Le film documentaire "Fi rassi rond-point" (Dans ma tête un rond-point) du réalisateur Hassen Ferhani, une immersion dans l'univers décalé des abattoirs d'Alger si méconnu des algérois, projeté mardi soir, a été ovationné par les cinéphiles d'Alger très nombreux à cette première projection. D'une durée de 100 mn, ce premier long métrage documentaire du réalisateur, a été projeté pour la première fois en Algérie en compétition du 6e Festival national du cinéma d'Alger (Fica) qui se tient depuis samedi dans la capitale. Faire découvrir au public d'Alger ces lieux chargés d'histoire, au coeur de la capitale et pourtant complètement méconnus aux habitants de la ville, était le premier défi que s'était lancé le réalisateur qui a également démontré que ces lieux de mort et de dur labeur sont aussi des lieux vivants. Le documentaire montre plusieurs situations anodines de la vie quotidienne, mais une fois transportées dans les abattoirs par ces ouvriers frôlent le burlesque comme regarder un match de football en salle d'abattage au milieu des carcasses ou jouer aux dominos debout sur le plateau des balances ou simplement poser sa chaise au milieu d'une marre de sang pour une pause cigarette. En allant à la rencontre de ces ouvriers, chacun racontant sa petite histoire sans un sujet ou une directive claire, si nécessaires à une population qui en ignore l'existence, le réalisateur transforme minutieusement des lieux morbides, de mort et de dur labeur en un espace empreint de musique, de poésie, de beaucoup d'amour et même de philosophie et de chaleur humaine. A travers Youcef, jeune ouvrier de 20 ans, désemparé et ne trouvant pas de voie salutaire à son avenir, le réalisateur dresse le portrait d'une frange de la société de milieux modestes et sous payés qui rêve simplement d'amour, de voyages, de voitures ou de vêtements chics en étant convaincue qu'elle n'a d'autre choix que l'immigration clandestine, le vol et le trafic, ou le suicide pour s'en sortir. Le désarroi de Youcef est très vite conforté par celui de ses aînés qui ont passé pour certains plus de 30 ans dans les abattoirs et qui prennent avec beaucoup de philosophie leur modeste condition et leur condamnation à travailler dur toute leur vie pour pas grand-chose et pour vivre en marge de la société pourtant si proche, comme Aammi Ali, 90 ans dont 50 aux abattoirs. Les prises de vue du film renseignent également sur la structure des abattoirs et la valeur patrimoniale et architecturale de ces lieux que beaucoup d'artistes et acteurs culturels algériens avaient souhaité classer au patrimoine et récupérer. D'un point de vue technique, l'oeuvre de Hassen Ferhani sortirait presque des normes du documentaire et de l'enquête pour frôler la construction d'un docu-fiction ou d'une fiction tant les protagonistes de "Fi rassi rond-point" s'étaient habitués à la caméra et avaient intégré l'équipe de tournage dans leur environnement quotidien. Sorti en juillet dernier, "Fi rassi rond-point" a déjà été primé dans des festivals de cinéma à Marseille, Amsterdam et Turin avant de recevoir récemment deux Tanit d'Or lors des 26ème Journées cinématographiques de Carthage (JCC). Inaugurée samedi, le 6e FICA se poursuivra jusqu'au 19 décembre à la salle El Mouggar à Alger.