L'embuscade qui a coûté la vie lundi dernier à 10 soldats français à moins de 50 km de Kaboul, est une illustration de la nouvelle stratégie d'encerclement de la capitale par les taliban, auparavant cantonnés dans leurs bastions du sud et de l'est de l'Afghanistan. Quelque 100 insurgés ont tendu, lundi, une embuscade meurtrière à une patrouille de reconnaissance française, dans le district de Saroubi, à 50 km à l'est de Kaboul, a indiqué la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) de l'Otan, dans un communiqué. Dix soldats ont été tués et 21 autres blessés au cours des combats, lors de la journée la plus meurtrière pour les forces internationales en Afghanistan depuis le début de l'année et depuis l'attentat du Drakkar à Beyrouth en 1983 (58 morts) pour l'armée française. La présence inédite de taliban dans ce district, témoigne de leur tentative progressive d'encercler la capitale et de multiplier les opérations dans ses environs. D'après le conseil de Senlis, un groupe d'étude indépendant, les taliban multiplient leurs activités dans les provinces de Wardak et de Logar, à l'ouest et au sud de Kaboul, dans le cadre d'une « marche sur la capitale ». « Plus de la moitié de la province de Wardak, à 45 mn de voiture de Kaboul, est sous le contrôle des taliban », estime le groupe, dans un rapport paru en juillet. Dans la province de Logar, ce sont trois humanitaires canadiennes et américaines qui ont été tuées à bout portant, mercredi, avec leur chauffeur dans une embuscade, à moins de 50 km au sud de la capitale. « Si vous étudiez ce qui s'était passé durant la guerre contre les Soviétiques, Kaboul était encerclée par les moujahidine et nous voyons se reproduire la même chose », a jugé Haroun Mir, du Centre de recherche et d'études politiques pour l'Afghanistan. « La stratégie d'encerclement de Kaboul a été développée de longue date et maintenant le gouvernement est incapable de l'empêcher. Il y a aussi de nombreuses attaques contre les convois logistiques entre Kaboul et Jalalabad (est) », a-t-il ajouté, faisant état d'une alliance entre taliban, al Qaïda et le groupe de l'ancien chef de guerre Gulbuddin Hekmatyar. Le retour des taliban autour de la capitale, qu'ils avaient prise à l'Alliance du Nord en 1996, s'explique par les maladresses de la coalition internationale, selon Habibullah Rafi, historien et analyste politique afghan. « Quand les Américains ont renversé leur régime, les taliban ont disparu dans la nature. Mais en raison des bombardements qui ont trop souvent causé des pertes civiles, ils ont réussi à trouver grâce auprès de la population, qui, si elle ne les aide pas, ferme les yeux. Petit à petit, ils ont ainsi progressé vers Kaboul », a-t-il souligné. Dans le même temps, les insurgés ont multiplié, depuis le début de l'année, des actions spectaculaires dans la capitale, comme l'attentat visant le 14 janvier le luxueux hôtel Serena ou la tentative d'assassinat du président Hamid Karzaï, lors d'un défilé militaire le 27 avril dernier. Lundi, les cérémonies de la fête de l'indépendance ont été réduites au strict minimum à Kaboul, sillonnée par plus de 7000 policiers déployés à la hâte, alors que l'armée américaine a fait état de « sérieuses menaces ». Au fur et à mesure de l'intensification des actions des taliban, qui comptent dans leurs rangs de nombreux jihadistes étrangers selon les autorités afghanes et américaines, l'Afghanistan rattrape progressivement et dépasse même l'Irak comme champ de bataille le plus dangereux de la « guerre globale contre le terrorisme ». En mai, juin et juillet, davantage de soldats sont morts en Afghanistan qu'en Irak, alors que les soldats étrangers déployés en Afghanistan représentent moins de la moitié du contingent international en Irak. Les taliban ont lancé une insurrection meurtrière depuis qu'ils ont été chassés du pouvoir fin 2001, par une coalition emmenée par les Etats-Unis. Les violences ont redoublé d'intensité depuis près de deux ans, malgré la présence de 70 000 soldats étrangers.