Pour la dix-huitième fois depuis 1966 et la sixième fois après la mise en œuvre en 2000 de la réforme de la justice, le Code pénal a été modifié et complété par une loi du 25 février 2009 (JO n° 15 du 08 mars 2009). Cette loi y a introduit quarante-sept (47) nouveaux articles répartis comme suit : six articles (5 bis 1 à 5 bis 6) consacrés au « travail d'intérêt général », un article 175 bis 1 consacré aux « infractions contre les lois et règlements relatifs à la sortie du territoire national », douze articles (303 bis 4 à 303 bis 15) relatifs à « la traite des personnes », quatorze articles (303 bis 16 à 303 bis 29) au « trafic d'organes », douze articles (303 bis 30 à 303 bis 41) au « trafic illicite de migrants », et enfin deux articles ( 350 bis 1 et 350 bis 2) au « vol de biens culturels mobiliers ». Il s'agit-là d'importantes innovations, même si elles sont d'inégale valeur et d'intérêt variable. Une étude approfondie de ces articles de loi, qui pour la plupart reproduisent la terminologie et les concepts de la Convention relative à la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme et de ses protocoles additionnels, ratifiés par l'Algérie, est sans doute nécessaire. Mais une telle étude et analyse exigerait pour être complète de longs développements. Cela ne peut se faire dans un article de presse. Par contre, il est possible, semble-t-il, d'en faire une synthèse dans un quotidien d'information générale pour mettre en relief leur sens et leur portée, souligner les points positifs et éventuellement relever ce qui gagnerait à être amendé. I. Le travail d'intérêt général Le travail d'intérêt général, TIG par abréviation, est une alternative - parmi d'autres - à l'emprisonnement, c'est-à-dire en plus simple, une solution de rechange à l'incarcération. Sa durée varie entre 40 heures au minimum et 600 heures au maximum ; ces durées sont réduites de moitié pour les mineurs. Le condamné doit les effectuer à raison de deux heures de travail par jour d'emprisonnement. Le TIG n'est pas rémunéré. Les objectifs visés à travers le TIG sont nombreux et relèvent de la politique pénale, de la politique pénitentiaire et de la politique budgétaire de l'Etat. Il s'agit en effet tout à la fois d'ajuster la peine en fonction de la personnalité du condamné, de maintenir le lien social et familial, de réadapter par le travail, de lutter contre la récidive, de réduire la surpopulation carcérale et de faire des économies budgétaires. En adoptant le TIG, l'Algérie s'inscrit en matière de criminologie et de pénologie, dans un courant de pensée moderne et quasi universel qui fait de plus en plus de place aux alternatives à l'emprisonnement. On a pu vérifier l'importance prise par ce courant, lors de la journée d'étude organisée à Alger le 3 mai 2009, par la direction du projet de l'UAP et au cours de laquelle des experts européens de trois nationalités différentes (Espagne, France et Norvège) sont venus partager leurs expériences respectives avec leurs homologues et collègues algériens (1). La loi du 25 février 2009 permet donc désormais à nos juges de condamner certains délinquants à des « travaux d'intérêt général », évitant à ces derniers d'être incarcérés ; mais le TIG est révocable en cas de mauvais comportement de l'intéressé. Cette mesure de faveur, laissée à l'appréciation discrétionnaire des magistrats, ne peut cependant être octroyée que dans des conditions précises relatives les unes à l'infraction commise, les autres à la peine prononcée, d'autres à la personne du prévenu lui-même, et d'autres enfin à la procédure. On les résumera ainsi : 1 ° La peine édictée par la loi pour l'infraction commise ne doit pas être supérieure à trois ans d'emprisonnement. Les cas sont plus fréquents qu'on ne le pense. Il en est ainsi notamment de toutes les contraventions de première catégorie, mais aussi de nombreux délits, dont on ne citera ici que quelques exemples, tels que : le prêche illégal, la distribution ou l'exposition de tracts, l'attroupement et la provocation à l'attroupement non armé, certaines infractions électorales, certains attentats à la liberté, l'abus d'autorité, la rébellion, la mendicité et le parasitisme, certains faux, l'usurpation ou l'usage irrégulier de titres ou de noms, la menace simple, l'homicide involontaire, la diffamation, l'injure, l'abandon de famille, certains attentats aux mœurs, le harcèlement sexuel, le racolage sur la voie publique, la filouterie d'aliments ou de transport, l'abus de confiance, les infractions aux systèmes de traitement automatisé de données. On y trouve donc toutes les catégories d'infractions connues : les atteintes à l'ordre public, les atteintes aux biens et les atteintes aux personnes ... 