ALGER - La politique des deux poids deux mesures "suivie" par l'Occident, les Nations Unies et l'OTAN dans le règlement des conflits qui secouent le monde arabe a été vivement dénoncée samedi à Alger lors d'une rencontre sur le thème "La menace terroriste à la lumière de la situation en Libye". Saida Benhabyles, membre fondateur du Centre international de recherche et études sur le terrorisme (CIRET) a indiqué que "l'objectif est de combattre la dictature et les injustices. Pour cela, a-t-elle dit, il faudra être juste et non pas prôner la politique flagrante des deux poids deux mesures qui sera toujours la source du terrorisme et de nouveaux conflits". Elle a exprimé en outre son incompréhension vis-à-vis de certaines puissances qui prônent, a-t-elle ajouté, le retour "aux liaisons dangereuses d'avant le 11 septembre 2001 : alliances des djihadistes et des extrémistes islamistes ? Modèle de société obscurantiste ? Instauration d'Etats théocratiques". "Nous ne comprenons pas que l'Occident joue avec le feu pour sauvegarder ses intérêts économiques et géostratégiques, (en permettant) la prolifération d'armes lourdes et légères, le renforcement des rangs et du rôle d'El Qaida dans la région du Sahel qui risque de devenir leur sanctuaire et leur zone de No man's land", a-t-elle ajouté. Mme Benhabyles a dénoncé, par ailleurs, l'appel de certains pays occidentaux adressé au Conseil de Sécurité de l'Onu à adopter une résolution officialisant le droit d'ingérence à travers une intervention militaire à chaque fois qu'un peuple serait opprimé par ses dictateurs. "Nous voulons des projets de développement et non pas des projets de guerre", a-t-elle dit, avant de s'interroger sur le fait que les peuples palestiniens et sahraouis "ne bénéficient pas de cette volonté affichée par les grandes puissances de protéger la population civile". "Combien de résolutions adoptées par l'Onu en faveur du peuple palestinien n'ont pas vu le jour" et combien de pays occidentaux "s'opposent à l'organisation d'un référendum d'autodétermination au Sahara occidental", s'est-elle encore demandé. De son côté, le président du CIRET, Yves Bonnet, ancien responsable de la Direction française de la sécurité du territoire (DST), a rappelé notamment le principe onusien de non ingérence dans les affaires intérieures d'un pays, affirmant que l'intervention militaire était "toujours génératrice de conséquences que l'on ne mesure pas". Il a dénoncé, par ailleurs, "la politique des deux poids deux mesures", concernant l'application immédiate des résolutions relatives à la Libye et non pas celles concernant la Palestine. "Les résolutions onusiennes doivent s'appliquer à tout le monde", a-t-il insisté, rappelant celles appliquées pour la création de l'Etat d'Israël et qui demeurent à ce jour non appliquées pour la Palestine. Le directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, Eric Denécé, a pour sa part estimé que les opérations militaires en cours en Libye auraient des conséquences "extrêmement dommageables" pour la sécurité et la stabilité de la région du Sahel et du pourtour méditerranéen. Il a évoqué, dans ce sens, les quantités d'armes pillées dans les casernes et celles livrées aux rebelles libyens et à certaines tribus par les pays membres de l'OTAN, ajoutant à cela, a-t-il dit, une quasi absence des contrôles aux frontières par les Libyens. Il s'agit en général de mitrailleuses, d'armes individuelles et de missiles sol-air, a-t-il relevé, affirmant que les groupes terroristes, qui étaient traqués ces dernières années par les pays de la région, y compris par la Libye, ainsi que les réseaux du crime organisé, étaient en train de tirer profit de cette situation pour s'armer davantage. Le conseiller à la présidence de la République, Kamel Rezag-Bara, s'est inquiété, quant à lui, des dangers pouvant résulter d'un éventuel "effritement identitaire" en Libye. Cette possibilité, si elle venait à se confirmer, pourrait avoir des "répercussions importantes sur l'ensemble des pays de la région", a-t-il précisé. Il a estimé que l'Etat central de la Libye, "qui s'est construit au fil des civilisations risque d'être disloqué à la lumière des derniers évènements qu'il a connus", d'où l'importance, a-t-il dit, d'œuvrer pour une "édification institutionnelle et un retour de la bonne gouvernance dans ce pays". Abordant la question des Touaregs, il a notamment souligné les dangers qui pèsent sur ceux de Libye. Les Touaregs ont leur appartenance nationale, que ce soit en Algérie, en Tunisie, en Libye, au Mali, au Niger ou en Mauritanie, a-t-il précisé. Les participants à la rencontre ont appelé, dans une déclaration finale, l'opinion internationale et les instances des Nations unies à prendre conscience des dangers potentiels qui résulteraient d'une possible déstabilisation de certains pays de la rive sud de la Méditerranée, dont la résurgence de l'islamisme radical et le crime organisé. "A la lumière de l'expérience algérienne dans la lutte antiterroriste, nous dénonçons le renforcement des moyens des organisations subversives comme l'AQMI et les réseaux de trafic d'armes à partir de la Libye et les menaces qui pèsent sur la stabilité de la région, en raison (...) de sa transformation en sanctuaire des organisations terroristes, des réseaux de trafic de drogue et du crime organisé", souligne la déclaration. Les participants ont interpellé, en outre, la communauté internationale sur "le danger du non-respect des principes fondamentaux du droit international qui puisent leur source des valeurs intangibles contenues dans la Déclaration universelle des droits de l'homme".