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Le droit de faire appel bientôt consacré au niveau du tribunal criminel Les axes de la réforme de cette juridiction au cœur du débat organisé par le CRJJ
Photo : S. Zoheïr Par Hasna Yacoub Pour répondre à l'exigence du président de la République, et dans le cadre de la poursuite de la réforme de la justice, le Centre de recherche juridique et judiciaire (CRJJ) a organisé, hier à la résidence des Magistrats à Alger, une journée d'étude portant sur «la réforme du tribunal criminel». Un sujet qui a suscité un débat parmi les juristes et qui nécessite, aujourd'hui encore, des discussions entre les praticiens du droit. M. Bouzertni, le directeur du CRJJ, a longuement expliqué que «sur instruction du président de la République, il a été décidé d'aller vers le double degré de juridiction pour le tribunal criminel. Ce qui suppose qu'il faut disposer de plus de magistrats, ayant plus d'ancienneté et plus de grades dans la fonction. Aujourd'hui, le ministère de la Justice estime avoir les moyens de parvenir à cette amélioration. Pour aller vers le double degré de juridiction, il faut ouvrir le débat sur certains aspects de cette question pour savoir s'il faut maintenir ou supprimer le jury, mais aussi s'il faut maintenir l'intime conviction du tribunal criminel ou passer vers la motivation des jugements». Le problème est donc posé : l'appel dans un procès criminel sera institué, reste à savoir si les jurys feront toujours partie de la composition du tribunal et si les jugements de ce dernier seront basés sur son intime conviction. Pour s'imprégner des expériences d'autres nations, le CRJJ a invité des magistrats de pays voisins, à savoir la Tunisie et le Maroc, qui ont déjà opéré ces changements dans leur système judiciaire, aux côtés des magistrats, avocats et hommes de droit algériens pour participer aux débats. Me Miloud Brahimi, en ouvrant les débats, a commencé par faire un état des lieux du tribunal criminel en Algérie. Il dira que le fonctionnement du tribunal criminel est très lourd avant de citer les points liés à son «anticonstitutionnalité». «Au niveau du tribunal criminel, il n'y a pas d'appel. La Constitution prévoit l'égalité des citoyens devant la loi ; or en matière de délit et de contravention, l'appel existe. Pourquoi n'existerait-il pas en matière criminelle ? Donc, les personnes poursuivies pour crime sont défavorisées par rapport à celles poursuivies pour délit et contravention. Quand une personne est poursuivie pour délit devant un tribunal criminel parce que ce délit est connecté à un crime, elle perd inéluctablement le droit à l'appel», a expliqué Me Brahimi, ajoutant que «le deuxième aspect de l'anticonstitutionnalité du fonctionnement du tribunal criminel, actuellement, est donné par l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l'Algérie, et qui dispose que tout jugement doit faire l'objet d'un réexamen. Or ce réexamen n'existe pas dans le système juridique algérien». L'avocat mettra le doigt sur une autre lacune, à savoir l'absence de la motivation des décisions de justice dans les jugements du tribunal criminel sous prétexte que ces derniers sont prononcés sur la base de l'intime conviction. «L'article 144 de la Constitution est d'une clarté biblique, il stipule que les décisions de justice sont motivées. Or, le tribunal criminel fonctionne au nom de l'intime conviction. Pourtant, il y a des Etats qui fonctionnent avec l'intime conviction, tout en motivant leurs décisions. Il s'agit, à titre d'exemple, de l'Allemagne, de l'Espagne ou encore de l'Italie. Pourquoi pas l'Algérie ?» Revenant sur la question du maintien ou de la suppression du jury, Me Brahimi pense que «si l'on doit maintenir les jurys, il faut augmenter leur nombre au minimum à quatre». En plus d'autres remarques sur le fonctionnement du tribunal criminel, l'avocat estime que «le jugement par contumace est, de mon point de vue, un non-sens : je ne comprends pas la différence entre le traitement du jugement par contumace et celui par défaut. Le jugement par contumace ne se prescrit que par les règles de la prescription de la peine, alors que celui par défaut est prescrit à la prescription de l'action publique. Il y a aussi l'ordonnance de prise de corps héritée du système français qui, pour sa part, ne l'applique plus». Le président des magistrats, M. Laïdouni Djamel, a affirmé, pour sa part, que le tribunal criminel doit être réformé. «Nous pensons qu'il est dans l'intérêt du prévenu de bénéficier d'un deuxième degré dans les affaires criminelles. Il faut, en créant le deuxième degré, motiver les jugements car c'est cette motivation qui va permettre de contrôler le jugement au premier degré. En ce qui concerne le maintien ou la suppression du jury, personnellement, je n'ai aucun avis à émettre», a déclaré le magistrat, avant d'ajouter : «Mais je pense qu'avec le crime qui se modernise et avec ses nouvelles techniques, le jury populaire a moins d'aptitudes à se prononcer ; il serait donc préférable d'aller vers un tribunal composé de magistrats professionnels.» A préciser, enfin, que les débats ouverts hier grâce au CRJJ sont d'une importance extrême. Cette journée d'étude permettra de dégager des recommandations qui seront soumises au ministère. Ce dernier pourra, sur cette base, proposer un projet de loi ou un décret pour modifier le fonctionnement du tribunal criminel. «Ce qui nous importe, c'est d'arriver à garantir le droit à un procès équitable et une transparence qui permette au justiciable de mieux comprendre les raisons qui ont guidé le juge dans le choix de sa sanction», a conclu M. Bouzertini.