Le tapis de Babar de la wilaya de Khenchela représente par ses motifs, ses couleurs et sa texture particulière, un patrimoine typique qui pérennise la pure tradition de la tapisserie d'art des Aurès. Ce tapis dont la renommée a dépassé les frontières du pays, figure désormais sur la carte de visite culturelle de la wilaya de Khenchela. Il fut la vedette incontestée de la 4ème fête du tapis qui a réuni, la semaine dernière à la maison de la culture de Khenchela, des tisserands des plusieurs wilayas du pays dont Ghardaïa et Tizi Ouzou. Selon des tisserands de la localité de Babar, une commune distante de 30 km de Khenchela, ce tapis se distingue par sa palette particulière de couleurs, sa texture délicate et ses motifs représentant généralement des bijoux dont notamment la "khlala" (genre de broche), mais aussi des lances, des épées ou des croissants lesquels, ajoutent-ils, ont en commun d'être de "bon présage". Placée sous le slogan "pérennisons ensemble nos traditions", cette manifestation a donné lieu à la tenue d'un atelier de formation à la technique de tissage du tapis de Babar. Selon Hocine Bouzekri, artisan reconnu, le tissage se fait sur le métier à tisser localement appelé "Seddaya" et fait appel à un outillage approprié comprenant notamment Lekhlala qui est un peigne en acier servant à tasser les fils de laine. Le tissage proprement dit est précédé, selon ce professionnel, de plusieurs phases de préparation de la laine incluant son cardage au moyen du "Kardech" (carde constituée de deux plaques en bois menues de plusieurs rangées d'aiguilles en fer et tenues par une poignée).Dans la phase de filage, la laine est transformée en fils à l'aide du "Maghzel" (genre de quenouille), note encore Bouzekri. Un autre tisserand de Babar, Amar Tebbi, les couleurs dominantes de ce tapis sont le rouge, le noir et le jaune qui composent les divers motifs hérités d'une génération à une autre et parfois au sein d'une même famille, au point que certains modèles portent des noms de familles connues de la localité. Ces couleurs sont obtenues, précise-t-il, par l'utilisation de colorants naturels à base de "mélanges savants" de végétaux dont le henné, la peau de grenade et l'écorce de noyer (swak). Vient ensuite le moment d'installer le métier à tisser, composé de deux planches épaisses, horizontalement parallèles et soutenues par deux autres planches parallèles disposées verticalement. Selon les explications recueillies à Babar, le tapis fabriqué ici pèse entre 30 et 50 kg en fonction de ses dimensions. Dans cette localité, dit-on, chaque foyer doit posséder un tapis que l'on déroule lors des grandes occasions, des fêtes ou lorsqu'on reçoit des hôtes distingués. La tradition orale locale fait remonter les origines de ce tapis à l'arrivée dans la région des tribus des Beni Hilal. Lazhar Bougoffa, universitaire, affirme qu'un des anciens modèles du tapis de Babar, se singularisant par de superbes motifs et par l'agencement de ces couleurs, est conservé au musée du Louvre, à Paris (France). Selon le même spécialiste, un morceau de tapis retrouvé dans la ville de Fostat, en Egypte, à la suite de fouilles archéologiques, présente des similitudes frappantes avec le tapis maghrébin en général. Par bonheur, le tissage traditionnel dans la wilaya de Khenchela présente depuis quelques années des signes de relance favorisés par les dispositifs d'aide aux artisans, contribuant ainsi à la préservation de ce patrimoine.