2° La peine prononcée par le tribunal ne doit pas être supérieure à une année d'emprisonnement ferme. 3° Le prévenu doit être âgé de plus de 16 ans au moment de la commission de l'infraction. 4° Le prévenu ne doit pas avoir « d'antécédents judiciaires ». Cette expression n'est pas synonyme de « récidiviste » ; elle veut dire que le prévenu doit avoir un casier judiciaire absolument vierge. Cette exigence parait excessive : on ne devrait pas priver du bénéfice de cette peine alternative qu'est le TIG, les personnes précédemment condamnées à une simple amende ou à une peine d'emprisonnement assortie du sursis, donc pour des faits forcément peu graves. S'agissant de la procédure de jugement, il est exigé du tribunal : 1°. De s'assurer que le prévenu accepte la peine alternative ; son accord doit être mentionné dans le jugement lequel doit être prononcé en sa présence. Or, on ne comprend pas pourquoi le tribunal doit obtenir l'accord du prévenu. Dès lors en effet que l'on condamne à des peines d'emprisonnement sans demander l'avis de qui que ce soit, pourquoi demanderait-on au prévenu son accord sachant que le TIG est au fond, une mesure de faveur ? Ne dit-on pas : « qui peut le plus » (en l'occurrence, envoyer quelqu'un en prison), « peut le moins » (en l'espèce, le laisser en liberté) ? Le TIG n'a rien à de comparable avec les « anciens travaux forcés » : le condamné n'est envoyé dans aucun bagne. Le travail est en toute hypothèse une valeur sociale fondamentale. Le TIG n'a rien d'afflictif ni d'infamant, et n'est pas stigmatisant comme l'incarcération. Rappelons enfin que les « condamnés détenus » sont astreints au travail, soit à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire, soit à l'extérieur (chantiers extérieurs, établissements en milieu ouvert... ) et personne n'y trouve à redire. 2°.De prononcer une peine ferme d'emprisonnement, inférieure à une année d'emprisonnement, comme indiqué ci-dessus, puis de la convertir, dans le même jugement, en heures de travail. Une longue circulaire du ministre de la Justice, datée du 21 avril 2009, a détaillé la procédure à suivre pour l'exécution du jugement, le règlement des difficultés d'exécution susceptibles de surgir et précisé les mesures à prendre, les avis à donner, les imprimés à utiliser, les mentions à porter sur le casier judiciaire... On retiendra que l'exécution des jugements de condamnation à un travail d'intérêt général et le suivi de leur exécution incombent essentiellement aux juges de l'application des peines (par abréviation JAP). Il en existe un ou plusieurs dans chaque cour. Il conviendrait peut-être d'en désigner au moins deux dans les tribunaux des chefs-lieux de cour et autant de JAP que de tribunaux dans la cour d'Alger. Il serait également souhaitable que cette circulaire soit suivie d'une autre : contenant une liste, simplement indicative, des TIG, afin d'éviter toute surprise désagréable ou dysfonctionnement regrettable ; précisant les relations JAP/administration pénitentiaire et administration pénitentiaire/employeurs, car il est évident que sans l'appui et la collaboration de la pénitentiaire, les JAP ne pourront rien faire d'utile. Il serait pertinent qu'une circulaire interministérielle, voire un arrêté interministériel, rappelle aux administrations de l'Etat, des collectivités locales, aux EPA, EPIC et EP, seuls en effet les organismes publics peuvent employer des condamnés à un TIG, le sens et la portée de la nouvelle politique pénale du gouvernement, les invite à répondre aux demandes des JAP et à s'impliquer dans l'œuvre de réadaptation par le travail de certaines catégories de délinquants. Enfin, il faudrait prévoir une modification aux dispositions du code de procédure pénale relatives au bulletin n° 3 du casier judiciaire, stipulant expressément que les condamnations à un TIG n'y seront pas portées ; il semble en l'espèce