En début d' année, cette nation d'Afrique centrale était déjà le théâtre de la troisième crise de déplacement interne la plus grave au monde. Pas moins de 7,8 millions de Congolais avaient en effet quitté leur foyer pour trouver refuge ailleurs dans ce pays riche en minerais et miné par les conflits, où les groupes armés pullulent, et cela avant même l'intensification du conflit dans l'EZt de la RDC. Des milliers de déplacés à nouveau sur les routes. Après la destruction par le groupe. terroriste M23 des camps de fortunes de Goma, dans l'est de la République du Congo, des familles entières en sont réduites à errer sans destination, au moment même où les coupes budgétaires rendent leur suivi difficile. Des centaines de milliers de personnes qui fuient leur village chaque fois qu' il y a des combats, ce qui les expose à des risques très graves, ces affrontements entraînent toujours des grands déplacements, et des crises humanitaires sans précédent. De nombreuses familles se déplacent plusieurs fois « polycrise », tant les personnes déplacées cumulent les vulnérabilités au niveau sécuritaire, humanitaire et financier. Alors que le M23 poursuit sa progression, le sort de près d'un million de civils qui avaient trouvé refuge au cours des trois dernières années dans les environs de Goma, où des camps pour personnes déplacées s'étendaient, il y a quelques semaines encore, à perte de vue. Les autorités de facto du M23 et de la coalition politico-militaire dont le groupe fait partie, l'Alliance Fleuve Congo, ont procédé à la destruction des sites, peu de temps après leur prise de la ville, après avoir ordonné leur évacuation un ultimatum contraire aux règles du droit international humanitaire. «C'était vraiment un océan de sites et de bâches plastiques». «Mais aujourd'hui, il ne reste strictement plus rien». Le groupe terroristes M23, formé en 2012 par d' anciens soldats congolais issus de l' ethnie tutsie, le Mouvement du 23 mars, (dit M23), tire son nom de la date de signature des accords de paix de 2009 entre le gouvernement de la RDC et une faction rebelle tutsie, accords que le groupe accuse Kinshasa de ne pas avoir respectés. Après s' être brièvement emparé de Goma, la principale ville du Nord-Kivu, en novembre 2012, le M23 a été vaincu et contraint à l' exil l'année suivante. Inactif pendant près d'une décennie, le groupe a refait surface en 2021. Depuis lors, il intensifie sa campagne militaire dans les régions de l' est. Le 27 janvier, suite à une percée fulgurante, le M23 a notamment pris le contrôle de Goma, avant de conquérir quelques semaines plus tard Bukavu, la principale ville de la province voisine du Sud-Kivu. En tenant compte des développements récents, les déplacements concernent près d'un tiers de la population du Nord-Kivu, un quart de celle du Sud-Kivu et 40 % de celle de l'Ituri, une province voisine dans laquelle d'autres groupes armés profitent de la diversion causée par la percée du groupe M23 pour multiplier les attaques contre des civils et l'armée régulière. Dans la précipitation, une partie des personnes déplacées s'est réfugiée au sein d'écoles, d'hôpitaux et de cours d' église à l'intérieur et dans la périphérie de Goma, où elles demeurent encore à l'heure actuelle. Les autres sont rentrées chez elles, souvent de manière forcée. «Il y a des principes qui sont connus : les retours doivent être volontaires, doivent être dignes, doivent être faits dans la sécurité. Ce n' est pas exactement comme ça que ça se passe » Beaucoup d' aide humanitaire, au cours des deux dernières années, était livrée directement sur site, autour de Goma, alors que maintenant pour tous les gens éparpillés dans des centres collectifs ou qui sont retournés dans leur village d' origine. Dans les deux cas, ces centaines de milliers de mouvements posent un défi à la communauté humanitaire, qui doit désormais se creuser la tête pour leur porter secours.La tâche est d'autant plus complexe que dans certains, les retours se passent relativement mal. Les 1 500 Congolais forcés de quitter le camp aux abords de Goma, où ils s' étaient réfugiés il y a environ deux ans en raison de combats dans leur village, à 30 kilomètres de la métropole du Nord-Kivu. De retour chez eux, ces derniers ont vite constaté qu'ils n' étaient pas les bienvenus. «Ils ont vu leurs maisons qui avaient été détruites. Ils ont vu du bétail dans leurs champs, qui n'était pas le leur. Et ils ont vu des gens qui étaient là». L'aide humanitaire au compte gouttes D'ordinaire, le traçage des populations déplacées qui prennent le chemin du retour est assuré par l' Organisation internationale pour les migrations (OIM). Mais ces efforts sont désormais mis à mal par les coupes budgétaires engendrées par la suspension, en janvier, de la quasi-totalité de l'aide étrangère des Etats-Unis pour une durée initiale de trois mois. La RDC était le pays au monde le plus dépendant de l' aide américaine. Sur les 1,3 milliard de dollars que l'ONU a réussi à mobiliser l'an dernier pour le pays – à peine la moitié des besoins estimés – 900 millions provenaient des Etats-Unis. Le résultat est brutal : des ONG ferment, des services essentiels disparaissent. « Chaque fois que je vais sur le terrain, je vois des acteurs qui ne sont plus là », soupire M. Lemarquis. « Ou qui ne savent plus comment continuer ». À l'issue du premier trimestre 2025, l'appel humanitaire pour la RDC n'est financé qu'à hauteur de 8 %, soit la moitié des financements reçus l' an dernier à la même époque, alors que les besoins, eux, n' arrêtent pas de croître, tout comme le coût de la réponse. Par ailleurs, la fermeture des aéroports de Goma et de Kavumu, tous deux situés dans des zones sous le contrôle du M23, augmente le coût des transports d'aide et de personnel vers les deux provinces enclavées du Nord et du Sud -Kivu. Avant l'offensive du M23, un vol entre Kinshasa et Goma prenait environ deux heures. Aujourd'hui, il faut un jour et demi de voyage. L'acheminement des aides humanitaires se font rare, et la population congolaise se retrouve face à la mort.