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UN ANCIEN ATTACHE MILITAIRE EN SYRIE ET EN JORDANIE PARLE La crise syrienne expliquée par un spécialiste
Publié dans Batna Info le 26 - 10 - 2012


Par Benaoumeur BENDJANA /
Depuis le mois de mars 2011, la Syrie est en proie à une sédition dont l'intensité de violence ne cesse de s'accroître emportant le pays dans les abysses d'une guerre civile lourde de conséquences sur son devenir.
Jadis, ce pays faisait partie intégrante d'un vaste territoire appelé Bilad-Echam, composé, alors, d'un ensemble homogène culturellement et économiquement. Il comprenait les territoires actuels de Syrie, du Liban, de Jordanie, de Palestine, de certaines parties d'Irak, du Sinaï et de la province de Hatay en Turquie.
En raison de sa position géostratégique importante, ce territoire fut démembré par les puissances coloniales suite aux accords (Sykes-Picot), signés le 16 mai 1916. Le dessein de ce dépeçage fut ensuite, révélé par l'implantation de l'Etat d'Israël * (1)) afin d'asseoir leur hégémonie géostratégique sur la région.
Le bras de fer engagé par les deux camps en l'occurrence, les pays du BAO (Bloc américano-occidentaliste) et les pays du Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, et L'Afrique du Sud) paralyse le Conseil de sécurité en rendant caduques toutes les tentatives de sortie de crise et tétanise les efforts qui tendent à stopper l'effusion de sang du peuple syrien.
En effet, plus d'une année et demie de violence sans répit, cette crise demeure confuse et inextricable. Les pays du BAO et les Etats vassaux de la région, colportent l'idée que cette crise s'inscrit dans le cadre du «printemps arabe», que les Syriens aspireraient à vivre dans la dignité, la liberté et la démocratie et qu'ils se seraient soulevés pour renverser le régime qui aurait réprimé les manifestations pacifiques en abusant de l'emploi de la force.
En revanche, d'autres pays à l'instar du Brics, notamment la Russie et la Chine qui, pour des raisons d'intérêts stratégiques, offrent le temps nécessaires au régime syrien pour faire abdiquer l'insurrection en s'opposant vigoureusement à toute forme d'ingérence étrangère par l'utilisation du droit de veto. Favorable à l'Iran, cette position jusqu'à présent intransigeante, est en apparence justifiée par la violation flagrante du mandat du Conseil de sécurité par l'Otan en Libye (résolution 1973 du 17/03/2011) et qu'ils ne voudraient en aucun cas, voir se reproduire en empêchant l'Otan d'affaiblir l'armée syrienne.
L'examen des événements marquants, survenus ces dernières années dans la région indique que la sédition syrienne, située délibérément par les médias occidentaux dans la sphère du «printemps arabe», s'inscrit nettement dans le sillage d'une chaîne de crises orchestrées de façon débridée et entretenues crescendo, depuis un certain temps, par les pays du «BAO» et certains pays de la région afin de concrétiser des objectifs planifiés, d'ordre essentiellement stratégique, politique et énergétique.
A l'échelle régionale, cette chaîne de crises larvées se localise dans un même espace géographique, il s'agit en l'occurrence de «Hizb-Allah» au Liban (considéré comme une menace pour Israël), de la Syrie (camp de l'opposition à tout accord de paix avec Israël), de l'Iran (dossier nucléaire), du golf Persique (la crise du détroit d'Ormuz), sans omettre la position politique dubitative de l'Irak, alors plus proche de l'Iran que des USA.
Au sein du monde arabo-musulman, elle est intensifiée par un concept politique pervers. Il décrit péjorativement les conflits endogènes du monde arabo-musulman et exacerbe les contradictions et les rancunes entre communautés sunnite/chiites. Ce concept se présente sous forme de deux camps qui s'affrontent inlassablement pour le leadership de la région, sous le prétexte récurrent du conflit israélo-arabe et de la cause palestinienne, déjà anémiée. Il s'agit du camp des modérés – sunnites – sous l'égide de l'Arabie Saoudite et des pays du Golfe et du camp de l'opposition – chiite – ou le «croissant chiite», qui comprend Hizb-Allah du Liban et la Syrie sous la conduite de l'Iran.
