Le Forum de la mémoire, organisé par le quotidien national El Moudjahid et l'Association Machaâl Echahid dans la matinée d'hier, a revisité un des piliers de la révolution algérienne et homme politique de grande envergure après l'indépendance du pays arrachée de haute lutte. Il s'agit du grand moudjahid et homme d'Etat, Rabah Bitat. La rencontre s'est déroulée en présence de son épouse, d'un bon nombre d'historiens, écrivains et parlementaires. Les intervenants se sont penchés sur différentes facettes qui ont marqué la vie et le parcours très riche de Rabah Bitat, avant la révolution, pendant et après l'indépendance. Né en 1925 dans une famille de modestes paysans au village El Kerma, à Constantine, il a vite pris conscience de sa réalité, et de ce qu'il fallait faire, étant fils d'un paysan qui travaille dans une ferme que les colons français ont spolié aux Algériens. L'âme du grand militant s'est forgée en apprenant l'arabe chez les ouléma, la langue française chez les Français, et encore en adhérant aux Scoute musulmans. Les massacres commis par l'armée français en 1945 ont été un déclic qui l'a poussé à s'engager pour l'indépendance du pays, en adhérant aux partis et organisations nationalistes algériens. Il fut membre du groupe des 22, puis membre du groupe des 6 qui ont créé le FLN et donné le premier signal pour le déclenchement de la Guerre d'indépendance le 1er novembre 1954. Il s'est vite attiré l'attention des Français qui le classèrent comme élément très dangereux. Il fut arrêté et condamné à douze années de prison. « Les militaires français étaient stupides. À chaque fois qu'ils arrêtent une des grandes figures de la révolution algérienne, ils annonçaient, à grandes manchettes dans les médias colonialistes que la guerre était finie. C'est ce qu'ils avaient fait avec l'arrestation de Rabah Bitat, ou encore de l'assassinat de Ben M'hidi, de Amirouche et Si El Haouas et autres ». Mais ça n'a jamais été le cas finalement, rappelle le moudjahid Aïssa Kacimi, auteur d'un volumineux livre sur la révolution algérienne. Pour sa part, la moudjahida, parlementaire Saliha Djeffal, et membre de la première Assemblée constituante que Rabah Bitat a dirigée après l'indépendance, s'est penchée sur les grandes qualités humaines de cette grande figure de la révolution. Elle se rappelle avoir rencontré Rabah Bitat pour la première fois en 1962, dans un village près de la frontière tunisienne, quand il fut libéré de prison. « C'était un rêve d'enfant pour nous de voir devant nous des héros de la révolution. On les a accueillis dans le village juste après leur libération. Etant émerveillés, on les a tous entourés et pris en charge avec beaucoup de soins » raconte-t-elle. Par la suite, Mme Djeffal a travaillé sous la houlette de Bitat alors qu'il était président de l'Assemblée constituante. « Nous avions énormément appris de lui, de son expérience et son riche parcours. Alors qu'on était à l'époque du parti unique, et sous sa présidence, il y avait des débats très passionnants, contradictoires au sein de l'Assemblée. Il avait une profonde culture du débat. Il a permis à toutes les sensibilités de porter leurs paroles, les défendre sans aucune censure » raconte-t-elle. Après l'indépendance et ayant occupé différents postes de haute responsabilité, « Rabah Bitat était toujours un grand rassembleur qui a l'Algérie dans le cœur. Un grand démocrate qui écoute tout le monde » dit-elle encore. L'oratrice se rappelle d'une anecdote qui s'est déroulée lors des débats sur le code de la famille. « Un groupe de militantes était venu manifester devant le siège de l'Assemblée. On suivait la manifestation de l'intérieur de l'Assemblée. Et quand il a été question de les recevoir pour parler avec elles, et entendre leurs doléances, quelle fut notre surprise de voir que parmi les manifestantes, il y avait l'épouse du président de l'Assemblée, la moudjahida, Zohra Drif Bitat. L'épouse de feu Rabah Bitat, présente également à cet hommage rendu à son défunt mari, n'a visiblement pas perdu de son âme de résistante. Zohra Drif Bitat a rappelé l'enfer vécu par les Algériens durant la guerre , pour évoquer ce qui se passe, actuellement, en Palestine. « Nous, peuple algérien, qui avons vécu 7 ans de guerre, on ne peut pas ne pas ressentir ce que vivent nos frères palestiniens. Ils vivent ce qu'on a vécu pendant la guerre. Tout ce qui se passe là-bas, actuellement, nous l'avons vécu en Algérie. L'histoire de l'humanité, le plus grand déplacement de population a été fait en Algérie » dit-elle, rappelant les grandes opérations militaires ordonnées par De Guaulle et dirigées par Challe. « Je suis convaincue, dur comme fer, que les Palestiniens auront leur victoire et reviendront un jour s'installer sur la terre de leurs ancêtres spoliées par les juifs sionistes », dit-elle.