La ministre française de la Justice, Garde des Sceaux, Christiane Taubira, a présenté mercredi au Conseil des ministres un projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, anticipant la fin, en février prochain, de l'état d'urgence, en vigueur depuis les attentats terroristes du 13 novembre à Paris. Lors de sa conférence de presse organisée à l'issue du Conseil des ministres, le Premier ministre Valls, a indiqué qu'il faut "dès à présent anticiper la fin de l'état d'urgence", dans cette réforme de la procédure pénale qui sera transmis mercredi au Conseil d'Etat pour avis avant d'être présenté devant le Conseil des ministres pour une seconde fois en février. "C'est pourquoi le gouvernement a prévu d'insérer des dispositions supplémentaires dans le projet de loi préparé, depuis un an, par la garde des Sceaux (Christiane Taubira)", a-t-il expliqué. Le texte autorise une extension des perquisitions de nuit dans les locaux d'habitation "en cas d'atteinte à la vie, en enquête préliminaire et pendant l'instruction en matière de criminalité organisée et de terrorisme". Les dispositifs relatifs aux contrôles d'identité, de visites et de fouilles de véhicules, notamment aux abords des installations et sites sensibles, seront étendus et les conditions d'usage des armes par les policiers et les gendarmes en situation d'urgence revues. En outre, le parquet et les juges d'instruction pourront entreprendre de nouvelles mesures d'investigation, notamment en matière de communication électronique, dans le cadre de nouveau texte qui veut également renforcer la protection des témoins, avec des témoignages sous numéro et, dans certains procès sensibles, il prévoit le recours au huis clos durant leur témoignage. Au sujet de la lutte contre le crime organisé, le projet de loi met en place un cadre qui renforcera la lutte contre le trafic d'armes et la cybercriminalité. Des conditions "plus strictes" de détention sont prévues, ainsi que l'enregistrement au fichier d'empreintes génétiques de toutes les infractions et l'autorisation du recours "au coup d'achat", des enquêteurs se faisant passer par des personnes intéressées. En matière de lutte contre le financement du terrorisme, le texte envisage de faciliter la traçabilité des cartes prépayées et de donner au Tracfin, organisme antiblanchiment du ministère de l'économie, la possibilité de signaler aux banques des opérations et des personnes à risque et une extension du champ du gel des avoirs. L'aspect culturel lié au financement du terrorisme n'a pas été omis par le texte de Taubira, qui vient d'effectuer une visite de deux jours en Algérie. Il introduit une incrimination nouvelle visant à réprimer le trafic des biens culturels, pour empêcher les groupes terroristes à "recycler" en France "le fruit du pillage du patrimoine de l'humanité". Il y a six jours, Philippe Bas (Les Républicains - Manche), président de la commission des lois du Sénat, avait présenté une proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste. La proposition de loi renforce les prérogatives des magistrats du parquet, en particulier du parquet national antiterroriste, ainsi que des juges d'instruction du pôle antiterroriste de Paris afin de "leur attribuer de nouvelles techniques d'enquête". Elle vise également à accroître la répression du terrorisme par les juridictions de jugement (transformation en crime du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, exclusion des délits terroristes du champ de la contrainte pénale, élargissement du périmètre de la surveillance et de la rétention de sûreté aux condamnés terroristes), en durcissant le régime d'exécution des peines. Sur un autre plan, M. Valls, a indiqué mercredi que "le seuil des 1.000 individus ayant rejoint depuis la France les groupes +jihadistes+ en Syrie ou en Irak (venait) d'être franchi". "Environ 600 d'entre eux y sont toujours et on estime à 148 le nombre d'individus ayant trouvé la mort. 250 sont revenus sur notre sol", a précisé le Premier ministre lors d'une conférence de presse à l'issue du Conseil des ministres. Il a estimé que beaucoup de terroristes "viennent de nombreux pays d'Europe, pas seulement de France ou de Belgique. Il y a aussi de nombreux francophones et on sait que les combattants se regroupent souvent en fonction de leur langue, pour se former et préparer des actions terroristes sur notre sol".