Les autorités sénégalaises continuaient lundi à appliquer la loi relative à l'interdiction de la mendicité à travers tout le territoire du pays, au moment où des appels à la mise en place d'une Cellule de lutte contre la traite de personnes deviennent de plus en plus insistants "pour mieux accompagner ces nouvelles mesures". En effet, plusieurs places publiques et carrefours ont changé de décor après le déguerpissement de ces enfants et adultes habitués à demander la charité aux passants et aux automobilistes, a-t-on constaté sur place. Même si la décision d'interdire ''cette pratique avilissante", a parfois, suscité la controverse au Sénégal, "un air de soulagement" se dégageait des propos de plusieurs personnes interrogées cette question, ayant, également, souvent préoccupé les partenaires au développement et les bailleurs de fonds au Sénégal. "D'habitude, il est difficile de se frayer un chemin et marcher sans être gêné sur cette artère principale de la capitale. Mais aujourd'hui, le décor a totalement changé. Le passage est bien dégagé. Ces malheureux mendiants dont la plupart étaient utilisés par des réseaux de traite de personnes doivent respecter la loi", a déclaré à l'APS un sexagénaire, rencontré au sortir d'une librairie. De leur côté, les rares mendiants qui font encore de timides apparitions ne cachaient pas leur crainte d'être ''ramassés" par la police qui a reçu l'ordre de "chasser tout contrevenant à la loi", sachant que des dizaines parmi ceux qui mendient dans la rue ont été arrêtés. Habituée à occuper tôt le matin, en compagnie de deux bébés, "un espace stratégique" sur la route menant au marché Kermel , Khadiata (42 ans) a préféré déambuler aux alentours du centre commercial dans l'espoir de rencontrer des "âmes charitables". Evoquant "une situation sociale difficile à cause d'une pauvreté chronique" dans laquelle elle vit depuis des années, cette quadragénaire a d'emblée désapprouvé l'interdiction de la mendicité, unique ressource à elle pour subvenir aux besoins de sa famille. "Je ne suis même pas apte à travailler. Mon état de santé ne me le permet pas. Maintenant c'est fait, il nous est interdit de mendier mais c'est à l'Etat de nous trouver des solutions", a dit Khadiata, regrettant, par ailleurs, la décision de confiner les mendiants devant les lieux de culte. En effet, le gouvernement avait précisé que "le fait pour (à) une personne d'aller à un lieu de culte et recevoir de l'aumône là-bas n'est pas assimilé à de la mendicité". Les pouvoirs publics qui ne sont pas les seuls concernés par la mise en oeuvre de cette mesure doivent être appuyés par des acteurs de la société civile pour "mieux préserver la dignité des citoyens", a-t-on indiqué. Pour ce faire, la réflexion a été engagée autour de la mise en place d'"une Cellule nationale de lutte contre le trafic des personnes", un cadre qui regrouperait l'ensemble des acteurs étatiques et non étatiques en vue d'éradiquer le phénomène de la mendicité. S'exprimant dans ce sens, le président du Comité national intersyndical contre les pires formes de travail des enfants, M. Cheikh Fall, a salué une telle décision et formulé le v£u que cela va contribuer à éradiquer d'ici 2016 cette pratique chez les enfants. Cité par des médias, M. Fall a indiqué que son mouvement à "une position très claire sur cette décision qui va faciliter l'éradication de la mendicité infantile à l'horizon 2016". "Nul n'ignore que les enfants sont loués pour se livrer à la mendicité et traînent dans les rues toute la journée. Ce qui les expose à des dangers multiples", a-t-il regretté. Pour sa part, Mme Anta Mbow, responsable de l'Association "l'Empire des enfants" s'est félicitée de cette décision, appelant, dans le même sillage, les gens à ne pas aider les nécessiteux dans la rue. Elle a notamment proposé "le maintien des mendiants dans leurs quartiers afin d'y organiser la solidarité, pour éviter que ces personnes aillent chercher de l'aumône ailleurs". Quant au maire de Dakar, M. Khalifa Sall, il a réagi en déclarant que "nous devons accompagner le gouvernement dans cette mesure, d'autant plus qu'il se pose un problème de sécurité, de mobilité et de propreté dans la capitale du pays".