Réplique réussie des arènes romaines, le nouveau théâtre de plein air, réalisé à proximité de la cité archéologique Thamugadi de Batna, s'apprête à accueillir pour la première fois le festival international de musique de Timgad (8 - 17 juillet), qui se déroulait depuis sa naissance, il y a 32 ans, sur le site antique. Cette structure de 5.000 places qui aura coûté quelque 352 millions de dinars, a été "calquée, à quelques détails près, sur le modèle romain, ce qui fait que les habitués des soirées du festival ne se sentiront pas le moins du monde dépaysés", explique Khemri Djamel, l'ingénieur chargé du suivi du projet.Teinté d'une couleur ocre rappelant la pierre originelle du site romain, le nouveau théâtre reproduit également la scène antique sur laquelle s'étaient produits les plus grands artistes internationaux et arabes avec sa forme semi-circulaire et ses majestueuses colonnes avec, en arrière-plan, l'Arc de Trajan. La nouveauté apportée par ce théâtre, aujourd'hui entièrement achevé, réside dans la réalisation d'espaces appropriés à la vocation de cette structure dont un salon d'honneur et six loges pour les artistes, des commodités dont était dépourvu le vieux théâtre. Pour les artistes et les hommes de culture de la région, l'organisation des soirées du festival en dehors du site archéologique est devenue "vitale" pour la préservation de ce patrimoine historique dont plusieurs parties s'étaient dégradées au cours des dernières années sous le poids des engins et installations nécessaires à la tenue des concerts. Le chanteur Hassan Dadi qui dit regretter quelque peu la magie émanant du théâtre romain, presque deux fois millénaire, estime que la construction d'un nouveau théâtre pour le festival était devenue en effet une urgence pour préserver ce précieux vestige archéologique classé patrimoine mondial. Les ruines de Timgad représentent un héritage pour la région qu'il est nécessaire de protéger, ajoute Dadi, qui propose d'ouvrir le site historique aux visiteurs, y compris de nuit, avant et pendant le festival et d'y organiser des expositions artisanales. De son côté, l'artiste Massinissa, tout en saluant les concepteurs de ce projet, affirme avoir toujours été partisan d'une organisation du festival de Timgad en dehors du site archéologique, une idée portée depuis plusieurs années par beaucoup d'artistes et intellectuels de la région, note ce chantre de la chanson chaouie authentique. Du béton mais la magie de Thamugadi opère toujours Pour beaucoup, le nouveau théâtre devrait par ailleurs mettre fin aux problèmes d'organisation qui caractérisaient le festival sur le très vaste site archéologique de Timgad. Toutefois, la qualité de l'acoustique ne devrait pas être la même qu'au vieux théâtre en raison de la différence des matériaux de construction, soutient Bouzid Zohir, un jeune intellectuel de la région. Certains habitants de Batna et Timgad craignent toutefois que le transfert du festival vers un autre site ne soit "le début de la fin" de ce festival car les familles habituées de ses concerts appréciaient surtout le cadre singulier et ensorcelant du site archéologique. Un argument que certains autres férus de cette manifestation annuelle balaient d'un revers de la main : "le site est là, juste à côté, illuminé comme à chaque fois, et on pourrait même sentir l'odeur de la pierre. Peut-être même que cette nouvelle structure mettrait davantage en valeur", soutient le jeune Dahmane Salah, photographe de son état. Soucieux de préserver cet inestimable vestige historique, les archéologues ont reçu, quant à eux, avec un immense soulagement la nouvelle de la délocalisation du festival, affirme le responsable du musée et du site de Timgad, M. Madjid Belkarasse. La proximité du nouveau théâtre du site archéologique a toutefois généré, selon ce cadre, une incohérence dans la vue d'ensemble du site qu'il serait possible, selon lui, de "corriger" par la plantation d'arbres qui isoleraient le site historique de cette structure en béton armé. Le vice-président de l'APC de Timgad, M. Salah Merzougui, a plaidé de son côté en faveur de la construction d'une "toiture mobile" pour le nouveau théâtre de sorte à permettre son exploitation tout au long de l'année et non pas seulement durant la belle saison. Les avis sont ainsi partagés quant à cette initiative qui avait commencé à germer dès 2002, chacun y allant de sa suggestion, de son avis ou des ses questionnements. Il reste que les partisans du "oui" sont bien plus nombreux que les sceptiques. Dans tout cela, ces quelques mots du photographe Salah semblent mettre tout le monde d'accord : "c'est le premier festival organisé en dehors du théâtre romain, donc attendons de voir".