ALGER - Les membres du Conseil de la Nation ont demandé mercredi au gouvernement de maintenir le taux de 33% consacré par le texte initial du projet de loi organique définissant les modalités d'élargissement de la représentation de la femme aux assemblées élues. Intervenant lors d'une séance plénière consacrée au débat sur le projet, des sénateurs ont demandé au gouvernement de maintenir l'article 2 relatif au nombre de femmes sur les listes électorales tel que prévu dans le texte initial présenté par le gouvernement devant l'Assemblée populaire nationale (APN). Selon eux, l'amendement introduit par les députés de l'APN consacrait l'"inégalité" entre les régions du pays. Ils ont estimé en outre que cette disposition -telle que proposée par les députés de l'APN- était difficile à mettre en œuvre expliquant que dans le cas d'une représentation arrêtée à 20% et avec un nombre de sièges égal à 4, on se retrouverait avec un taux de 0,8%. De même que pour la communauté nationale à l'étranger pourvue d'un seul siège, il est impossible d'appliquer le taux de 50% prévu par le projet de loi amendé par les députés de l'APN. Certains sénateurs se sont interrogés sur le motif qui a poussé les députés à revenir sur leur position après avoir voté à la majorité l'article 31 bis prévu par la Constitution amendée en 2008 consacrant la promotion des droits politiques de la femme à travers la multiplication de ses chances de représentation aux assemblées élues. L'article 2 prévoyait dans le texte initial un taux obligatoire de 33% pour les femmes dans chaque liste de candidature indépendante ou de partis sous peine de rejet pur et simple de la liste. Après amendement par la chambre basse du parlement, un taux de 20% a été retenu pour les élections de l'APN lorsque le nombre de sièges est égal à 4 et de 30 % si le nombre de sièges est égal ou supérieur à 5. L'article prévoit également un taux de 35% de femmes dans les listes électorales de l'APN si le nombre de sièges et égal ou supérieur à 14, (40%) pour 32 sièges et plus et 50% pour les sièges réservés à la communauté nationale à l'étranger. Concernant les élections des Assemblées populaires de wilayas (APW), le projet amendé par l'APN définit un taux de 30 % pour les femmes lorsque le nombre de sièges est 35, 43 ou 47 et un taux de 35 % lorsque le nombre de sièges est de 51 ou 55. S'agissant des élections des Assemblées populaires communales (APC), le projet de loi fixe à 30 % le nombre de femmes dans toutes les communes, chefs-lieux de daïras comptant plus de 20.000 habitants. Tout en saluant le système des quotas, des membres du Conseil de la Nation, dont Brahim Boutkhil du Rassemblement national démocratique (RND), Zahia Benarous, du tiers présidentiel et Ahmed Hamdi du parti du Front de libération nationale (FLN), ont souligné l'impossibilité d'appliquer ces taux tel que prévus par le projet de loi. Ils ont estimé en outre que ce projet de loi impliquait une injustice à l'égard de la femme dans les régions rurales et dans le Sud dont la population reste inférieure à 20000 habitants. Pour sa part, le député Abdelkader Kaci, du FLN a considéré que l'article 2 de cette loi était "complexe et imprécis" soulignant que la chambre basse avait "rejeté le premier taux, franc et précis, pour ouvrir la voie à la jurisprudence, à l'arbitraire et à l'improvisation". D'autres sénateurs ont fustigé les inégalités entre régions, wilayas et assemblées élues, véhiculées par le projet de loi. Dans ce contexte, Leila Tayeb, du tiers présidentiel, a jugé "inacceptables" ces inégalités alors que Bachir Daoud, du FLN, a estimé que ces dernières obéissaient à "des objectifs étriqués". Pour le sénateur Lakhmis Chehal (FLN) "il s'agit plutôt d'une exclusion de la femme de toute représentation politique dans le sud". De leur côté, Bouzid Lazhari et Rafika Kasri du tiers présidentiel ont demandé au ministre de la Justice, M. Tayeb Belaiz qui avait présenté un exposé sur le projet de loi, d'élucider le contenu des articles 2 et 3. L'article 3 stipule une répartition des sièges entre les listes selon le nombre de voix obtenues par chaque liste. Les taux définis par l'article 2 sont obligatoirement réservés aux candidates en fonction de leur classement nominatif dans les listes. La sénatrice Zahra Drif-Bitat a demandé au président de la République d'user des prérogatives que lui confère la Constitution pour ordonner une deuxième lecture de ce texte "inéquitable et contraire aux engagements du président de la République et à sa volonté d'approfondir et d'ancrer définitivement la démocratie en Algérie". Par ailleurs, des sénateurs dont Mohamed Hamani (FLN) ont salué le texte de loi qui "respecte les spécificités" de chaque région et qui constitue selon Saleh Derradji "un important acquis" pour la femme. Les sénateurs Mohamed Lazreg et Kamel Bounnah (FLN) et Abdelkader Salem du tiers présidentiel ont estimé qu'il était plus indiqué de commencer par changer les mentalités et former les partis de manière à ce qu'ils "favorisent systématiquement la candidature de femmes". Ce texte de loi est de nature à "consacrer la médiocrité et à encourager les partis à présenter des candidatures au hasard sans tenir compte de la compétence ni de l'engagement politique", a estimé M. Lazreg. Le texte de loi sera soumis au Conseil de la Nation pour adoption jeudi, sachant que la chambre haute du Parlement n'est pas en droit d'introduire des amendements aux projets de loi. En cas de vote négatif par le sénat d'un projet de loi, la législation prévoit la mise en place d'une commission, représentant les deux chambres, qui s'attellera à élaborer une mouture consensuelle. Le cas échéant, le texte dégagé est soumis une seconde fois au Parlement pour examen et adoption. Si les membres de la commission n'aboutissent pas à un consensus, le gouvernement est dans l'obligation de retirer le texte de loi.