Les tensions autour de la crise en Ukraine restaient vives mercredi, l'intervention de l'armée ukrainienne contre les séparatistes pro-russes se poursuivant dans l'Est faisant craindre un "éclatement" du pays à la veille de pourparlers quadripartites (Ukraine-Russie-UE-Etats-Unis) cruciaux pour son avenir. Les forces armées ukrainiennes se livraient mercredi un bras de fer tendu avec les groupes pro-russes, qu'elles accusent d'avoir reçu l'ordre de "tirer pour tuer" faisant encore monter la pression. Les tensions dans l'Est de l'Ukraine sont apparues au cours du week-end, lorsque des activistes pro-russes se sont emparés de plusieurs bâtiments gouvernementaux dans les villes de Donetsk, Lougansk et Kharkov, demandant un référendum sur l'autonomie et des liens plus étroits avec la Russie. Pour reprendre la main face aux pro-russes, Kiev avait annoncé une "opération antiterroriste de grande envergure", les menaçant de liquidation physique s'ils ne déposaient pas les armes. Mardi, au troisième jour du lancement de l'opération, l'Ukraine a envoyé "au front" un premier bataillon de la Garde nationale, dont la création a été approuvée en mars après l'annexion de la péninsule ukrainienne de la Crimée à la Russie. Ce bataillon, pouvant compter jusqu'à 60.000 hommes, est formé de volontaires ayant fait partie des unités d'autodéfense du Maïdan, haut lieu de la contestation dans le centre de Kiev, selon le secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense en Ukraine, Andriï Paroubï. L'Ukraine "au bord de la guerre civile" Ce nouveau tournant dans la crise ukrainienne met le pays "au bord de la guerre civile", selon le président russe Vladimir Poutine, qui a estimé mardi que les actions de l'armée ukrainienne dans l'Est de l'Ukraine, où réside une forte minorité russe, représentent "un recours inconstitutionnel à la force contre des manifestations pacifiques". De leur côté, les Etats-Unis, qui jugent "intenable" la situation des autorités de Kiev face aux soulèvements des séparatistes, ont qualifié les opérations ukrainiennes de "mesurées", appelant à la retenue et "à toutes les précautions nécessaires". "Le gouvernement ukrainien avait la "responsabilité" de faire respecter la loi et l'ordre, a déclaré le porte-parole de l'exécutif américain, Jay Carney. Afin d'éviter tout débordement, le président américain Barack Obama a demandé à son homologue russe lors d'un entretien téléphonique "d'user de son influence" pour convaincre les insurgés de "déposer les armes", alors que le Haut Commissariat des Nations unies pour les Droits de l'Homme a appelé les nouvelles autorités en Ukraine à empêcher les incitations à la haine et à respecter les minorités. "Il est important de prendre immédiatement des mesures pour rétablir la confiance entre le gouvernement et le peuple, et entre les différentes communautés et de rassurer tout le monde en Ukraine que leurs craintes principales seront traitées", affirme le Haut Commissariat. Les pourparlers de Genève s'annoncent tendus Les récents développements en Ukraine interviennent alors qu'une réunion quadripartite entre Kiev, la Russie, les Etats-Unis et l'Union européenne doit se tenir jeudi à Genève afin de tenter de dénouer la crise ukrainienne. Mais ces discussions s'annoncent tendus, la Russie jugeant que le modèle d'Etat centralisé en Ukraine "a cessé de fonctionner", et les Etats-Unis menaçant Moscou de sanctions en cas d'échec des pourparlers, que cette dernière incombe déjà au recours à la force par Kiev contre les séparatistes. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a estimé mercredi que "l'Etat unitaire en Ukraine a cessé de fonctionner et que "ses fondations ont été brisées par une succession de bouleversements politiques", appelant à la "fédéralisation" pour "garantir les droits" de chaque région du pays. La Russie soutient l'idée d'une "fédéralisation" de la Constitution ukrainienne, qui accorderait davantage de pouvoirs aux régions russophones de l'est du pays, a-t-il déclaré, alors qu'il avait prévenu la veille à Pékin qu'un recours à la force par les autorités ukrainiennes contre les militants pro-russes ferait "capoter le dialogue". Cette option a été jusque-là rejetée par le nouveau pouvoir de Kiev, qui y voit la porte ouverte à un "éclatement" du pays et qui refuse d'aborder la question aux pourparlers. Par ailleurs, les Etats-Unis ont indiqué mardi être prêts à imposer de nouvelles sanctions contre Moscou en cas d'échec de la réunion internationale. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a eu des entretiens téléphoniques avec ses homologues français, allemand et britannique ainsi qu'avec la chef de la diplomatie de l'Union européenne (UE), Catherine Ashton, "au sujet d'une prochaine série de sanctions", a indiqué la porte-parole de la diplomatie américaine, Jennifer Psaki, ajoutant que la coordination des Etats-Unis avec l'UE était "une priorité". Elle a toutefois estimé que, "selon les termes du calendrier et de notre approche stratégique, la prochaine étape devrait être, de notre point de vue, (la rencontre à Genève) jeudi, parce que c'est l'occasion pour chacun de s'asseoir autour d'une table et d'avoir une discussion". Pour sa part, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a exhorté les parties à faire preuve de retenue pour parvenir à une désescalade de la situation dans l'est de l'Ukraine, avertissant que "l'aggravation de la crise serait profondément préjudiciable".