Inexorablement, le turbo-urbanisme et la démographie exponentielle, avec en toile de fond des excroissances ségréguées, "sustentent" la ghettoïsation de la nébuleuse des agglomérations satellites qui émergent sans logique territoriale ni environnementale favorisant, du coup, la montée de la violence urbaine. Confrontée à un boom démographique, le gouvernement a lancé un programme éléphantesque de construction de logements, mais cette bétonisation à outrance a rongé la moindre parcelle de terrain, sacrifiant les aires de jeux et de détente. A défaut d'espaces de sociabilité, nourrie par la précarité sociale, le chômage et la drogue, la violence urbaine ne cesse de croitre dans les milieux juvéniles, notamment chez les recalés du système éducatif, affectés par le désoeuvrement, l'absence de perspectives et d'un "espace vie" adéquat. Conséquence de l'urbanisation "effrénée et démesurée'' des dernières années, la violence urbaine, considérée comme un fléau social, est "montée en puissance'', estime Mme Samia Benabbes Kaghouche, architecte urbaniste, professeur-directrice de recherche à l'Université des frères Mentouri de Constantine. Approchée par l'APS, Mme Benabbes fait état d'un développement des concentrations secondaires qui cohabitent et s'étalent au fur et à mesure de leur existence, au point de laisser place à un phénomène de "conurbation'' (ensemble urbain constitué de plusieurs noyaux urbains qui finissent par se rejoindre). Traumatisée par l'agression de son fils, un étudiant en sciences économiques, balafré et roué de coups par une bande de jeunes, il y a de cela deux ans, non loin de l'université Constantine 2, Adra a choisi de quitter Ali Mendjeli pour s'installer dans la commune d'Ain Smara. "Je craignais pour sa vie, mais aussi pour celle de mes autres enfants qui fréquentent encore l'école'', confie, à l'APS, cette mère de famille encore bouleversée par ce qu'elle qualifie de "douloureux épisode'' qu'elle souhaite oublier au plus vite. De son côté, Abdelmadjid Merdaci, docteur d'Etat en sociologie et professeur à l'Université Mentouri de Constantine, soutient que l'évolution de la société algérienne renvoie à deux référents décisifs, à savoir l'accélération du processus d'urbanisation, estimé aujourd'hui à plus de 90% de la population, précise-t-il, et au rajeunissement constant de cette population. Merdaci a indiqué, en ce sens, que "la prégnance des violences appelle une réflexion qui n'a pas été conduite notamment sur les violences coloniales multiformes qui continuent de marquer la société algérienne'', ajoutant que celle-ci est de plus en plus "ressentie, vécue, comme injuste et inégalitaire en particulier par les acteurs en phase de formation et forcément de fragilité''. Il a également évoqué les violences faites aux femmes, dans l'espace domestique ou public, affirmant que cet ensemble de signes renvoie à une société incapable de générer de l'espérance, "bunkérisée'', dit-il, par le poids des mensonges. Selon cette même source, l'urbanisation massive, sans autres repères que le bâti en béton, "dessèche le lien social'', considérant qu'à cela il convient de relever "la disqualification et la délégitimation des instances de médiation''.