des Zaâtcha, de la Dahra en 1845, conduite sous la « férule » de Cheikh Boubaghla, Lalla Fadhma N'soumer et Ouled Sidi Cheikh, qui se sont succédé de 1846 à 1870. Cette révolte a également intensifié l'engagement patriotique envers la nation grâce à une mobilisation jamais égalée, comme l'affirment de nombreux historiens et chercheurs. Cheikh Aheddad avait lancé solennellement un appel à la révolte, le 8 avril 1871 au cours d'une exhortation à la place du marché de Seddouk, dans laquelle où il a soutenu l'idée de « jeter les Français à la mer », qui eut un écho phénoménal dans presque tout le pays, notamment de Sour El Ghozlane jusque dans le Constantinois, rapportent les historiens dans leurs différents écrits consacrés à l'insurrection de Cheikh Aheddad. L'appel a fait enrôler pour la bonne cause quelque 800 000 personnes dont 200 000 combattants armés, pour une population totale atteignant à peine 2,5 millions d'âmes. L'insurrection a duré près d'une année et porté des coups sévères à l'armée coloniale, laquelle, pour la contrer, a dû mettre en action plus de 80 000 soldats et une répression sans pareille, tuant, brûlant et mettant aux arrêts des centaines de personnes dont nombre d'entre eux ont été déportés au bagne de la Nouvelle-Calédonie, dont les enfants de cheikh Aheddad, Aziz et M'hend, racontent les historiens. L'opération a été accompagnée, par ailleurs, de la confiscation et de la spoliation de 2,5 hectares de terres appartenant aux autochtones, selon l'historien français Robert Charles Ageron, spécialiste de la colonisation française en Algérie. Les conséquences furent fâcheuses mais attendues ; à l'origine, Cheikh Belhaddad les appréhendait. C'est Cheikh El Mokrani, qui était déjà engagé dans la lutte armée avec 15000 hommes dès mars 1871, et ses enfants, El Aïzi et M'Hend, qui l'ont poussé à s'y résoudre. « Ça va être une énorme épreuve (El mehna), mais il faut passer par là », avait alors répliqué Cheikh Ahaddad, en donnant son accord pour allier et unir les forces de la Tariqa Errahmania, constituées en réseaux à travers les zaouias, dont il était le chef spirituel, et celle d'El Mokrani. Leur brassage a fini par embraser tout le pays.