Une étape importante, mais non encore déterminante, a été franchie mardi à Marseille dans la reconnaissance du droit de tous les peuples du monde à un accès équitable et dans de bonnes conditions sanitaires à l'eau, lors des travaux de la seconde journée du 6e forum mondial de l'eau qui a laissé "la part belle" aux industriels de l'eau, selon des ONG. La déclaration ministérielle du Forum souligne ainsi que "l'eau est un facteur clé pour la paix et la stabilité" dans le monde, et a souligné l'engagement des participants au Forum "à accélérer la mise en œuvre des obligations en matière de droits de l'homme pour l'accès à l'eau potable et à l'assainissement par tous les moyens appropriés, au titre de nos efforts pour surmonter la crise de l'eau à tous les niveaux". Les ministres se sont déclarés "déterminés à assurer l'accès de tous à l'eau potable et l'assainissement aux niveaux requis de disponibilité, de coûts, de qualité et d'acceptabilité en mettant l'accent sur les plus vulnérables et en prenant en compte la non-discrimination et l'égalité homme-femme". La même déclaration souligne également que "nous devons intensifier nos efforts pour prévenir et réduire la pollution de l'eau en vue d'accélérer l'accès à l'assainissement durable et améliorer la qualité des ressources en en eau et des écosystèmes", avant de préciser que "nous sommes déterminés à assurer le suivi de la résolution sur l'eau potable et la santé adoptée par l'assemblée mondiale de la santé pour lutter contre les maladies liées à l'eau". Mais, les réflexes sont tenaces au niveau économique dans une déclaration qui ménage en fait les intérêts des grands groupes industriels. "L'eau procure des retours sur investissements importants en termes économiques, sociaux et environnementaux", indique la déclaration, qui concède que l'eau "contribue significativement au développement durable et à l'éradication de la pauvreté dans les zones urbaines comme rurales, dans l'agriculture comme dans l'industrie". Néanmoins, la même déclaration souligne qu'il'"faut donner la priorité à l'eau et à l'assainissement dans les allocations budgétaires et dans la coopération internationale, et de faire bon usage des instruments financiers". En outre, "l'eau est cruciale pour l'agriculture, le développement rural, l'industrie alimentaire et la nutrition", estime la déclaration finale qui relève que "il ne peut y avoir de sécurité alimentaire ans eau". De fait, "les politiques de l'eau et de sécurité alimentaires doivent donc être intégrées pour assurer tout à la fois un usage efficace et de protection des ressources en eau". Pour autant, des experts et membres d'ONG altermondialistes ont mis en en garde contre le détournement du Conseil mondial de l'eau de ses objectifs, à savoir fournir l'eau à tous et à un coût supportable. "Oui, il existe une guerre féroce entre les gouvernements et collectivités locales qui militent pour une gestion publique de l'eau et les grands lobbies industriels de l'eau. Le conseil mondial de l'eau, une institution intégrant des experts intègres et compétents pour gérer ce type de problème à l'échelle mondiale, est en train d'être phagocytée par les industriels de l'eau, qu'ils soient distributeurs ou embouteilleurs", estime l'expert algérien Meddi Messahel. Selon lui, cette guerre peut-être décryptée à travers "les contrats de gestion déléguée de lÆeau octroyés par les collectivités locales. Ils (les industriels) ont en fait trouvé un filon qu'ils exploitent à plein "débit". En fait, les industriels de l'eau ont détourné pratiquement les objectifs du conseil mondial de l'eau, qui travaille pour le droit à lÆaccès à la ressource à tous". M. Messahel, également gouverneur auprès du Conseil mondial de l'eau, rappelle que "c'est ce qui a été à l'origine, au forum de Mexico, à la naissance du courant altermondialiste pour lutter justement contre le féroce lobbying au sein du Conseil mondial de l'eau''. "L'objectif des altermondialistes et de la société civile est également de chercher des sources de financement pour l'accès à l'eau pour tous", a-t-il dit dans une déclaration à l'APS. Le constat des altermondialistes, présents en force à Marseille, et qui tiennent leur forum dans les docks du sud, près du port de Marseille, est terrible : "la gestion et l'exploitation de l'eau sont source de juteux profits et objet d'une guerre sans merci entre les prédateurs privés" qui monopolisent en fait la gestion et la distribution de plus de 30% de lÆeau qui coule dans les robinets à travers la planète.