La sécurité d'Israël
Le but recherché du présent concept, initié et parrainé par les USA et les pays occidentaux, consiste à mieux parcelliser le monde arabo-musulman, dépérir la cause palestinienne et consolider la sécurité d'Israël.
En effet, la Turquie sous les pouvoirs d'un gouvernement de l'AKP «Parti pour la justice et le développement» de tendance islamiste, alléché par «l'illusion de l'Empire ottoman» a rejoint le «camp des pays modérés» pour dresser une coalition singulièrement sectaire. Cette dernière saisit les circonstances opportunes des contestations sociopolitiques déchaînées dans certaines «Républiques» du Monde arabe pour assaillir militairement le «camp de l'opposition». La Syrie constitue alors, le terrain de prédilection pour un conflit armé par «procuration» car elle représente le maillon central de la chaîne de crise susdite et un théâtre d'opérations qui matérialise la pierre angulaire de l'opposition aux desseins machiavéliques du BAO. Cette coalition a créé sur le plan géographique, un environnement géopolitique régional hostile qui assiège la Syrie et exaspère dramatiquement ce «conflit armé non international» mené par procuration.
Puissance régionale et membre de l'Otan, la Turquie appâtée par le rôle d'hégémonie géostratégique et économique sur la région, manifeste une aversion impétueuse à l'égard du régime syrien. Elle intensifie ses ingérences directes à travers le renforcement du nombre de mercenaires affiliés à la «légion islamique» stipendiés par les pétromonarchies et les pays du (BAO), recrutés et acheminés de toutes les régions du monde. Sur le plan de la conduite opérationnelle, elle renforce les capacités de nuisances de la rébellion à l'aide du matériel de liaisons et de communications cryptées entre les chambres d'opérations militaires installées en Turquie et les groupes armés en action à l'intérieure du territoire syrien en sus du soutien logistique en armement sophistiqué et en argent.
Le Liban, qui vit le spectre des conflits sectaires omniprésent depuis des années, devient un champ fertile en événements, qui parfois frôlent la discorde communautaire. Ces événements sectaires, dénotent les risques d'une métastase latente de la crise qui pourrait embraser la région du Moyen-Orient. Quant aux tendances politiques hostiles au régime despote syrien, elles s'adonnent à faciliter l'acheminement de l'armement, des équipements et des combattants takfiristes vers la Syrie par les frontières terrestres sommairement sécurisées grâce à une contrebande organisée.
L'Etat d'Israël, obtempérant aux préconisations de ses protecteurs, se trouve dans une ambiance géostratégique favorable à ses aspirations. Toutefois, il demeure attentif aux évolutions des événements du «Printemps arabe». Il tente d'horripiler le régime syrien en difficulté, par des menaces sous le prétexte du déploiement des armes biologiques et chimiques.
La Jordanie, le Royaume hachémite, ne possédant pas les moyens de sa politique se résigne à adopter une attitude politique hostile au régime syrien, dictée par les monarchies du Golfe et le «BAO», qui assurent gracieusement sa subsistance.
L'Irak garrotté par une instabilité politique et sécuritaire intérieure qui perdure et d'une souveraineté inachevée, est encore géopolitiquement inopérant sur le plan régional.
A l'échelle internationale, les USA oeuvrent pour un remodelage stratégique des équilibres mondiaux afin de concrétiser la nouvelle stratégie militaire annoncée par le président Barack Obama, le 05/01/2012. Le «Grand Moyen-Orient»* (02) ou la «doctrine américaine de remodelage du Grand Moyen-Orient» baptisée aussi, (Doctrine Bush)* (03), est un projet échafaudé par les Etats-Unis qui consiste à restructurer le monde arabo-musulman dans un espace géographiquement continu, en incluant un nombre de pays ethniquement hétérogènes, mais dont la confession prédominante est l'islam. Cet espace s'étend des bords de l'océan Atlantique jusqu'aux limites de l'Asie mineure. L'aspiration de ce projet consiste à imposer leur prépondérance sur cette région remodelée conformément à leurs intérêts stratégiques.
