C'est mathématique. 1200 kilomètres de côte. Un mètre suffit pour mettre une embarcation à l'eau. Il y a donc près d'un million de points de départ possibles pour l'Europe. Saber et Kawter sont à Tighremt, nouvelle destination de départ. En barque, mais à moteur. Clandestinement mais sûr. D'après Karim PDP, l'ami d'Alger qui les a fait envoyer dans ce charmant petit village près de Béjaïa. Sauf qu'il y a vraiment trop d'Algérois, on se croirait à Sidi Fredj. On a l'air de vacanciers, pas de problèmes, explique Saber. Faut être riche pour passer des vacances en Algérie. Saber et Kawter sont en train de manger au bord de l'eau, du riz en sauce, pour d'évidentes raisons de budget. Ils veulent tout garder pour leur départ. Ce n'est pas une question de matériel, confie Saber à sa femme. Aller en Europe, c'est aussi pouvoir prendre un verre en terrasse avec sa copine. Kawter a arrêté de manger : Ta copine ? Tu vas en Europe pour me tromper ? Ce n'est pas ce que je voulais dire. La petite dispute n'a pas d'effet durable. De toute façon, il fait trop chaud. Et d'autres urgences à traiter. Une heure plus tard, après avoir pris une chambre chez un petit propriétaire qui pratique des prix espagnols, ils ont été voir Mohand, vulcanisateur, chez qui Farid le pêcheur de Tigzirt les a envoyés, chez qui Karim PDP les a envoyés. Mohand ? Ils trouvent l'homme en train de réparer un pneu dans sa boutique. Y a de plus en plus d'émeutes et de moins en moins de pneus. Dur métier, j'aurais dû faire vulcanisateur pour bateaux. C'est Farid qui vous envoie ? Mohand s'essuie les mains avec un reste de poster du RND et dévisage le couple. Têtes honnêtes, classe moyenne, au bord du désespoir. La fille est mignonne. Le départ devrait avoir lieu après-demain, vous avez l'argent ? Bien sûr, fait Saber en tapotant instinctivement son caleçon. A suivre…