qu'une circulaire ne suffit pas ; la règle de la hiérarchie des normes s'y oppose. II. Les infractions contre les lois et règlements relatifs à la sortie du territoire national L'article 175 bis 1 sanctionne les harragas qu'ils soient Algériens ou étrangers. Cet article de loi, très contesté (2), n'est pas conforme aux dispositions de l'article 5 du protocole additionnel à la Convention de Palerme qui stipule : « Les migrants ne deviennent pas passibles de poursuites pénales en vertu du présent protocole, du fait qu'ils ont été l'objet des actes énoncés à l'article 6 » ; cela veut dire que l'ONU n'a pas exigé des Etats signataires de la Convention et du Protocole afférent de poursuivre pénalement les harragas. Il faut encore rappeler que les articles 18 et suivants de ce même protocole, demandent aux Etats de faciliter le rapatriement de leurs nationaux émigrants clandestins et de les prendre en charge au plan matériel. On sait bien que les « instruments internationaux » n'ont ni la force contraignante de la Bible, ni celle des Evangiles et moins encore celle du Saint Coran ; on ne doit pas cependant oublier qu'en droit, les traités sont supérieurs aux lois internes. Le fait est que l'on reste perplexe quant au bien-fondé de ce fameux article 175 bis 1. En droit interne, il y a bien le délit de « taxi clandestin » et nos tribunaux punissent souvent les « taxieurs clandestins » ; pour autant, il ne viendra à l'esprit de personne de punir leurs passagers ! III. La traite des personnes Les articles 303 bis 4 à 303 bis 15 sont relatifs à la traite des personnes, c'est-à-dire au trafic d'êtres humains quel que soit leur âge ou sexe, et à leur exploitation aux fins de prostitution, débauche sexuelle, mendicité, travail forcé, esclavage, servitude et même prélèvement d'organes... La traite des personnes est condamnable qu'elle soit transnationale ou nationale. Les incriminations retenues par le législateur algérien, ainsi que les définitions, les concepts et la terminologie, sont ceux-là mêmes qu'emploient la Convention de Palerme et de ses protocoles additionnels ; ils avaient été longuement étudiés et ont fait l'objet d'âpres négociations pendant au moins deux années par les experts de tous les pays membres de l'ONU, avant d'être finalement signés à Palerme, fin 2000. Que notre Code pénal les reprenne à son compte est une bonne chose et on ne saurait que s'en féliciter et s'en réjouir. S'agissant des peines, ces instruments internationaux ont fixé des seuils (le maximum de la peine ne doit pas être inférieur à 4 ans) et laissé la possibilité pour chaque Etat d'édicter des peines plus sévères, dans le respect des règles du droit interne. Nous avons donc à présent des textes prévoyant et réprimant la traite des personnes. L'infraction est classée en trois catégories. La première, est la traite « simple » des personnes ; c'est un délit puni de l'emprisonnement de 3 à 10 ans et d'une amende de 300 000 à 1 000 000 DA ; la seconde, est la traite « relativement aggravée » : celle dont sont victimes des faibles, malades, handicapés et des personnes vulnérables ; c'est toujours un délit, mais il est puni plus sévèrement de 5 à 10 ans d'emprisonnement et de 500 000 à 1 500 000 DA ; la troisième, c'est la traite « avec circonstances aggravantes »,traite en bande, traite avec port d'armes, traite transnationale, et par un groupe criminel ; là, l'infraction est érigée en crime puni de la réclusion de 10 à 20 ans et d'une très forte amende. S'agissant de ces peines « principales », nous sommes apparemment dans les moyennes internationales. Par contre, on ne peut émettre que des réserves à propos des autres dispositions de cette nouvelle loi. Il en est ainsi d'abord, de l'article qui exclut expressément les circonstances atténuantes. C'est regrettable, car cela s'analyse en une limitation du pouvoir d'appréciation des juges. Ceci signifie en effet que le juge ne peut descendre en deçà du minimum fixé par le législateur. Il y a en outre là une incohérence dans la démarche ; tout le monde sait en effet qu'un tribunal criminel peut octroyer à une personne condamnée pour homicide volontaire simple ou aggravé ( y a-t-il crime plus grave que l'assassinat), le bénéfice des circonstances atténuantes. L'article 309 du CPP exige de poser la question