Hamoud-Boualem, la plus ancienne entreprise algérienne encore en activité, se veut un modèle de réussite et de résistance vaillante face aux vicissitudes de l'histoire, de la société et... des goûts. Après avoir vécu deux Guerres mondiales, une guerre de libération et de longues années d'instabilité, Hamoud-Boualem, la marque, se porte comme un charme. La fondation de Hamoud-Boualem remonte à la deuxième moitié du XIXe siècle, quelques années avant l'apparition des deux grandes marques mondiales de soda (Coca-Cola et Pepsi-Cola). Youcef Hammoud, l'aïeul fondateur et grand-père de Boualem Hammoud, est alors établi dans le quartier de Belcourt (aujourd'hui Mohamed-Belouizdad) comme limonadier et distillateur d'arômes. Très tôt, il décide de passer le pas et, ajoutant du sucre et de l'eau gazeuse à ses essences de citron, il commence à fabriquer de la limonade, Hamoud-Boualem voit le jour en 1878. Le succès arrive rapidement. En 1889, lors de la tenue de l'Exposition universelle à Paris, la limonade de Youcef Hammoud, qui s'appelle alors la Royale, se voit récompensée d'une médaille d'or. S'en suivent une vingtaine de médailles d'or et d'argent remportées lors des différentes expositions auxquelles l'entreprise a concouru. Indémodable, cette boisson est connue, aujourd'hui, sous le nom de "Hamoud la blanche" et reste une valeur sûre pour l'entreprise. Pourquoi les autorités d'occupation française se sont-elles intéressées à une entreprise algérienne et l'ont-elles primée, alors qu'elles s'évertuaient à aliéner tout ce qui symbolisait l'Algérie ? En effet, la France voulait prouver au monde entier que les économies de ses colonies prospéraient sous sa direction et se vantait des quelques produits artisanaux exposés lors de manifestations internationales après avoir réduit à néant toutes les industries stratégiques algériennes. "Cette brèche, Hammoud en a profité pleinement pour faire la promotion de son produit et affirmer toute la grandeur de la résistance algérienne face aux difficultés et obstacles rencontrés pendant la période coloniale", précise à l'APS Réda Hammoud arrière-petit-fils de Youcef et directeur général de Hamoud-Boualem. C'est le petit-fils de Youcef, Boualem Hammoud qui, en 1924, crée l'entreprise en déposant la marque Hamoud-Boualem. En quelques années, il donne un essor très important à sa société, une société 100% algérienne qui sera une source d'inquiétude pour les autorités françaises, lesquelles décident de la soumettre à davantage de taxes et d'impôts en vue de l'épuiser financièrement et lui imposent un actionnaire français ne jouissant d'aucune expérience. Ce dernier accapare la majorité des actions. La société survit à la nationalisation en reconnaissance de son apport à la Révolution... En 1951, Youcef Hammoud (arrière-petit-fils de Youcef le fondateur) et Abderrahmane (dit Dahmane) Hafiz, un parent proche, se proposent de racheter la société. C'est ainsi qu'ils ont recouvré le legs familial et repris les rênes de l'entreprise dont ils sont, aujourd'hui, les principaux actionnaires. C'est grâce à sa contribution à la guerre de libération que la famille Hammoud a survécu au processus de nationalisation enclenché par les autorités algériennes au lendemain de l'indépendance. Ainsi, les Hammoud et six autres familles en ont été épargnées en guise de reconnaissance pour leur apport et leur contribution à la Révolution. A la fin des années 1980, l'entreprise réalise d'excellents résultats en tirant un maximum de profits de l'ouverture économique caractérisée par l'arrivée en Algérie des grandes marques de boissons gazeuses et en entreprenant d'importantes opérations d'expansion dans un contexte de concurrence ardue. Cependant, la situation qu'a vécue le pays pendant les années 1990 a freiné cet élan. Pendant la première décennie du troisième millénaire, la société entreprend une stratégie de diversification inédite. Confortée par le climat de stabilité et de paix instauré, elle revoit à la hausse ses activités de production, consolide son réseau de distribution et acquiert deux nouvelles entreprises de production d'eau minérale, l'une à Béjaïa et l'autre à Sidi Bel-Abbès. Troisième millénaire : le véritable départ... En 2000, l'entreprise exporte, pour la première fois, son produit phare le Selecto en collaboration avec un investisseur français. Sur un marché en pleine expansion, l'entreprise produit aujourd'hui près de 300 millions de litres de boissons par an contre 30 millions en 1995. Son chiffre d'affaires en 2010 a dépassé les 6 milliards DA. La plus vielle boisson algérienne "se taille 20% des parts du marché des boissons gazeuses en Algérie, selon plusieurs bureaux d'études spécialisés", affirme Réda Hammoud, précisant que la marque Hamoud occupe la première place en termes de volume des ventes à Alger et la deuxième au niveau national. Hamoud-Boualem ambitionne d'occuper la première place au niveau national et d'atteindre 30% de parts de marché à l'horizon 2015 parallèlement à l'augmentation de 10% de ses exportations, a-t-il ajouté. L'entreprise est actuellement à pied d'œuvre pour la réalisation d'une nouvelle unité à l'est du pays (Constantine) afin de renforcer les capacités des unités du Centre (Alger) et de l'Ouest (Oran). A long terme, l'entreprise se projette dans des perspectives plus que prometteuses dans un marché où sa marque tient une place incontestable. Elle ambitionne de décupler sa production à l'horizon 2022 dans le cadre d'une stratégie complémentaire comprenant également l'élargissement de ses exportations vers les pays du Golfe et en Amérique Latine et la diversification de ses produits. L'histoire de Hamoud-Boualem, Réda la résume comme suit : "Notre parcours, entamé par le fondateur de l'entreprise, Youcef Hammoud, a vu passer cinq générations qui ont marqué de leur empreinte l'histoire de l'entreprise jusqu'à ce que l'usine arrive à exporter ses produits à l'étranger et devienne leader dans le domaine de l'agroalimentaire. Cinquante ans après l'indépendance, le message que livre la doyenne des entreprises algériennes à la jeunesse est celui de la résistance face aux difficultés et aléas de la vie, une résistance que l'entreprise mène à ce jour au rythme d'une rude concurrence face aux géants mondiaux des boissons gazeuses".