Le paysage agricole national du domaine public devrait changer radicalement dans un peu plus de 18 mois, avec l'entrée en vigueur de la loi n°10-03 du 15 août 2010, fixant les conditions et les modalités d'exploitation des terres agricoles du domaine privé de l'Etat, parue dans le journal officiel n°46, selon des cadres du ministère de l'Agriculture. En clair, le droit de jouissance hérité les ex-EAC et EAI sera modifié en droit de concession à durée limitée par cette loi, qui va débusquer les milliers de détournements de terres agricoles de leur vocation. C'est en fait la grande nouveauté introduite par cette loi, adoptée par les deux chambres du Parlement durant leur session du printemps. Selon ce texte qui régit dorénavant les terres privées du domaine public de l'Etat, les exploitants agricoles des terres agricoles tombant sous le coup de cette loi doivent déposer, auprès de l'Office national des terres agricoles (Onta), leur demande de conversion du droit de jouissance en droit de concession dans un délai ne dépassant pas les 18 mois. Car, dépassé ce délai, les exploitants n'ayant pas déposé leurs demandes seront considérés comme ayant renoncé à leurs droits, stipule la nouvelle loi, et, à l'expiration du délai et après deux mises en demeure sur demande de l'Onta, les terres agricoles et les biens superficiaires seront récupérés à la diligence de l'administration des domaines et le droit de concession sera attribué à d'autres exploitants. Mais, l'esprit de cette initiative prise par le ministère de l'Agriculture et le développement rural pour sécuriser le secteur et lui donner les moyens juridiques de se développer et de s'intégrer dans les nouvelles formes du marché mondial des produits agricoles, est ailleurs. Plusieurs dispositions de cette loi donnent plus d'autonomie aux exploitants agricoles, quoi, en retour, ont désormais la possibilité de contracter des prêts et financements des banques, ainsi que la possibilité de nouer des partenariats, hormis avec des parties non algériennes. Cette loi, prolongement de la loi d'orientation agricole de 2007, s'appuie sur 15 principes dont "la conversion du droit de jouissance en concession en tant que régime exclusif d'exploitation des terres agricoles". Le droit de concession a une durée de 40 années renouvelables. Pour autant, est exclue de cette éligibilité "toute personne ayant procédé à des transactions sur des terres agricoles publiques ou pris possession de celles-ci en violation de la loi en vigueur", ainsi que "les exploitants qui ont fait preuve de comportements déshonorants lors de la guerre de libération". Mais, à travers cette loi, l'Etat encourage le regroupement d'exploitations agricoles en cas d'acquisition de plusieurs titres de concessions pour l'exploitation de plusieurs terres agricoles. Cependant, cette loi n'englobe que les terres relevant du domaine privé de l'Etat, défini par la loi de 1987 et dont la superficie s'étend sur 2,5 millions d'hectares (ha) et répartis en 100.000 exploitations agricoles et sur 218.000 bénéficiaires. Sont ainsi en dehors du champ d'application de cette loi les 300.000 ha relevant également du domaine privé de l'Etat, mais exploités par des fermes pilotes et des instituts de formation. La superficie agricole globale exploitée en Algérie est estimée à 47,5 millions d'ha dont 32 millions d'ha de parcours, 7 millions d'ha de forets et de maquis, et 8,5 millions d'ha de terres arables dont 5,7 millions appartenant à des privés. Le nouveau texte de loi, qui a suscité des inquiétudes au sein des agriculteurs concernés, a cependant levé de gros lièvres, ceux qui ont détourné la destination de milliers d'exploitations agricoles, régies par la loi 87/16, fixant les modalités de fonctionnement des EAC et EAI. Ainsi, sur quelque 218.000 exploitants agricoles bénéficiaires d'un droit de jouissance sur les terres de l'Etat, ils seraient 11.900 à être confrontés à des affaires en suspens au niveau des tribunaux pour pratiques illégales, dont la principale est le détournement des terres agricoles de leur vocation au profit de tierces personnes, moyennant une somme d'argent. Selon un cadre au ministère de l'agriculture, "cette loi sécurisera les exploitants en réglant définitivement le problème du foncier agricole et rentabilisera ce riche potentiel agricole". Le fichier national des exploitations agricoles est achevé, a-t-il précisé en marge d'un séminaire tenu la semaine dernière à Ain Témouchent, alors que celui des exploitants agricoles a été transmis pour corroboration ou confirmation aux wilayas. Jusqu'à présent, 24 wilayas ont répondu, alors que la date du 15 septembre 2010 a été fixée pour l'achèvement des préparatifs de l'opération de recensement des exploitants agricoles du domaine privé de l'Etat. Devant chapeauter cette opération, en collaboration avec les Directions des services agricoles, l'Onta a vu l'installation de son conseil d'administration et son directeur général par intérim et a reçu sa première dotation financière pour lui permettre de mener à bien ses actions, et sera secondé par neuf directions régionales à travers le territoire national. Et, les droits de location, publiés au JO sur le sillage de la LFC 2010, sont très abordables: 15.000 dinars/an par ha en irrigué dans la zone A (Nord), et 3.000 dinars/an/ha en sec. La mise en route de cette nouvelle loi sur le foncier devrait relancer tout le système de production agricole en Algérie. L'application de cette nouvelle loi sur les terres du domaine privé de l'Etat devrait, selon le ministère de l'Agriculture, fluidifier les transactions financières, encourager les investissements de production et de modernisation des équipements agricoles, mais, surtout assainir la situation de milliers d'exploitations agricoles laissées à l'abandon ou faisant l'objet de trocs douteux. A un moment où le secteur agricole peine à tirer la croissance vers le haut, avec un taux de mois de 4%, même en cas de récolte céréalière exceptionnelle comme celle de la campagne 2009-2010 avec ses 6 millions de tonnes, il s'agit de placer durablement le secteur agricole dans une logique d'économie de marché.