La majorité des vingt députés qui débattaient lundi du rapport sur la conjoncture économique et monétaire de l'Algérie en 2011, et notamment ceux du Front pour la justice et le développement (FJD), ont interpellé le gouverneur de la Banque d'Algérie (BA) sur le marché parallèle de la devise, qu'ils jugent nuisible pour l'économie nationale, en appelant à l'ouverture de bureaux de change en Algérie. "La légalisation du marché parallèle des devises est un signal fort et un feu vert en direction du blanchiment d'argent et une reconnaissance envers les canaux de fraude et un moyen de repousser les investisseurs étrangers qui ne font pas confiance à une monnaie à deux valeurs", a averti le député Lakhdar Ben Khellaf (FJD). La "tolérance qui semble s'afficher vis-à-vis de ce marché au moment où la lutte contre les autres marchés informels bat son plein" témoigne, selon lui, de "l'absence d'une vision stratégique autour de la gestion financière en Algérie". Le député s'est interrogé sur le "motif qui empêche l'Etat algérien de créer des bureaux de change" alors que la règlementation le permet. Il a cité en particulier le règlement 795 de la Banque d'Algérie, qui date de 1995 et qui nécessite, selon lui, une "révision urgente pour faire des bureaux de change une activité lucrative". Il a d'autre part appelé au relèvement du montant de l'allocation touristique accordée une fois par an aux Algériens qui voyagent à l'étranger, fixée depuis plusieurs années à 140 euros, "un montant dérisoire qui incite davantage les gens à recourir au marché parallèle", selon M. Khellaf. La député du même parti Meriem Derrahi a mis l'accent sur la directive 96-08 de la Banque d'Algérie fixant les conditions de création des bureaux de change et qui, recommande-t-elle "doit être appliquée pour mettre fin à l'anarchie totale caractérisant le marché des devises en Algérie". Elle a pour sa part déploré "le message politique qui a donné le feu vert au marché parallèle des devises" en s'interrogeant sur les critères qui définissent le taux de change officiel du dinar algérien. Le ministre de l'Intérieur et des collectivités locales, Dahou Ould Kablia avait récemment estimé que les citoyens "trouvaient leur compte" dans le marché parallèle de la devise et qu'il n'existait pas de raison pour l'interdire. La député Jouida Ben Tlemçani (FLN) s'est à son tour indignée de constater "l'absence de toute volonté politique de contenir ce marché" et a proposé par ailleurs d'amender le modèle du "taux de change flottant" pour le rendre variable en fonction de la conjoncture économique. Mohamed Adami de Ahd 54 s'est également interrogé sur les raisons "d'accepter que le dinar algérien s'échange en plein air au Square port Saïd (Alger)", un souci partagé par le représentant du FLN, Lazhar Hamadou qui a insisté sur l'urgence d'ouvrir des bureaux de change à l'instar de ce qui se fait de par le monde. Interpellé récemment par la presse sur ce sujet, le ministre des Finances Karim Djoudi a été catégorique : "le gouvernement va combattre le marché informel de la devise. La loi ne permet pas l'existence d'un marché parallèle de la devise", a-t-il déclaré. Quant à la question relative aux bureaux de change, M. Djoudi avait déjà expliqué que la défaillance en la matière est due au manque d'intérêt pour cette activité. "S'il n'y a pas une multitude de bureaux de change en Algérie, c'est parce que les gens ne veulent pas s'investir dans ce créneau en raison de la (faible) rémunération sur la fourchette entre le coût acheteur et le coût vendeur", a-t-il dit. Le taux de change officiel du dinar est cette semaine à 79 dinars pour un dollar et à 103 dinars pour un euro. Sur le marché parallèle du Square port Said, l'euro est échangé, autour de 146 dinars et le dollar à 110 dinars. L'écart entre les taux officiel et parallèle n'a pas échappé à la critique des députés. Les débats autour du rapport sur la conjoncture économique et monétaire de l'Algérie en 2011, présenté lundi matin à l'APN par le gouverneur de la Banque d'Algérie Mohamed Laksaci, se poursuivent jusqu'à mardi et seront clôturés par la réponse du gouverneur.