des circonstances atténuantes, chaque fois que la culpabilité de l'accusé a été reconnue. En vertu de quoi, doit-on d'office exclure les circonstances atténuantes en matière de traite des personnes ? L'exploitation de la mendicité, par exemple, serait-elle plus grave que l'assassinat, ou les actes terroristes ? On observe en plus que le législateur pris par une frénésie répressive exige des juges de prononcer au moins une peine complémentaire à la peine principale ; or la peine complémentaire est obligatoire quand la condamnation principale est de nature criminelle ; par contre aucune peine complémentaire ne serait obligatoire en matière délictuelle. On constate enfin que la « période de sûreté » doit être automatiquement prononcée. N'est-ce pas là de la surenchère inutile ? Et n'a-t-on pas ainsi limité le pouvoir d'appréciation du juge du siège à qui on demande par ailleurs d'individualiser les peines ? N'a-t-on pas du même coup réduit les attributions du juge de l'application des peines qui a précisément pour mission d'ajuster et d'aménager les peines privatives de liberté en fonction de la personnalité du détenu ? Ne met-on pas en cause le principe de « l'individualisation des peines », le système dit « régime progressif » et celui des « aménagements des peines » et par voie de conséquence, les avancées réalisées en criminologie et en pénologie et par notre réforme pénitentiaire ? IV. Le trafic illicite des organes Le trafic d'organes et de tissus humains est une forme de traite des personnes. Ce trafic porte atteinte aux droits humains les plus élémentaires, notamment la dignité de la personne et son intégrité physique. C'est aussi un « commerce » lucratif qui génère plus d'injustice et d'inégalité, car il met en relation des acheteurs riches et des « donneurs » pauvres. Il produit de la violence et favorise des crimes effrayants, tels que les enlèvements ou la vente d'enfants, les mutilations et d'autres horreurs ; c'est un terreau propice à la corruption et aux réseaux mafieux. Il est à l'origine de l'apparition de ce phénomène indigne appelé « tourisme de transplantation ». Il est enfin source de graves risques pour la santé publique. Il n'y a donc rien d'étonnant que la pratique du trafic d'organes soit universellement condamnée, qu'elle soit transnationale ou nationale. Notre nouvelle législation prévoit deux types de trafics : celui portant sur les organes d'une part et celui des tissus, cellules et autres produits du corps humain, d'autre part. Le trafic d'organes est classé en trois catégories. Le don d'organe à titre onéreux expose l'acheteur et l'intermédiaire à une peine d'emprisonnement de 3 à 10 ans et une forte amende. Notons que le donneur qui a cependant perçu une contrepartie en espèces ou en nature n'est pas poursuivable. Le prélèvement d'organe effectué sans le consentement de l'intéressé ou sur un cadavre en violation de la législation est puni d'un emprisonnement de 5 à 10 ans et d'une amende plus forte. Lorsque le prélèvement est effectué avec des circonstances aggravantes (sur un mineur, sur un handicapé mental, en groupe, avec port d'armes,ou par un groupe criminel organisé), l'infraction devient un crime puni de 10 à 20 ans de réclusion et d'une amende de 1 000 000 à 2 000 000 DA. Le trafic de tissus, cellules et autres produits humains, est puni de 1 à 5 ans d'emprisonnement et d'une amende de 100 000 à 500 000 DA. Mais lorsque l'une des circonstances aggravantes citées ci-dessus rappelées est établie, l'infraction tout en restant un délit est plus sévèrement sanctionnée ; la peine d'emprisonnement va de 5 à 15 ans et l'amende de 500 000 à 1 500 000 DA. Malheureusement, le législateur a fait comme pour le trafic des personnes une sorte de surenchère répressive en excluant les circonstances atténuantes et en rendant automatiques les peines complémentaires et la période de sûreté. V. Le trafic illicite de migrants Les migrations de masse des pays du Sud en voie de développement vers les pays industrialisés et riches du Nord, sont sans doute l'un des phénomènes sociaux les plus visibles de ce début du XXIe siècle. Des îles Canaries à la Mer Egée, en passant bien sûr par les rives sud de la mer Méditerranée, partent quasi quotidiennement à certaines périodes de l'année toutes sortes d'embarcations de fortune, chargées de migrants de tous âges, sexes, races et conditions ; beaucoup d'entre eux meurent noyés ou disparaissent en mer ; beaucoup d'autres se font intercepter soit en mer soit à leur débarquement ; d'autres sont pourchassés par les services de sécurité ; peu parviennent à leur fin qui est de s'installer à l'étranger et y trouver un travail. Les affairistes ont compris tout le parti qu'ils peuvent tirer de ce type de trafic et de l'exploitation des candidats à l'émigration ; des « rais » et des « traders » d'une espèce rapace sont apparus, « des réseaux mafieux se sont constitués ». Les statistiques commencent à paraître. On a commencé par s'émouvoir devant tant de misère, puis on s'est inquiété devant ce qui ressemblait, sur les télévisions occidentales à des vagues d'assaut de gens en guenilles ; on a alors cherché des solutions ... L'ONU fut saisie du problème ; les pays développés ont présenté des propositions et les pays d'émigration ont convenu avec eux d'un certain nombre de mesures à prendre ; l'essentiel des ces mesures est dans la Convention des Nations unies « contre la criminalité transnationale organisée » et son Protocole additionnel, spécifique « contre le trafic illicite des migrants par terre, mer et air ». Ces deux documents universels ont été ratifiés par l'Algérie. Le Protocole ne comporte pas que des dispositions répressives. Il contient des clauses appelant à la promotion de la prévention, de l'information, de la sensibilisation, de la coopération policière et judiciaire, de la prise en charge des migrants en vue de leur rapatriement dans des conditions dignes, de leur protection et de leur assistance. Mais il n'y a malheureusement rien sinon presque rien, en matière de codéveloppement : on en reste dans ce domaine, aux vœux pieux et aux proclamations de bonnes intentions ! Cependant, il faut reconnaître que pour l'ONU comme pour les Etats signataires du Protocole, le migrant est une victime ; il n'est pas perçu ni stigmatisé - en tout cas au niveau des documents dont on parle - comme un délinquant. Les rigueurs de la répression sont réservées aux trafiquants. C'est contre ceux-là aussi que sont édictées les peines prévues dans les articles 303 bis 30 à 41. Le trafic de migrants est défini dans l'article 303 bis 30 dans les mêmes termes que ceux du Protocole : c'est le fait d'organiser la sortie illégale de personnes, moyennant un avantage financier ou autre. Les sanctions varient selon qu'il s'agit d'un trafic « simple » ou d'un trafic « aggravé ». Le trafic « simple » est puni de 3 à 5 ans d'emprisonnement et d'une amende de 300 000 à 500 000 DA. L'emprisonnement est de 5 à 10 ans et l'amende de 500 000 à 10 00 000 DA lorsqu'un migrant est mineur, ou que la vie ou la sécurité des migrants a été mise en danger ou risquait de l'être, ou quand des migrants ont été soumis à un traitement inhumain ou dégradant. L'infraction devient carrément un crime quand elle est commise avec l'une des circonstances aggravantes suivantes : l'auteur exerce une fonction qui a facilité la commission du crime, ou lorsque le crime est commis par plus d'une personne ou par un groupe criminel organisé ou avec port d'armes ou menace de les utiliser ; dans ces cas, la peine est la réclusion de 10 à 20 ans et l'amende de 1 000 000 à 2 000 000 DA. Dans tous les cas, la confiscation des moyens ayant servi à la commission de l'infraction et les biens obtenus de façon illicite, doit être ordonnée. Mais là aussi, le législateur a cru bon - à tort semble-t-il - d'ajouter une disposition interdisant aux juridictions de jugement l'octroi des circonstances atténuantes, une autre leur faisant obligation de prononcer une peine complémentaire et une autre d'assortir automatiquement la condamnation principale d'une période de sûreté. VI. Le vol d'objets culturels mobiliers Nul n'ignore qu'il existe à travers le monde de véritables réseaux, officines et services spécialisés dans le pillage des œuvres d'art, des objets archéologiques, culturels ou historiques. Chez nous, des peintures rupestres ont été découpées à la scie électrique et enlevées ; des vestiges archéologiques emballés et emportés ; des collections de pièces de monnaie antique ou ancienne, déterrées et volées ; des pièces de musées ont disparu. Ces objets, vendus