Tichy n'est pas l'Europe, même s'il y a beaucoup d'émigrés en cette saison. Un chien jaune a accueilli les 9 passagers clandestins, dont Saber et Kawter. Petit contretemps à cause d'une patrouille de gardes-côtes, Mohand, le vulcanisateur reconverti dans les traversées clandestines, a préféré temporiser et a envoyé tout le monde au Saphir bleu jusqu'à l'aube. Les passagers, ayant chacun mis 90 000 DA dans la traversée, ont préféré ne pas dormir dans les chambres, trop chères. On va boire jusqu'à 6h et on démarre, a annoncé l'un d'eux, sous les regards de deux Blidéens islamo-conservateurs. Heureusement, l'argent dépasse toutes les idéologies. Le groupe a pris une table au fond et s'est assis. Qu'est ce que vous buvez ? Une fille en minijupe léopard, rehaussée d'un minuscule haut en plastique vert, est arrivée au bord de la table. Après la stupeur, la commande, puis un long débat s'en est suivi sur l'aspect vestimentaire, un problème qui n'est toujours pas réglé en Algérie. Comment s'habiller ? Lu dans le journal, annonce l'un des passagers du groupe. Un couple avec enfant s'est vu refuser l'accès au parc du Lido, à Alger, parce que la femme portait un petit haut à bretelles. Lu dans le journal, annonce un autre clandestin. Un procureur a refusé d'enregistrer la plainte d'un homme qui s'est fait tabasser dans un commissariat parce qu'il portait un pantacourt. Pas lu dans le journal mais entendu, lui répond Amel, l'autre jeune fille du groupe : un visiteur s'est fait refuser l'accès au ministère de la Culture parce qu'il portait un jean. Toutes les raisons de partir ont été évoquées, jusqu'à ce que les commandes arrivent sur la table. La serveuse s'est penchée vers Saber avec un sourire équivoque : Si tu veux autre chose, je suis là, omri. Furieuse, Kawter s'est levée d'un bond, une fourchette à la main. A suivre…