Après plusieurs débats inhérents aux modalités d'exécution du projet, (Grand Moyen-Orient), les adversaires de la politique belliqueuse estiment que le projet est réalisable à moindre coût en appuyant de l'extérieur la sédition des mouvements de couches sociales basculées dans la précarité et le chômage.
La stratégie du BAO
Ce n'est certainement pas par coïncidence que l'ensemble des pays arabes (républicains…?) ayant subi le tressautement de la tourmente du «Printemps arabe» figurent dans le programme de ce fameux projet, il s'agit plutôt de la mise en oeuvre d'une stratégie effective du «BAO» minutieusement programmée..
Sur le plan énergétique, l'objectif stratégique qui consiste à réduire l'influence russe dans le domaine de l'approvisionnement de l'UE ne peut être atteint, si leur présence militaire en Méditerranée, notamment dans le port syrien «Tartous» n'est pas extirpée. Cette présence permanente est considérée hostile au projet de la nouvelle «Route Terrestre de l'Or Noir» moyen-oriental au bénéfice de la Turquie, de l'Europe et des US/OTAN «méga pipeline transportant l'or noir moyen-oriental via la Syrie/Turquie». L'objectif est ardemment recherché par la Turquie qui vise la domination géostratégique et économique dans la région, confrontée à la montée en puissance de l'Iran.
Les pays du (Brics RICS), particulièrement la Russie et la Chine, pour des raisons stratégiques, s'attèlent avec force et intérêt à se repositionner dans l'échiquier international futur en qualité de grande puissance et à protéger leurs intérêts géopolitiques et énergétiques.
Pour la Russie, qui subodore dans les convulsions qui adviennent dans le Monde arabe, l'application d'un plan perfide de recomposition géopolitique de la région se faisant au préjudice de ses intérêts de grande puissance, plusieurs raisons stratégiques militent pour son attitude à l'égard des propositions du (BAO) et de la (Ligue arabe) à l'ONU, tels que:
L'arrivée d'un régime islamiste au pouvoir, conformément aux voeux des monarchies du Golfe pourrait provoquer de graves troubles intérieurs dans les Républiques de confession musulmane du Caucase affiliées à la Fédération de Russie ou situées à ses frontières (l'utilisation de la légion islamique en Afghanistan par les USA contre l'Urss est toute fraîche dans la mémoire collective des Russes).
Du point de vue politique, les intérêts sont tout aussi grands pour le Kremlin. Une chute du régime syrien impliquerait à coup sûr l'arrivée d'un régime vassal du (BAO) au pouvoir. Les intérêts économiques et géostratégiques de la Russie seraient alors gravement compromis, particulièrement ceux en lien direct avec le complexe militaro-industriel.
Pour la Chine dont les intérêts stratégiques et économiques se croisent avec ceux du (BAO) en Afrique et en mer de Chine, d'autres raisons stratégiques justifient son attitude inflexible notamment, l'exaspération causée par la nouvelle stratégie militaire américaine recentrée sur l'Asie-Pacifique qu'elle considère hostile à son adresse. Champ de confrontation des grandes puissances, le conflit syrien sera certainement rude, difficile et peut-être de longue durée, car il s'agit d'un projet hégémoniste primordial pour le «BAO». En contrepartie, la position des pays du Brics restera inébranlable contre tout changement hostile à leurs intérêts.
Quelle que soit l'issue de cette confrontation, la lecture politique serait sans doute la fin d'une ère d'unilatéralisme américain sur le monde et une redéfinition du concept régissant jusqu'alors les relations internationales dans le cadre d'un remodelage consensuel des équilibres mondiaux. Du reste, au détriment du monde arabo-musulman, qui sera morcelé encore davantage par cette confrontation pernicieuse «sunnites/chiites» clairement affichée dans cette crise.
(01) Résolution 181 de l'Assemblée générale des Nations unies adoptée le 29 /11/ 1947.
(02) El Watan du 25 juil. 2012 – L'idée du «Grand Moyen-Orient».
(03) www.diploweb.com Géopoli-tique. La doctrine Bush de remodelage du Grand Moyen-Orient: entre idéalisme et pragmatisme, par Catherine Croisier, chercheur associée à l'IRI—-
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