OUZOU- L'histoire d'Ighil Imoula, un petit village dans la commune de Tizi N'tlata à 40 Km au sud de Tizi-Ouzou perché à 700 m d'altitude face au Djurdjura, est depuis 1954 liée à celle de l'appel au déclenchement de la révolution contre le colonialisme français. C'est dans ce hameau aux ruelles étroites et aux maisons traditionnelles dont certaines tombent en ruine dans une lutte perdue d'avance contre les nouvelles habitations, que la proclamation du premier novembre 1954 a été reproduite. Samedi, à la veille de la célébration du 61ème anniversaire du déclenchent de la guerre de libération nationale, ce hameau s'est transformé en Mecque pour les anciens maquisards, leurs proches, les écoliers et le mouvement associatif qui s'y sont déplacés pour découvrir ou redécouvrir ce haut lieu de l'histoire où chaque pierre raconte l'héroïsme des enfants de Novembre 1954. A l'entrée du village, nul besoin de chercher un guide, une maison attirant d'emblée l'attention du visiteur comme pour affirmer que le nom d'Ighil Imoula est indissociable de la guerre de libération nationale. C'est celle du chahid Rabah Idir où dans une chambre située au dessus du magasin de ce martyr, fut reproduit l' "Appel" au peuple algérien et à l'opinion publique internationale annonçant le déclenchement de la lutte armée de libération nationale. La ronéo qui a servi à cette opération a été ramenée du domicile familial de Abane Ramdane à Azzouza (Larbaa Nath Irathene) par Ali Zamoum, Mohamed Saad et Ben Ramdane Mohamed, se rappelle un membre de la famille Idir. La veuve de Ali Zamoum, Na Ouiza, est aussi présente pour raconter aux écoliers dans le cadre d'une visite guidée organisée par la maison de la culture de Tizi-Ouzou, les préparatifs au déclenchement de la guerre de libération nationale. "Nous savions que quelque chose se préparait, mais nous ignorions ce que c'était, les hommes avaient gardé le secret total nécessaire pour la réussite de ce grand événement", a-t-elle déclaré à l'APS. "Nous étions chargées par les hommes de cueillir et de ramasser les racines d'une plante, le laurier rose, qui étaient destinées à la fabrication de bombes artisanales. Ce sont les moudjahidine Kaci Abdellah et Rabah Bitat qui ont appris aux habitants d'Ighil Imoula comment les fabriquer et, en guise de contenant, on utilisait les boites de conserve de tomates. J'ai remis ces bombes, que mon mari m'a confiées le soir du 31 octobre, à Ben Ramdani Omar", se souvient-elle encore. Les hommes vendaient aussi le journal "l'Algérie libre" qu'Ali Zamoum recevait chaque dimanche au marché de Boghni sous le manteau dans le but de collecter de l'argent pour l'achat d'armes, se souvient encore Ouiza Zamoum, ajoutant que les femmes se chargeaient aussi de la collecte d'argent au niveau de la fontaine, pour les besoins de la guerre. Elle ajoute avec un sourire que "ce n'est que lorsque les hommes ont pris le maquis que les femmes avaient su ce qu'ils préparaient et ce n'est qu'a la fin de la guerre que nous avions appris ce qu'ils cachaient". De "Thizi", la place du village, parée aux couleurs nationales et de banderoles sur lesquelles ont pouvait lire des extraits de la Proclamation du premier novembre, une rue monte vers le domicile du chahid Ben Ramdani Omar où a été dactylographié sur stencils le document historique qui a signé l'acte de naissance du Front de libération nationale (FLN), tout en énonçant les objectifs de la Révolution, les moyens de lutte et les conditions du cessez-le-feu. Cette habitation, un peu isolée, aurait pu servir aussi à reproduire le document mais elle ne disposait pas d'électricité. Le journaliste chahid, Laichaoui Mohamed, qui a dactylographié ce document à la lumière d'une lampe à l'huile, dans la nuit du 26 au 27 octobre 1954, avait proposé de se déplacer vers la maison d'Idir Rabah qui était raccordée au réseau électrique, raconte son fils Bachir. Pour couvrir le bruit produit par la ronéo, les habitants ont organisé une tombola et étaient chargés de faire du bruit pour ne pas attirer l'attention des gardes champêtres qui les auraient dénoncé à l'armée française. Un citoyen du village se rappelle de l'ambiance particulière de cette nuit exceptionnelle. "J'étais âgé de 7 ans à l'époque et nous avions été autorisés à veiller et alors que les adultes jouaient à la tombola, on nous demandait de crier et d'acclamer les gagnants qui avaient droit à un paquet de biscuit", a-t-il témoigné. Quittant le village d'Ighil Imoula, une dizaine de tombes dans un jardin d'une maison d'un particulier, attirent l'attention. C'est le domicile de la famille Amrane dont l'actuel propriétaire, fils du moudjahid, raconte que sept moudjahidine dont la capitaine Haliche Hocine ainsi que l'imam du village, tué par l'armé française, ont été enterrés dans ces tombes dans une totale discrétion pour échapper à l'armée française qui surveillait les enterrements pour effectuer des descentes dans l'espoir d'y trouver des membres du FLN. Des écoliers qui ont pris part a cette visite guidée, ont posé des questions à certains villageois et écouté avec attention le récit de Ouiza Zamoum, avant de déposer une gerbe de fleurs et de se recueillir à la mémoire de ceux qui sont tombés au champ d'honneur pour leur permettre de vivre dans une Algérie libre, indépendante et souveraine. Par Madjda Demri