A Batna, une ville où l'on apprécie particulièrement la bonne chère, les amateurs de poisson frais commencent à “faire leur deuil” d'une table garnie de crevette, de merlan, de rouget, de chien de mer ou même de sardine. Les prix des produits de la mer ont atteint une “altitude” telle que des ménagères de passage devant la poissonnerie mitoyenne du marché “Er-Rahba”, au centre-ville, n'osent même plus s'y aventurer, à moins que de vouloir juste “caresser” la marchandise des yeux. Poisson d'ordinaire abordable, la sardine, pourtant de qualité moyenne, est proposée sur l'ensemble des marchés de la ville entre 350 et 400 dinars le kilogramme. Un prix jamais égalé jusque-là, assurent des citoyens approchés par l'APS dans les souks de la cité Kechida, de Bordj El Ghoula et de Z'mala. Un poissonnier bien connu de la place, Omar Razzi, affirme qu'il y a moins d'un mois, la sardine était écoulée, même par les revendeurs ambulants, à 120 dinars le kg. Pour ce commerçant, cette flambée des prix ne peut s'expliquer que par “les récentes intempéries qui ont empêché les professionnels de la mer à pêcher en haute mer”. Il ajoute, sans donner l'impression de trop y croire lui-même, que le prix du poisson bleu “devrait reculer avec le retour du beau temps”. Plus “pédagogue”, M. Farid Bensdira, cadre à la direction du commerce et des prix de la wilaya de Batna, explique que “lorsque l'offre est en-deçà de la demande, les prix s'enflamment irrémédiablement”. Un postulat contesté par Saci H, père de famille, qui soutient que si, effectivement, la demande sur la sardine est importante, personne ne se bouscule au portillon pour acheter du merlan ou du rouget de roche, ce qui n'empêche pas les prix de ces poissons blancs, ramenés généralement de Collo (Skikda) et d'El Kala (El Tarf), d'atteindre, voire de dépasser les 1.400 dinars le kg. Le patron d'un des restaurants les plus courus de la ville de Batna, regrette, lui, de s'être résolu à supprimer carrément tous les produits de la mer de sa carte. “A quel prix voudriez-vous que je facture un plat de +crevettes à l'armoricaine+, de +filets de rougets grillés+ ou de +merlans en colère+ si je dois payer ce poisson et ces crustacés entre 1.300 et 2.500 dinars chez mon fournisseur ?”, s'interroge-t-il. Même les consommateurs qui se rabattent sur le poisson d'eau douce finissent par se décourager, à l'image de Abdelmadjid B. (58 ans) connu par ses amis pour être un fin gourmet, amateur surtout de poisson. “La carpe argentée, royale et commune, de même que le mulet et le barbeau, personne ou presque n'en voulait, même à 120 dinars le kg”, lance-t-il, passablement énervé. Un petit tour au marché central permet en effet de vérifier que les poissons d'eau douce provenant des surfaces aquacoles de wilayas voisines, comme Bordj Bou Arreridj, Mila et Sétif, sont introuvables à moins de 300 (parfois 350) dinars le kg. Moumene et Dahmane, deux jeunes commerçants activant au centre de Batna, pêcheurs amateurs, assurent se déplacer chaque week-end vers le lac artificiel du barrage géant de Beni-Haroun, près de Mila, pour s'approvisionner en poisson. Des virées qui ne sont pas, malheureusement, à la portée du commun des batnéens, les amateurs de poisson frais n'ayant d'autre choix que de s'armer de patience en attendant une hypothétique “décrue” des tarifs.