En entrant pour la première fois dans le vieux ksar de Taghit (90 km au sud-est de Bechar), la vieille citadelle en toub donne l'impression d'avoir subi un bombardement. Implacable constat pour ce site classé patrimoine national, depuis plus de vingt ans déserté par ses habitants : il tombe tout simplement en ruine. Bâti sur un rocher entre la palmeraie et les grandes dunes de sable, ce ksar millénaire, composé de plus de 200 maisons et d'une mosquée, est la synthèse de l'habitat saharien et l'architecture berbèro-musulman. Cependant, la majorité des bâtisses sont en ruine, les murs éventrés, les poutres fendues et les détritus inondent la cité. Dans le dédale de ruelles du vieux ksar, le visiteur s'étonnera aussi de l'état des conduites d'assainissement et d'alimentation en eau, des câbles électriques et des murs en briques, installés ou construits sans autorisation préalable des services communaux, assure-t-on à l'APC de Taghit. Entamée en 2002, suite à l'adoption de la loi 98-04 sur la protection du patrimoine, la restauration du vieux ksar de Taghit, conduite sous la houlette des services de la wilaya de Bechar, n'a cependant pas empêché l'effondrement des bâtisses (prés de 80%) lors des inondations de 2008. En cause, le non-respect des normes originelles de la construction saharienne et l'absence de compétences spécialisées. Les opérations de restauration ont, en effet, introduit des matériaux de construction étrangers au ksar comme le ciment et le plastique (utilisés pour l'étanchéité). Les propriétaires de maisons s'accordent à dire que l'argile utilisée "a été mal préparée et (que) les troncs de palmiers (utilisés comme poutres) étaient humides ou mal choisis". Au final, l'argile a fondu et les poutres, déjà fragiles, ont fini par céder sous le poids des bâches en plastique où l'eau s'était accumulée en l'espace de quelques jours, après les pluies diluviennes de l'hiver 2008. Taghiti Ahmed, membre de l'assemblée et ancien maire de Taghit, partage le même constat que ses anciens administrés. Pour lui, le grand problème de la restauration reste "l'absence de personnels spécialisés et surtout la mise à l'écart de la population locale et des propriétaires des maisons qui détiennent en réalité le savoir-faire de la construction artisanale". Les lenteurs administratives ne jouent pas non plus en faveur de la sauvegarde de ce patrimoine architectural historique, alors que le ksar et surtout sa mosquée, dont le minaret s'est effondré, attend sa restauration depuis au moins quatre 4 années. En réalité, comme le précise Djenahi Abdelkader, directeur de la Culture de la wilaya de Bechar, la restauration des Ksour de Bechar (Taghit, Knadsa et Beni Abbes) a été menée comme un simple marché de construction, en l'absence de structure spécialisée dans la restauration des vieilles constructions en terre. Le non-respect des normes de restauration est également décrié par son collègue Ahmed Aadli, chef de service "Patrimoine", structure nouvellement créée, qui rejette la responsabilité sur le bureau d'études chargé de la restauration et du suivi des travaux, tout en relevant la faille juridique qui autorise les propriétaires des maisons à entamer des travaux, passé le délai de deux mois consécutifs au dépôt de demande de permis. A la question de savoir si son service disposait d'un plan sur l'état initial des ksour, base pour toute opération de restauration, M. Aadli affirme qu'il "n'existe aucun plan à son niveau", ni aucun projet d'architecte concernant la modernisation des techniques de construction en terre. Cependant, plusieurs groupes de chercheurs et d'architectes indépendants affirment avoir déposé plusieurs projets dans ce sens. En attendant, la direction de la culture de la wilaya de Bechar souhaite pouvoir créer des périmètres de sauvegarde autour des sites inventoriés et disposer de personnels qualifiés pour la restauration et la gestion du patrimoine. Un vœu partagé par les habitants du vieux ksar qui souhaitent pouvoir prendre en main le destin de leur cité, être associés à ne restauration globale et durable, et rêvent d'une exploitation touristique de leurs propriétés. Mais en attendant, le vieux ksar de Taghit dépérit inexorablement...