// En Algérie, avant 1832, plus du tiers des algériens savaient lire et écrire l'arabe. Dans un contexte de crise morale et économique mondiale, de dictature du marché, de chômage comme plaie majeure, de prétendus retours du religieux, sous des formes crispées, dans tous les pays on parle d'une «crise de l'éducation». Dans le Monde arabe, l'éducation est le défi. Des efforts et des acquis réels sont enregistrés, mais du travail reste à faire. En ce XXIe siècle, un pays dépend de sa capacité à produire et à assimiler les connaissances pour engager son développement et consolider son identité. La société du savoir et la mondialisation exigent une société forte de ses moyens éducatifs, de culture et de communication. L'évolution du système éducatif Dès l'indépendance, à partir de la politique volontariste soucieuse de justice sociale, l'accent a été mis sur la démocratisation de l'enseignement. Du temps de la nuit coloniale, plus de 95% étaient privés d'enseignement, analphabètes, et les valeurs ancestrales de la société, fondées principalement sur l'islam, ont été contrariées. En Algérie, avant 1832, plus du tiers des algériens savaient lire et écrire l'arabe. Sur le plan quantitatif, des résultats probants ont été enregistrés après l'indépendance. Aujourd'hui, 85% des jeunes en âge d'être scolarisés le sont, sur la base d'un cycle obligatoire de 6 à 16 ans. Cela s'est traduit par un important recul de l'analphabétisme. Ce sont des acquis substantiels, fondés sur au moins le tiers du budget de l'Etat. Dans le contexte de la priorité au quantitatif, l'Ecole, malgré les efforts gigantesques, a vu baisser le niveau pour certaines matières. Le défi est celui de consolider les acquis et de mettre l'accent sur la qualité. Des pédagogues considèrent que l'Ecole assume sa part de responsabilité. Il est vrai que la révision périodique des programmes permet aux jeunes de s'adapter. Les défis éducatifs actuels en rive Sud sont multiples: premièrement au niveau scientifique, celui de la qualité de l'enseignement, afin de forger une société de la connaissance, créative et performante. Deuxièmement, sur le plan du fond, répondre au projet de société où unité et pluralité, universalité et spécificité, authenticité et modernité se conjuguent. Troisièmement, sur le plan économique, réaliser l'adéquation formation-emploi et s'adapter à l'évolution des métiers. Dans cette trame, nombre de questions se posent: quel volume horaire et quelles matières par palier scolaire? En matière d'enseignement des langues, comment et à partir de quel âge doit-on enseigner la ou les langues étrangères? Créer des espaces de débats et de réflexions pour enrichir l'entreprise éducative. Au vu du relâchement du lien social et du niveau culturel, enseigner l'éducation civique est une donnée prioritaire. En mettant l'accent sur le «vivre-ensemble» et la culture de la paix, pour répondre au souci légitime de bien connaître l'histoire du peuple et forger un esprit ouvert et tolérant, en particulier attaché au dialogue. Les programmes d'instruction civique doivent inclure un enseignement de la morale, la connaissance des symboles de l'Etat et des symboles-clés de la société. Les programmes doivent comprendre aussi l'étude des règles élémentaires d'organisation de la vie publique, la connaissance des traits constitutifs de la nation et celle de ses valeurs culturelles et civilisationnelles, pour la formation du patriotisme, de la citoyenneté et de la sociabilité. La révision des programmes et méthodes Le savoir a pour but d'éveiller les jeunes selon les phases de l'apprentissage: l'âge de l'étonnement – du questionnement, de la créativité et des découvertes. Il est important que la jeunesse apprenne à questionner, à pratiquer l'identification des questions vitales, qui interpellent. Le but est de construire des personnalités ouvertes au raisonnement et vigilantes. La question de l'éducabilité de l'enfance avec les dimensions psychologique, éthique et sociologique dépend de l'engagement des enseignants et de la méthode employée. L'importance des innovations en matière pédagogique, le rôle fondamental du Maître et la question de la formation des formateurs nécessitent une révision permanente et un débat entre acteurs concernés. Dans les sociétés qui visent le savoir pour se développer, la révision des méthodes et des programmes d'enseignement s'effectue environ tous les cinq ans. Le monde arabe doit redoubler d'efforts afin de réaliser la valorisation du métier d'enseignant. De l'organisation et de la diffusion du savoir dépend la force de la société. La problématique concerne la formation des formateurs, le statut des enseignants, les programmes, la méthode d'enseignement, le rythme et les conditions de progression, la carte scolaire et les moyens mobilisés pour atteindre les objectifs fixés. Les parents d'élèves, les enseignants et les élèves se plaignent parfois du volume horaire élevé, de la lourdeur des programmes. Dans le monde, en général, les programmes scolaires, au niveau primaire, deviennent de plus en plus courts: environ 40 pages illustrées par matière, contre une centaine par le passé. Ils sont écrits dans un langage clair sans complications. Il s'agit pour chaque enseignant et parent, de savoir exactement ce que les élèves doivent avoir acquis au terme de chaque année scolaire. Ils doivent intégrer les objectifs du socle commun, des connaissances de base que l'élève doit maîtriser pour son épanouissement humain et l'avenir de sa formation future. La méthode se fonde sur le fait qu'il faut faire participer l'élève et respecter la liberté pédagogique de l'enseignant, tout en balisant et fixant la méthode pédagogique. La finalité de l'école consiste à aider chaque enfant à réussir les apprentissages fondamentaux, principalement la lecture, l'écriture et le calcul. L'école doit aider l'enfant à devenir un élève, un jour un citoyen, et à acquérir les bases d'un comportement fondé sur les règles de la citoyenneté. La lecture est pratiquée pour développer l'esprit critique et la confrontation des idées. La méthode moderne évite de s'enfermer dans une seule méthode de lecture et laisse ouverte cette dimension pour respecter le goût des élèves. La jeunesse, qui a une certaine maturité de la vie, de par les épreuves vécues par la société depuis des siècles, peut atteindre un bon niveau si des méthodes différentes sont appliquées, afin que la tête soit plutôt «bien faite», plutôt que «bien pleine». Les disciplines scientifiques aux yeux de tous sont la priorité, mais les humanités, histoire, géographie et éducation civique sont indispensables. L'apprentissage au beau est essentiel pour la créativité, la civilité et l'épanouissement des enfants et de la jeunesse. L'enseignement de l'histoire est fondamental pour former des jeunes fiers de leur passé et tournés vers l'avenir. En histoire, les élèves doivent apprendre à mémoriser et commentez des repères chronologiques qui participent à la formation de l'identité et à l'humanisme: événements majeurs, grandes dates et personnages de l'histoire du pays et du monde. Les élèves prennent ainsi conscience de l'évolution des héritages et modes de vie de leurs ancêtres et de l'humanité. Il n'y a pas d'avenir sans mémoire collective. L'école de demain passe par ces chemins, la souplesse et des bases universelles. En plus des leçons classiques, l'éducation à l'environnement et au développement durable est un des nouveaux thèmes nécessaires aux programmes. Des expériences utiles commencent à être pratiquées. L'excellence Produire des élites, des richesses et des technosciences adaptées à nos besoins est le moyen le plus complet pour la Nation. L'enseignement supérieur dans le Monde arabe est confronté au défi de conjuguer démocratisation et excellence. Rénover en permanence permet de faire face à la crise de sous-développement et de gouvernance. Il s'agit de transcender les considérations à court terme et intégrer des dimensions plus profondes à moyen et long terme. Dans de nombreux pays, les systèmes éducatifs ne peuvent pas fournir le nombre requis de professionnels hautement qualifiés, ce qui, paradoxalement, encourage la fuite des cerveaux, la migration d'intellectuels ayant un niveau de qualification. La compétition mondiale pour attirer des personnes qualifiées et la «guerre des cerveaux» font rage. La démarche de renouveau scientifique mérite d'être approfondie. La complexité des problèmes et la fragilité des acquis incitent à l'élargissement de la participation, notamment à partir des campus universitaires. Il s'agit de confirmer la priorité à l'éducation, de responsabiliser et d'émanciper les élites et les citoyens sur la base du respect de leurs droits et devoirs. L'excellence est possible. Mustapha CHERIF/in l'expression