La réforme du tribunal criminel est "imminente" et verra l'introduction du double degré de juridiction, a indiqué dimanche à Alger le directeur général du Centre de recherche juridique et judiciaire (CRJJ). "Le double degré de juridiction est une nécessité du fait qu'il permet d'assurer le droit de la défense et l'équilibre de la protection de la société", a souligné le responsable du CRJJ à la presse en marge d'une journée d'études sur la réforme du tribunal criminel organisée par le centre. M. Djamel Bouzertini a expliqué que le double degré de juridiction "existe actuellement au niveau de l'instruction", puisque, a-t-il dit, "dans une affaire criminelle, le juge d'instruction filtre les éléments portés par l'accusation et peut décider que les faits reprochés ne tiennent pas et rendre une ordonnance de non lieu". "Le double degré de juridiction est une évolution, une deuxième chance pour les accusés", a ajouté le juriste. Le droit à l'appel est actuellement consacré en matière correctionnelle et en matière de contravention mais non en matière criminelle. Les condamnés pour crimes peuvent introduire un pourvoi en cassation devant la Cour suprême qui juge les jugements et non les justiciables. Dans son intervention à l'ouverture des travaux de la journée d'étude, le directeur général a indiqué que la réforme du tribunal criminel fait partie du processus de la réforme de la justice et la transposition des normes internationales dans notre législation interne, notamment celles concernant les droits de l'homme qui "revêtent un caractère de priorité". Il a rappelé, dans ce contexte, que le président de la République avait donné instruction de réformer du tribunal criminel dans son discours à l'ouverture de l'année judiciaire 2009-2010. Les intervenants ont, de leur côté, tous soutenu l'importance du double degré de juridiction, estimant qu'il y va du respect du droit des droits de l'homme. Le jury populaire au tribunal criminel a été également au centre du débat, à travers la question de savoir s'il faut le maintenir ou pas. Les participants ont estimé, à cet égard, que seul le magistrat est en mesure de juger un criminel, le jury populaire ayant "démontré ses limites". La loi n'exige que la capacité de savoir lire et écrire pour le jury populaire. Les participants ont plaidé, en outre, pour l'introduction de la motivation dans les affaires criminelles, estimant qu'expliquer le pourquoi de la peine, rend une justice de qualité et garantit la transparence qui permet au justiciable de mieux comprendre les raisons de la peine et facilite le contrôle des décisions par les juridictions supérieures. Les jugements du tribunal criminel sont prononcés sur la base de l'intime conviction, alors que dans les affaires correctionnelles et de contravention, les décisions sont motivées. Me Miloud Brahimi a relevé, pour sa part, que "la justice populaire (jury) est un héritage du Droit français (de l'époque coloniale) et est à revoir", car "on ne peut, a-t-il dit, confier au juge citoyen, qui ne maîtrise pas la loi, l'appréciation de la culpabilité". Il a estimé, aussi, que le tribunal criminel "fonctionne avec beaucoup de lourdeur", ajoutant que la procédure de jugement par contumace est "lourde et lente" également. "L'accusé est sensé être au courant de la décision rendue mais la pratique judiciaire nous montre que souvent la personne jugée par contumace n'est pas au courant de ce jugement", a précisé l'avocat. Concernant le double degré de juridiction, il a estimé que sa non application par le tribunal criminel "est anticonstitutionnelle", exprimant son étonnement que les contraventions et délits soient jugés à charge d'appel et non les peines les plus graves, notamment les crimes qui sont passibles de peine de mort. Me Brahimi a, dans ce contexte, observé que l'Algérie qui a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, "se doit d'appliquer cette procédure (double degré juridiction) puisque l'article 136 de la Constitution stipule que les conventions ratifiées sont supérieures à la loi interne". Il a appelé, par ailleurs, à revenir sur la pratique de l'ordonnance de prise de corps, estimant qu'"une personne qui s'est présentée et a été laissée en liberté offre les garanties de représentation et il est inutile de la mettre en prison la veille de son jugement". Lors de la rencontre à laquelle ont pris part des magistrats du Maroc et de la Tunisie, l'expérience de ces deux pays en matière de réforme du tribunal criminel a été présentée. La Tunisie applique le double degré de juridiction depuis 2000 et le Maroc depuis 2002. La journée d'étude sera sanctionnée par des recommandations devant être prises en compte dans le futur projet de réforme du tribunal criminel, ont indiqué les organisateurs.