Des experts algériens et français ont relevé, mercredi à Alger, la nécessité d'impliquer l'ensemble des acteurs intervenant dans le bâtiment pour pouvoir mettre en œuvre une politique d'efficacité énergétique dans ce secteur. Ces experts et professionnels s'exprimaient lors d'un workshop sur l'efficacité énergétique organisée par l'Agence pour la promotion et la rationalisation de l'utilisation de l'énergie (Aprue) et l'Agence française de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Cet atelier animé par un groupe de travail mixte Aprue-Ademe qui est chargé d'élaborer un plan d'action et de coopération sur la période 2016-2017, vient couronner trois autres ateliers thématiques tenus récemment avec la participation d'opérateurs publics et privés concernés par la question de l'efficacité énergétique dans le bâtiment. Selon les intervenants, il est nécessaire pour l'Algérie de développer une stratégie nationale d'efficacité énergétique dans le bâtiment, non seulement pour préserver les ressources énergétiques mais aussi pour assurer une rentabilité économique des projets. "L'aspect macro-économique a été négligé jusque-là alors que cet aspect vise à préserver l'énergie tout en faisant en sorte que la consommation n'affecte pas la rente économique (du pays)", explique à l'APS un consultant sur l'énergie et le climat, Fouzi Benkhelifa. Selon lui, l'enjeu de l'efficacité énergétique pour l'Algérie n'est pas uniquement environnemental mais aussi économique: une réduction de la consommation de l'énergie permettrait au pays de réduire les dépenses en énergie. Mais pour relever ce défi, une adhésion de tous les acteurs intervenants du secteur est indispensable, c'est-à-dire les concepteurs, architectes, fabricants de matériaux et maîtres d'ouvrages notamment. "Si un seul acteur de cette chaîne n'est pas impliqué, c'est tout le système qui ne fonctionne pas", avance le même expert qui insiste également sur la nécessité d'accompagner les industriels nationaux qui émergent dans ce domaine. Trouver des financements adaptés Mais le problème qui se pose aujourd'hui en Algérie est celui des financements puisqu'un aucun mode de financement n'est actuellement adapté à ce type de projets alors que le marché national des "éco-matériaux" fait face à la concurrence déloyale, provenant notamment de l'importation. Dans ce sens, le directeur général de l'Aprue, Mohamed Salah Bouzeriba, a estimé que les financements offerts par l'Etat dans ce domaine ne pouvaient pas suffire à eux seuls au développement de projets d'efficacité énergétique dans le bâtiment. Il propose alors des moyens de financements additionnels en recourant notamment au marché financier et bancaire. Mais de leur côté, les banquiers expliquent leur réticence par le fait qu'une banque ne peut financer un projet dont elle ignore la rentabilité économique: "Le financement de ce type de projets doit être spécifique. Nous avons besoin de chiffres pour estimer le retour sur investissement d'un projet", argumente un représentant d'une banque publique. Sur un autre volet, les experts proposent d'intensifier les actions de vulgarisation et de sensibilisation pour une meilleure implication de l'ensemble des acteurs, y compris de la société civile. "Il faut que l'Algérien comprenne pourquoi on lui parle d'efficacité énergétique parce qu'il doit l'appliquer dans sa propre maison", explique un consultant français dans le management et l'innovation en efficacité énergétique, Paul Brejon. Selon lui, l'Algérie comme la France doivent adopter le principe d'efficacité énergétique dans le bâtiment d'habitation notamment, puisque ce type de construction représente 40 à 43% de la consommation énergétique dans chacun des deux pays. D'autres intervenants ont évoqué la non application en Algérie des textes réglementaires obligeant le respect de certaines normes en efficacité énergétique comme l'isolation thermique. Ils recommandent alors de mettre en place un système de contrôle et de suivi de ces normes tout en prévoyant des sanctions "sévères" contre les contrevenants. Une architecte algérienne a même proposé d'intégrer les principes d'efficacité énergétique dans le permis de construction comme cela se fait dans plusieurs pays: "Pourquoi attendre l'achèvement des travaux pour contrôler si cet ouvrage répond ou pas aux normes. Il faut imposer les règles dès le départ". D'autres experts ont par ailleurs critiqué le principe du "moins disant" du Code des marchés publics en considérant que ce principe prend en considération uniquement le critère du coût au détriment de la qualité et du respect des normes.