Les travaux du colloque sur "Le nom propre maghrébin de l'homme, de l'habitat, du relief et de l'eau", organisé du 21 au 23 novembre par le Haut Commissariat à l'Amazighité (HCA), se sont poursuivis lundi à Oran. Mohand Tilmatine, de l'université de Cadix (Espagne), a abordé la question de "la politique linguistique et de la toponymie en Algérie" tout en rappelant que "la toponymie, expression du patrimoine immatériel, est liée à l'action de l'homme et reflète l'identité de son utilisateur". Le conférencier a appelé à "une prise en compte de la dimension amazighe des noms toponymiques en Algérie". Il a considéré que le pays dispose d'instituts spécialisés, de spécialistes dans ce domaine et d'études et projets conséquents "à même d'entreprendre ce travail de codification". L'intervention de ce chercheur a suscité un intéressant débat lorsqu'il a abordé la question de l'origine du nom de la ville d'Alger, indiquant que ce toponyme a été cité pour la première fois par le géographe arabe El Bakri. Cette appellation, a-t-il dit, était beaucoup plus en relation avec Ziri, le fondateur d'Alger, qu'avec le renvoi "el djazaïr" (îles) car, a-t-il expliqué, en langue arabe, le pluriel du mot île est "djouzour" et non "el djazaïr". Le professeur Mohand Akli Haddadou, professeur en linguistique berbère à l'université de Tizi-Ouzou, a réfuté cette thèse en soulignant que c'est Ibn Hawqel, un autre géographe arabe, qui a été le premier à faire référence à "El djazaïr Bani Mezghana" bien avant El Bakri. Pour cet universitaire, le terme "djazaîr" est utilisé par les géographes arabes et musulmans pour désigner un espace maritime propre à une région. Les auteurs de l'époque parlaient de "djazaîr ech-cherq" pour désigner la région actuelle des Baléares. Ahmed-Amine Dellaï, un chercheur au CRASC, spécialiste du Melhoun, a apporté "son grain de sel" en indiquant que les grands poètes et spécialistes de ce patrimoine oral désignant la région d'Alger sous le nom de "Bilad el djir" (le pays du gypse). Une piste susceptible d'intéresser d'éventuels chercheurs pour se pencher sur l'origine et le sens du nom d'Alger. La deuxième journée de cette rencontre, organisée en collaboration avec le CRASC, a été également marquée par une communication du chercheur français Hervé Guillorel du CNRS, qui a parlé de "l'hydronymie (nom des cours d'eau) et de la politique". Le conférencier a relevé en substance "une hiérarchisation des enjeux dans la dénomination des lieux", estimant que "le changement de nom de la capitale d'un pays a une dimension plus importante que celui ayant trait à une nouvelle dénomination d'un bourg ou d'une commune". Dans le domaine de l'hydronymie, il a cité plusieurs exemples faisant l'objet de polémiques pour des considérations historiques, culturelles ou géopolitiques. Concernant la difficulté de cerner l'origine ou l'historique d'un nom, le conférencier a considéré que "lorsqu'on ne peut pas attribuer à une langue connue l'origine d'un nom, on ouvre la voie à toutes les formes d'inventions et de reconstitutions pouvant poser des problèmes".