Les travaux du 6e Forum mondial de l'eau, orientés vers des solutions plus pratiques pour gérer cette ressource de plus en plus rare et la distribuer à un large public dans le monde, se poursuivent à Marseille par des conférences débats animés par des experts. L'ouverture solennelle du Forum avec la présence de personnalités de haut niveau, dont l'ex-président soviétique, Mikhael Gorbatchev, des ministres ainsi que le Premier ministre français, François Fillon qui a donné le ton à six jours de débats sur ce qu'il faut faire, selon la bonne formule d'un expert, pour faire acheminer l'eau à tous les foyers dans un monde à forte croissance démographique. Ce Forum s'est d'ailleurs, comme redouté par les altermondialistes et ceux qui prônent une gestion plus alternative de l'eau dans le monde, vite transformé en congrès de professionnels venus vendre leurs solutions, avec la présence de grands groupes mondiaux de la production de l'eau embouteillée. Les stands de ces groupes industriels qui proposent leurs solutions pour la production et le stockage, ainsi que la distribution en aval de l'eau, tranchent en fait avec les stands des participants, dont ceux d'Afrique subsaharienne, d'Afrique du nord et du Maghreb et d'Amérique latine. Car les chiffres actuels sur la situation de l'accès à l'eau dans le monde sont éloquents, même si les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), selon des statistiques de l'ONU, sont "bons". Selon des chiffres de l'OMS, l'objectif du millénaire de réduire de moitié d'ici à 2015 le nombre d'habitants sans eau potable, par rapport à 1990, a ainsi été atteint avant terme, voire même légèrement dépassé. Au total 89% des humains (6,1 milliards de personnes) avaient fin 2010 "accès à des sources améliorées d'eau potable", alors que l'objectif pour 2015 était de 88%. Mais, selon des estimations de plusieurs ONG, plus de 800 millions de personnes vivent sans accès à l'eau potable dans le monde et 2,5 milliards de personnes sans installations sanitaires de base. Mieux, entre 3 et 4 milliards de personnes n'ont pas accès de façon pérenne à l'eau, selon Gerard Payen, un des conseillers pour l'eau du Secrétaire général de l'ONU. C'est en fait sur ce créneau que se bat la "société civile" contre les grandes oligarchies qui se sont taillé des empires dans le domaine de la gestion de l'eau, en aval et en amont, la rendant plus chère et sélective. "Les amis de la terre" et le WWF ainsi que plusieurs autres ONG altermondialistes sont ainsi présents en force à ce forum et en marge de ses travaux également avec un forum alternatif organisé dans les docks sud du port de Marseille. Alors que près de 10.000 personnes meurent chaque jour en buvant de l'eau non potable, le forum de Marseille peut-il aller au-delà des intentions de circonstances ? C'est en fait une des interrogations qui se dégage des débats des différentes tables rondes organisées par des fondations, des experts et des représentants de grands groupes industriels. "Car l'exploitation de cette ressource naturelle est devenue un enjeu pour des profits surréalistes, et suscite une guerre féroce entre les prédateurs financiers privés", estiment des altermondialistes à Marseille, et relèvent que "du même coup s'est ouvert un terrain propice à toutes sortes de jeux d'influence politico-financières pour la maîtrise amont (assainissement, irrigation) et aval (distribution) d'une ressource indispensable à la nature et à l'homme.