BEN GUERDANE (Tunisie) - Ben Guerdane, une ville tunisienne de près de 60.000 habitants, située au sud-est de la Tunisie, habituellement "pétillante" d'activité, semble somnoler depuis le déclenchement des troubles dans la Libye, voisine. Distante d'une trentaine de km de la frontière tuniso-libyenne et de 450 km de la capitale tunisienne (c'est l'agglomération la plus éloignée de Tunis), elle est surtout connue pour son marché de produits importés de Libye, appelé souk Zekra, qui en constitue la principale attraction. Aujourd'hui, le visiteur se rendant à ce marché est frappé par une léthargie qui tranche avec "l'animation permanente qui y est d'ordinaire observée", assurent des habitants des lieux. Cette ville du sud tunisien, était connue pour "un dynamisme de tous les instants" que les événements de Libye ont "stoppé net"', indique à l'APS Amar Boukelch, négociant en tapis au marché de Zekra. Son magasin cossu, bien connu, selon lui, des Algériens de passage vers la Libye, est aujourd'hui "sur le point de fermer, pendant que les commerces voisins attendent de liquider leurs derniers stocks, car approvisionnés essentiellement de Libye", dit-il. Non loin de là, Alaeddine Helasse, commerçant spécialisé dans les articles ménagers discute avec son voisin, marchand de tissus. Le moral ne semble pas au plus haut, les étagères sont sur le point d'être vidées et les stocks ne se renouvellent pas. Interrogés par l'APS, ils affirment tous deux que depuis les événements survenus en Tunisie, puis en Libye, "la clientèle, pour toute une journée, se compte sur les doigts d'une seule main". Pour sa part, Amar Hellal, commerçant en articles électroménagers, estime que toute la ville est "au bord de la faille'' car, dit-il, "son économie dépend essentiellement du commerce avec la Libye". Craignant de devoir déposer le bilan, il avoue "se surprendre à se préoccuper davantage de ce qui se passe en territoire libyen que des événements survenus dans (son) propre pays". Pour Mabrouk Rekkad, 38 ans, ingénieur forestier, l'avenir de la ville est "incertain" étant donné que les jeunes pensent désormais, et de plus en plus, à émigrer clandestinement. "Quand bien même, tient-il à souligner, (nos) jeunes furent-ils les premiers à se porter volontaires pour aider les réfugiés affluant au poste frontalier de Ras Jedir", situé à 45 km de là. Ces derniers jours, Ben Guerdane se transforme en dépôt pour les marchandises rapportées par les organisations humanitaires. Selon le président de la section locale du Croissant-Rouge tunisien, le Dr. Mohamed Bendiab, "le surplus sera sans doute envoyé au peuple libyen". Il ajoute toutefois que nul ne peut aujourd'hui savoir quand la situation se normalisera en Libye. "Car c'est à ce prix que Ben Guerdane pourra retrouver son dynamisme commercial et que ses commerçants ne fermeront boutique qu'aux moments de la prière", observe-t-il.