Le collectif d'avocats des 24 prisonniers politiques sahraouis ou "groupe Gdeim Izik" a demandé, vendredi à Rabat, "la levée de l'état de détention" des prévenus et leur mise "au moins" en liberté provisoire, tout en déclarant le tribunal militaire "incompétent" à les juger. Dans leurs requêtes préliminaires introduites lors de la deuxième audience du procès, ouvert vendredi dernier, les avocats des militants sahraouis ont notamment souligné que leur comparution devant un tribunal militaire est en contradiction avec la Constitution marocaine qui interdit la formation de tribunal militaire, particulièrement en son article 126. Ils ont également rejeté la liste des témoins (09) présentée, selon eux, à la dernière minute, par le procureur général, alors que la loi stipule qu'ils doivent être convoqués cinq jours avant l'audience. "Il y a des doutes sur cette liste. Qui sont-ils (les témoins) ? Quelle est leur identité ?", s'est interrogé un avocat de la défense, tandis qu'un de ses collègues a demandé que le collectif soit "associé" à toute décision du tribunal pour garantir un procès équitable. "Nous n'avons pas peur des témoins. Ce que nous voulons, c'est un procès juste et équitable. Nous respectons la loi", a-t-il dit, en affirmant "ce que nous ne voulons pas, c'est le non respect de la loi". Evoquant l'arrestation de leurs clients, le collectif (une dizaine) a souligné que le cas de "flagrant délit" ne peut être appliqué sur les accusés qui ont été arrêtés soit avant, soit après le démantèlement du camp et surtout très loin de Gdeim Izik. "Des accusés ont été interpellés quelques jours après le démantèlement du camp et loin d'El Ayoun" et "sans que leurs familles ne soient avisées de leur arrestation", a précisé un avocat de la défense. Par ailleurs, un autre avocat a fait état de "tortures" et de "pratiques inhumaines" subies par les prévenus durant leur détention, alors que la Constitution marocaine condamnait ces actes, a-t-il rappelé. Lors de l'ouverture de cette seconde audience, la défense a présenté cinq témoins des évènements de Gdeim Izik. La première audience du procès des prévenus arrêtés et détenus depuis le 8 novembre 2010 après un assaut des forces marocaines contre le camp sahraoui de Gdeim Izik, proche d'El-Ayoun occupé, au Sahara occidental, s'était déroulée vendredi dernier et ajournée par le tribunal après la requête formulée par les avocats des accusés exigeant la présence de témoins des arrestations. Les 24 Sahraouis, militants des droits de l'homme, sont notamment accusés d'"atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, formation d'une bande criminelle et atteinte aux fonctionnaires publics dans le cadre de l'exercice de leur fonction" et risquent, de ce fait, la réclusion à perpétuité. Des dizaines d'observateurs européens, pour la plupart des magistrats, avocats et militants des droits de l'homme, ainsi que des Eurodéputés, étaient présents à l'audience. A l'ouverture du procès, les prisonniers, en tenue traditionnelle sahraouie, ont brandi des "V" de la victoire et scandé des slogans pour l'autodétermination du peuple sahraoui. Pour rappel, plus de 20.000 Sahraouis avaient, à l'automne 2010, élu domicile dans le camp de Gdeim Izik où ils avaient dressé quelque 3.000 tentes pour "défendre leurs droits politiques, économiques et sociaux", avant d'en être délogés par les forces d'occupation marocaines. Les prisonniers politiques sahraouis sont détenus à la prison locale 2 de Salé, la ville jumelle de Rabat, depuis 27 mois. Ils avaient eu à observer plusieurs grèves de la faim afin d'alerter l'opinion publique sur leur sort et revendiquer l'amélioration de leurs conditions de détention, ainsi que leur libération inconditionnelle ou bien la tenue d'un procès juste et équitable devant un tribunal civil. A la suite de leur arrestation, des membres de leurs familles avaient organisé plusieurs sit-in à Rabat pour attirer l'attention sur leurs conditions d'incarcération et réclamer leur libération. Le 21 janvier dernier, à la veille de leur première audience, ils avaient appelé à l'application du droit international dans ce dossier. "Nous demandons à ce que les principes du droit international soient imposés dans le dossier du groupe de Gdeim Izik, puisqu'il s'agit de détenus politiques qui ont exprimé des revendications par rapport à la question sahraouie qui est gérée par l'Organisation des Nations unies", a souligné un membre de ces familles dans une conférence de presse au siège de l'association marocaine des droits humains (AMDH). Plusieurs associations internationales de défense des droits de l'homme, des intellectuels et avocats ont réclamé leur libération "inconditionnelle" et dénoncé la comparution de civils devant un tribunal militaire.