Saber et Kawter sont toujours au bord de la mer, mais au bord de l'épuisement nerveux. De Tighremt, petite station balnéaire sur la côte ouest de Béjaïa, Mohand, vulcanisateur, est chargé de les expédier en Europe sur une embarcation clandestine. Bon, vous avez l'argent, pas de problème. Mais le départ se fera de Boulimat. Bou-li-mat ? C'est où ? demande Kawter, inquiète, en détachant lentement les lettres du nom à l'étrange phonétique. C'est un petit village à quelques kilomètres. Je vous donne mon portable. C'est gentil mais on en a un, lui répond-t-elle, croisant le regard froncé de son mari. Mohand, comme beaucoup, n'a plus d'humour depuis la dernière révolte kabyle. Les numéros de téléphone sont rapidement échangés. A ce soir, 23h. Après avoir remercié le vulcanisateur en lui achetant un vieux pneu juste pour la forme, le couple retourne dans leur studio de location. Le départ est prévu pour cette nuit, ils font leurs derniers préparatifs. Tu es sûr qu'on va partir ? Rien n'est sûr, on est quand même en Algérie. Appelle Karim PDP, pour être un peu plus sûrs. Aussitôt dit, aussitôt fait. Saber compose le numéro. Karim « Pas de problème » est injoignable, comme souvent quand on a un problème. En raccrochant, il lui vient une question d'une importance cruciale : Dis-moi Kawter, tu sais nager ? Elle hésite. …Oui, un peu. J'ai appris à nager à la piscine d'El Aurassi. El Aurassi ? Y a longtemps ? Très longtemps, quand mon père était wali. Tu m'avais dit que ton père avait émigré en Thaïlande ?! Wali ? Il est quoi maintenant ? Kawter a attendu quelques secondes avant de répondre : Il est dans une prison algérienne. La discussion n'a pas duré. Le couple s'est préparé pour l'aventure et est sorti dans la nuit. Reste un détail : Et le pneu, qu'est-ce qu'on en fait ? On l'emmène en Europe comme souvenir ? A suivre…