Il est minuit passé de 10 minutes sur la plage de rochers de Boulimat quand le premier moteur est allumé. 9 passagers plus Mohand, vulcanisateur de Tighremt reconverti en tour opérateur marin. 9 clandestins dont Saber et Kawter, à l'amorce d'une nouvelle vie pleine de promesses. La barque démarre doucement. Plein est, en longeant la côte, faisant de petits clapotis dans l'eau éclairée par la pleine lune. Tout va bien, assure Mohand, l'essentiel est que le moteur démarre. Aussitôt dit, Mohand sort une bouteille de Ricard et l'ouvre : C'est offert par la maison. Mohand voyages, même dans ta tête tu voyages ! Après quelques hésitations, les passagers moins deux, blidéens, ont décidé de partager cette bouteille, surtout pour se donner du courage. Pendant que les deux femmes à l'arrière discutent de la vie, des hommes et particulièrement des hommes algériens, installés devant, les hommes discutent autour d'un verre qui tourne. Grande question collective : pourquoi n'y a-t-il que très peu de harraga qui partent de Kabylie ? On les voit à l'Est, à l'Ouest, mais jamais de Kabylie. Les réponses sont aussi diverses que les raisons de partir : Contrairement à ce que l'on pense généralement, la Kabylie est la plus éloignée de l'Europe. La traversée est donc plus difficile. Les Kabyles ont très peur de la mer, c'est inscrit au fond de leur inconscient collectif. Les Kabyles partent en avion quand ils vont en Europe. Les Kabyles sont très attachés à leur terre. Au bout de quelques verres et d'une demi-heure passée, Kawter, la seule avec Amel qui n'ont pas eu droit au Ricard, remarque que la barque file toujours vers l'est, en longeant la côte. Elle demande en se levant du fond de la barque : C'est la bonne direction ? On ne devrait pas plutôt aller vers le nord ? Si si, répond calmement Mohand. Mais on va chercher quelqu'un à Tichy. … A suivre.