au prix fort, finissent généralement dans les collections « d'esthètes privés », ou chez des marchands dits d'art et parfois aussi dans des musées publics. En Algérie, on a pris conscience de ce pillage extrêmement préjudiciable, assez tôt et des mesures de protection ont été prises il y a déjà quelque temps. C'est pour les renforcer et mieux lutter contre les pillards et leurs réseaux, que le législateur a voté les articles 350 bis 1 et 2 qui prévoient des peines dissuasives. Ces deux dispositions édictent en effet une peine plus sévère (2 à 10 ans d'emprisonnement et une amende de 200 000 à 1 000 000 DA) que celle prévue pour le vol simple de choses (emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 100 000 à 500 000 DA). La sanction est aggravée lorsque le vol d'objets culturels est commis par plus d'une personne, par un groupe criminel organisé, avec port d'armes ou menace de les utiliser ou revêt un caractère transnational ; l'emprisonnement est alors de 5 à 15 ans et l'amende de 500 000 à 1 500 000 DA. On constate toutefois que l'infraction même aggravée, reste un délit. Or, il faut remarquer qu'aux termes de l'article 351 du même Code pénal, tout vol commis à main armée, même par une seule personne et sans aucune autre circonstance aggravante, est un crime puni de la réclusion à perpétuité. Peut-être a-ton préféré la « correctionnalisation » du vol d'objets culturels avec port d'armes ou menaces de les utiliser, parce que l'on veut que ces affaires soient rapidement jugées et dans toute la mesure du possible, selon la procédure des flagrants délits ; ce qui est évidemment impossible pour les faits qualifiés de crimes par la loi. La seconde observation qu'il importe de faire à propos de ces deux nouveaux articles 350 bis 1 et 2, est qu'il aurait fallu les accompagner d'un article 387 bis incriminant et punissant le recel des objets culturels volés. Faute d'une telle disposition, les recéleurs des objets culturels volés ne s'exposeront qu'aux peines de l'article 387, qui sont nettement inférieures à celles des articles 350 bis 1 et 350 bis 2. Cette « bienveillance » accordée aux receleurs des objets d'art, de culture et d'histoire, sans lesquels il n'y aurait pas de voleurs pour les approvisionner, est incompréhensible et difficile à admettre. La dernière critique que l'on fera à ces nouvelles dispositions du Code pénal, est que dix-huit articles - parmi ceux portant les n° 303 bis - sont à un mot ou à un chiffre près, identiques. Il en est nettement ainsi des articles 303 bis 6, bis 21, bis 34 d'une part, 303 bis 7, bis 22, bis 33 d'autre part, et ceci jusqu'aux articles 303 bis 10, bis 25, bis 37 ... Or, on pouvait au moyen d'une technique de la légistique formelle éviter ces répétitions qui alourdissent le Code pénal et l'allongent inutilement ; il suffisait en effet, de créer une « Section bis V 3 » intitulée « Dispositions communes aux infractions prévues aux articles... », contenant seulement six articles et ainsi, « économiser » douze articles. Mais il est probable que la plupart des observations et remarques que l'on vient de présenter sommairement ont été soulevées en temps utile, par les multiples « filtres institutionnels » qui jalonnent le long processus législatif et qui fonctionnent notamment au niveau du secrétariat général du gouvernement, du Conseil d'Etat et des commissions juridiques des deux chambres du Parlement. On ne peut que regretter qu'elles n'aient pas été prises en considération, car la version finale des modifications et compléments proposés à l'approbation du Parlement, aurait gagné en pertinence et justesse. Tels sont les quelques commentaires et questionnements suscités par la lecture des nouveaux articles inclus dans le Code pénal par la loi du 25 février 2009, qui a paru au JO n° 15 du 8 mars 2009. L'auteur est : Ancien magistrat 1 El Watan du 4 mai /2009 page 3. 2 Cf les nombreux articles parus dans la presse nationale indépendante et notamment la déclaration du professeur Mohand Issad (Liberté et Expression du 16 février 2009) , l'interview dans El Watan 5 mars 09, du porte-parole du collectif des familles de harraga disparus en mer, et l'article dans El Watan du 15 avril 09,ainsi que les comptes rendus des chasses à l'homme organisées fin avril 2009, à Calais (France).