. Voici le nom d'un village qui a gravé à jamais son nom dans l'histoire contemporaine de l'Algérie. Ighil Imoula est un village haut perché, situé à quelque 700 m d'altitude, sur les hauteurs de l'actuelle commune de Tizi n'Tleta, à une quarantaine de kilomètres au sud de Tizi Ouzou, dans les archs des Ouadhias. Pour s'y rendre, il faut emprunter un chemin sinueux dont les bords sont couverts d'oliviers séculaires. A son approche, vous sentez déjà l'importance de haut-lieu de la révolution. Ses maisons collées les unes aux autres. Au centre du village qui fait face à l'imperturbable et majestueuse chaîne du Djurdjura – qui ne cesse de lui renvoyer, comme si un pacte était signé entre les deux, ses lumières, notamment quand il est vêtu de son immense manteau blanc de neige – est érigée, sur la maison qui a abrité cet événement historique, la stèle du 1er Novembre qui aura à rappeler aux générations futures le combat de leurs aïeux. Ighil Imoula est un village martyre, chargé d'histoire. C'est là qu'a été tirée, à l'aide d'une vieille ronéo de marque Gestetner, la proclamation du 1er Novembre 1954, avant qu'elle ne soit diffusée à travers tout le territoire algérien. Le document en question qui commençait par cette phrase : «A vous qui êtes appelés à nous juger...» était intitulé : «Proclamation au peuple algérien, aux militants de la cause nationale». C'était le signal déclencheur, aux yeux du monde entier, de la lutte armée pour la libération nationale. Il a, pour ainsi dire, constitué l'acte de naissance du FLN, tout en énonçant les objectifs, les moyens de lutte, etc. Selon les historiens et autres témoignages, c'est Krim Belkacem qui a confié le tirage et la diffusion de cet appel aux armes au moudjahid Ali Zamoum, alors responsable du groupe d'Ighil Imoula de l'organisation paramilitaire. Le brouillon de la déclaration a été acheminé d'Alger jusque dans ce village par le journaliste, le chahid Mohamed Laïchaoui. La proclamation a été dactylographiée sur stencils, dans la maison du chahid Ben Ramdani Omar, avant d'être tiré en plusieurs exemplaires dans la demeure du chahid Idir Rabah. Le tout, bien sûr, dans la plus grande discrétion. Pour ne pas être entendus, les militants présents lors du tirage avaient un jeu de tombola au rez-de-chaussée. C'était l'astuce pour camoufler le bruit de la ronéo. Le document de référence a été diffusé par Amar Ouamrane. Aujourd'hui encore, soit 54 ans après, il existe à l'intérieur de la stèle, transcrit sur une feuille de cuivre, le texte de la proclamation, non signé. Il est gardé comme une relique. Aujourd'hui, Ighil Imoula est semblable à n'importe quel village kabyle. Ses habitants restent fiers de l'histoire de leurs grands-parents qui se sont tous engagés, hommes, femmes et enfants, dans la lutte pour la libération et la longue marche du peuple algérien pour le recouvrement de son indépendance, de son identité.