L'Algérie, importateur net de plantes aromatiques et médicinales (PAM), devrait rendre ce créneau une filière à part entière afin de tirer profit de son riche potentiel, à l'instar des autres pays du Maghreb, ont recommandé mardi à Alger des experts maghrébins. "L'Algérie importe presque la totalité de ses besoins en plantes aromatiques et médicinales et les huiles essentielles", a indiqué à l'APS Lamia Sahi, chercheur chargée d'études à l'Institut agronomique méditerranéen de Montpellier (France) en marge d'un atelier régional sur la valorisation des plantes médicinales et aromatiques dans les pays du Maghreb organisé par la FAO. Les importations des huiles essentielles notamment celles du citron et de l'orange proviennent de pays méditerranéen comme la France, l'Italie et l'Espagne, alors que les pays d'Asie tels que la Turquie, le Pakistan, l'Inde et la Chine sont les principaux fournisseurs d'épices du marché algérien. Pourtant, "on peut trouver et produire ces épices ici en Algérie comme le safran, la cannelle, et le curcuma", s'interroge cette experte mettant en exergue certaines problématiques auxquelles est exposée cette activité. Il s'agit, entre autres, de l'état spontané de ces plantes qui les fait exposer aux phénomènes du surfaçage et aux feux de forêts. C'est le cas de l'armoise et de l'Alfa dont l'Algérie possède un grand potentiel. Mme Sahi a souligné aussi que ces plantes sont marginalisées par les politiques agricoles adoptées par le pays au profit des grandes cultures comme les céréales. L'Algérie a perdu aussi beaucoup de mise en culture de certaines plantes à parfum telle que la rose et le géranium et la lavande qui prospéraient jadis dans la Mitidja. "Bien que la volonté politique existe, le marché national des PAM demeure méconnu et manque d'informations, ce qui n'encourage pas les investisseurs à se projeter dans ce domaine", estime cette chercheuse. "Nous constatons des qu'il n'y avait pas de visibilité concernant les PAM en Algérie", a soutenu Hamdane Allalou, directeur d'un salon spécialisé dans les plantes aromatiques et médicinales Aromed. Cet opérateur a identifié une dizaine de plantes qui sont abandonnées et font objet de contrebande, donc elles sont valorisées ailleurs. C'est le cas de l'armoise, du thym et de la menthe d'El Bayadh, a-t-il précisé. D'après lui, il existe un marché de ces plantes, mais mal structuré voire informel. Dans d'autres pays du Maghreb, les PAM est une source de revenus comme le Maroc et la Tunisie, néanmoins, elles font face à de nombreux défis tels que le changement climatique, la désertification, la dégradation des terres, la déforestation, le surpâturage et la pollution, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Si les plantes endémiques et protégées sont menacées par d'extinction, les autres plantes abondantes sont soumises à la cueillette abusive et à l'urbanisation anarchique, constate la FAO. "Il y a un grand potentiel dans la région, mais les pays ne sont pas au même niveau d'avancement en termes de connaissance et de l'exploitation de la ressource et la valorisation et la préservation de ces ressources", note le représentant de la FAO en Algérie, Nabil Assaf. Cet atelier va permettre aux experts des différents pays d'échanger leurs connaissances et de présenter les avancées réalisées dans ce domaine. Le Maroc est le pays qui a enregistré la plus importante croissance dans le développement des PAM, en se classant 15è exportateur dans le monde. Avec ses 4.200 espèces dont 25% sont endémiques, ce pays fait face à une problématique liée au commerce de ces produits dont la valeur ajoutée profite au marché extérieur et aux intermédiaires. "La matière première (des PAM) est vendue à des prix dérisoires et nous importons le produit fini à des prix exorbitants", a indiqué Zantar Said, chercheur à l'Institut national de recherche agronomique de Tanger. D'autres chercheurs estiment que les PAM de la région demeurent méconnues et appellent la communauté scientifique à s'impliquer dans la valorisation des ces plantes. "Il y a un grand effort à fournir entre les différents acteurs: les chercheurs, les investisseurs et les organismes de valorisation pour développer des recherches qui peuvent répondre aux questions que posent les promoteurs", soutient Mohamed Neffati, professeur à l'Institut tunisien des régions arides. Ce chercheur préconise l'encouragement de petites et moyennes entreprises pour la production des produits issus de ces plantes et profiter de la demande croissante des marchés nationaux.