Plus de Soixante pour cent (60%) des contentieux fonciers sont soumis au Conseil d'Etat (CE) par les tribunaux administratifs, a indiqué à l'APS la présidente du CE, Soumia Abdelsadok. "La plupart des contentieux soumis au CE concernent des contentieux fonciers, notamment en ce qui a trait à l'immatriculation, l'expropriation pour cause d'utilité publique et la possession", a précisé Mme Abdelsadok. L'immatriculation foncière qui s'inscrit dans le cadre du cadastre des fonciers relevant du domaine public a atteint aujourd'hui près de 70%, a fait savoir la présidente du CE. L'objectif de cette démarche est d'assainir la situation foncière en vue de lever les obstacles qui entravent l'exécution des projets économiques à travers l'enquête foncière, a-t-elle ajouté. Plusieurs propriétaires ne possédant pas des actes notariés et titulaires seulement de certificats de possession ont buté sur de nombreux problèmes avec le lancement de l'opération d'immatriculation, a expliqué Mme Abdelsadok faisant remarquer que "souvent des contentieux sont suscités par une tierce personne autour du même bien". L'absence d'actes de propriété authentiques pour les biens privés remonte à la période précoloniale lorsque les propriétés étaient indivises dans le cadre des "terres Archs". Au lendemain de l'indépendance et avec l'abandon de la révolution agricole, les biens ont étaient restitués aux privés, d'autres attribués aux exploitants, ce qui a compliqué l'attestation de propriété, notamment avec l'amendement des lois et la privatisation. Pour traiter les contentieux résultant de l'immatriculation, les législateurs ont procédé à la promulgation de lois dont la loi 02/07, portant institution de procédure de constatation du droit de propriété pour la délivrance de titres de propriété à travers l'enquête foncières pour ce qui est des biens n'ayant pas d'actes de propriété, et le décret exécutif 01/147 (2008), relatif aux opérations d'enquêtes foncières et à la délivrance de titres de propriété. Le dit décret exécutif porte sur l'obligation de publier les résultats des opérations d'enquêtes foncières visant la constatation du droit de propriété dans un procès-verbal au siège de la commune pendant huit (8) jours afin de tenir le public informé en prévision d'éventuelles oppositions. Si les offices de conciliation entre les parties en litige n'aboutissent pas, une action en justice est alors introduite, fait savoir Mme Abdelasadok. Le Conseil d'Etat reçoit les affaires relatives aux contentieux après décisions en appel des tribunaux administratifs auxquels recourt le citoyen en premier ressort. Le CE œuvre à "l'unification de la jurisprudence dans les affaires d'immatriculation et des contentieux relatifs à l'expropriation pour cause d'utilité publique induits par les grands projets de l'Etat à l'instar de l'autoroute Est-ouest. L'article 1 de la loi 11/91, relatif à l'expropriation pour cause d'utilité publique stipule que la partie lésée doit recevoir une indemnisation "préalable et équitable". Cependant plusieurs personnes qui sont tombées sous le coup de ladite loi introduisent des actions en justice pour protester contre le montant de l'indemnisation, a expliqué la responsable qui a ajouté que l'évaluation de l'indemnisation, après recours aux tribunaux administratifs, demeurait de la compétence du magistrat assisté par un expert. La présidente du CE a indiqué que les décrets exécutifs de la loi susmentionnée ont connu plusieurs amendements ce qui a influé sur la jurisprudence, soulignant que les magistrats "ont déployé des efforts pour réduire la durée du traitement des affaires ayant relation avec le projet de l'autoroute Est-ouest". Il est fait appel à la justice pour le traitement des contentieux relatifs à la réservation d'un bien immobilier, à savoir un logement ou un local, dont la première tranche a été versée par les parties concernées, avant de voir le projet annulé. D'autres contentieux concernent la vente des logements sur plans, a-t-elle fait savoir. La présidente du CE a reconnu toutefois "une faible maîtrise des magistrats" de ce genre de contentieux "relativement nouveaux" dans la société. Dans le souci d'unifier la jurisprudence et d'expliciter les développements de la législation en matière de contentieux fonciers, le CE organise, jeudi prochain, une journée d'études sur les contentieux fonciers avec la participation de magistrats, de notaires et de présidents d'APC, soit les parties directement concernées. La rencontre débattra également des contentieux relatifs à l'immatriculation foncière, l'expropriation et la délivrances des titres de propriété, a souligné Mme Abdelsadok, notant une baisse des contentieux relatifs à la cession des biens de l'Etat et du foncier agricole en milieu rural. A une question sur les raisons du retard relatif accusé dans le traitement des contentieux administratifs, Mme Abdelsadok a souligné qu'il s'agissait d'"une caractéristique propre à la justice de par le monde entier, induite d'un souci de prévention des erreurs. En outre, le nombre réduit des magistrats du CE, 36 seulement pour traiter plus de 18000 dossiers inscrits, ne permettait pas de hâter le traitement des affaires, a-t-elle argué toutefois exprimant son optimisme à l'avenir car ce nombre est passé à 58 depuis janvier 2015, ce qui "aura, sans doute, un impact positif sur le traitement des contentieux en termes de qualité et de quantité". Chaque magistrat doit traiter 25 à 30 dossiers par mois, a affirmé Mme Abdelsadok, notant que "la plupart des questions sont épineuses et exigent parfois le recours à des experts". Outre les contentieux fonciers, le conseil d'Etat traite ceux liés aux marchés publics, aux locaux, aux impôts, à la fonction publique et à la responsabilité administrative. Mme Abdelsadok a souligné que le conseil d'Etat organisera en 2015 six colloques, dont cinq concernent les affaires du foncier, eu égard au caractère sensible que revêt ce dossier. Le sixième colloque sera consacré à la jurisprudence. Créé en juin 1998, le conseil d'Etat est la plus haute instance administrative du judiciaire administratif. Il statue, en premier et dernier ressorts. Comme la Cour suprême les décisions du Conseil d'Etat sont définitives.