Le processus de pourparlers au Soudan entre le Conseil militaire de transition et les représentants de la contestation, sur un transfert du pouvoir aux civils, s'est compliqué ces dernières 48 heures avec l'enregistrement de cas de violence et la persistance des divergences sur la composition de l'autorité collégiale devant être mise en place afin de gérer la période de transition. Ainsi, un mort et une dizaine de blessés ont été enregistrés samedi dans la rue du Nil à Khartoum tout près du lieu habituel des sit-in des contestataires. "A la suite de tirs des forces régulières, il y a eu plusieurs blessés dans la rue du Nil, près du sit-in. L'une d'entre elles a succombé à ses blessures après être entrée en soins intensifs", a déclaré le Comité central des médecins soudanais, précisant que la "victime a reçu une balle réelle dans la tête". "La plupart des autres victimes ont été blessées par des coups donnés avec des crosses de fusils ou des barres de fer", a ajouté le comité sans donner plus de détails. L'incident de samedi intervient après deux épisodes de violence cette semaine dans la même rue. Deux personnes avaient été tuées et plusieurs autres blessée,s selon le mouvement de contestation. Les circonstances de ces décès n'ont pas été clairement établies. L'Association des professionnels soudanais (SPA), principal acteur de la contestation, a accusé samedi les militaires de "planifier de façon systématique et de s'employer à disperser le sit-in pacifique (...) avec une force et une violence excessives". Dans un communiqué, la SPA a dit "tenir le Conseil militaire responsable de la sécurité des manifestants". "Le Conseil militaire a ignoré royalement la commission mixte de sécurité mise en place entre les deux parties", a dénoncé pour sa part Mohammed Youcef Ahmed al- Mustapha, un des leaders de l'Association des professionnels. Le Conseil militaire, qui ne rejette pas les accusations de la contestation, a fait observer que le maintien de l'ordre et de la sécurité sont les missions de l'armée. "L'armée soudanaise va barrer la route à toute partie cherchant à semer les troubles et anarchie", a signifié Mohamed Hamdane Deglou, vice-président du Conseil militaire, précisant que le maintien de l'ordre permettra au gouvernement civil qui prendra les commandes le cas échéant de travailler dans un climat serein. "Les tentatives de pousser les manifestants au débordement sont un complot planifié contre les forces de l'ordre et contre son chef", a ajouté le vice président du Conseil militaire, soulignant que "ce plan ne fait guère peur au Conseil militaire car il a su le déjouer d'avance". "La mise en place d'un gouvernement civil au Soudan est aussi le souhait du Conseil militaire. Toutefois l'avènement de ce gouvernement doit se faire conformément à la loi et à la volonté de tout le peuple soudanais", a indiqué en outre le général major Deglou alias H'midti, cité par l'agence de presse Suna. "Le Conseil militaire qui gère à présent les commandes du pays est parfaitement conscient de la mission et il est à la hauteur", a conclu le général. En outre, le souci de préserver la sécurité et la paix au Soudan a poussé le Conseil militaire à la fermeture du Bureau de la chaine de télévision satellitaire el Djazeera à Khartoum. "La chaine fait dans l'amplification des évènements et pousse à l'exaspération des Soudanais", ont indiqué des sources du Conseil militaire. L'ambassadeur du Soudan à Qatar a été rappelé par le Conseil militaire vendredi à Khartoum pour consultation. Divisions concernant l'autorité collégiale et la Chariaa Brandie par le Conseil militaire comme étant le principal point de discorde avec les représentants de la contestation pour la mise en place d'une autorité collégiale, "la chariaa, la loi religieuse ndlr", divise désormais les Soudanais et pousse certains à exprimer leur soutien aux militaires les appelant à la défendre coûte que coûte. En effet, des centaines de manifestants ont marché vendredi en direction du siège du Conseil militaire en guise de soutien. "Liberté, paix, justice, la charia est le choix du peuple", ont lancé les protestataires visiblement en colère, prenant ainsi le contrepied d'un autre slogan de la révolte réclamé par les sympathisants de l'Alliance pour la liberté et le changement : "Liberté, paix, justice, le pouvoir civil est le choix du peuple". La manifestation de ces derniers a eu lieu au lendemain de deux géantes manifestations auxquelles a appelé jeudi l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du soulèvement populaire, devant le siège du Conseil militaire dont l'une organisée exclusivement par les femmes. Le point de la chariaa n'est pour les représentants de la contestation qu'un alibi pour le Conseil militaire de "gagner du temps et de manipuler l'opinion nationale et internationale". Les véritables points de discordes sont la composition de l'autorité collégiale devant être mise en place afin de gérer la période de transition. A ce sujet, le Conseil militaire refuse, selon les représentants des contestataires, de céder sur la chefferie du "conseil souverain" pour gérer la transition et cherche à avoir une supériorité quant au nombre de membres composant laquelle autorité. La situation d'impasse dans les pourparlers entre les deux parties a poussé une nouvelle fois vendredi le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à appeler les deux parties à revenir à la table des négociations pour trouver "rapidement" un accord sur le transfert du pouvoir à un gouvernement civil.