Quatre peines de 18 mois de prison ferme, sept de 6 mois ferme et six de 6 mois avec sursis (peine effective durant 5 ans) ainsi que des amendes de 5000 DA ont été prononcées, hier, par le tribunal d'Es Senia à l'encontre des prévenus d'El Karma. Ces derniers, interpellés suite aux émeutes enregistrées notamment dans cette localité dimanche dernier, devaient répondre de trois chefs d'accusation : rébellion, attroupement et destruction de biens d'autrui. L'un des accusés, ayant écopé de la plus lourde peine, a même eu un malaise et a chancelé quand il a entendu le verdict. Présentés individuellement à l'issue du procès qui s'est poursuivi jusque vers 16 h, certains (6) ont par contre été soulagés d'apprendre que la justice les a innocentés. Deux jeunes lycéens n'ont pas eu cette chance pour avoir écopé de 6 mois avec sursis. En tout, 23 citoyens ont été présentés devant le juge chargé de l'affaire qui les a auditionnés un par un durant une bonne partie de la journée. Durant ces interventions, ce dernier, ayant évoqué les antécédents judiciaires de quelques accusés, a notamment insisté sur l'inutilité de recourir aux actes de vandalisme ou aux manifestations pour privilégier les « manières civilisées », les voies légales de recours, mais aussi le dialogue pour régler les problèmes. « Si au moment des faits, tu n'étais pas chez toi et que tu ne t'es pas rendu à ton travail, tu participais donc aux manifestations », devait-il lancer face à l'un des accusés qui niait les faits qu'on lui reprochait. Parmi ceux-ci, beaucoup ont dit s'être retrouvés sur les lieux, c'est-à-dire au centre-ville ou à l'intérieur d'un café situé pas loin de la mairie et supposé servir de lieu de repli des émeutiers, par un pur hasard. Le gérant du café en question a d'ailleurs été cité à comparaître. Le représentant du ministère public a requis pour tous des peines de 2 ans d'emprisonnement. inquiétude Dans leur majorité, ces présumés émeutiers ont nié leur participation aux manifestations. Seuls quatre ont avoué y avoir participé pour crier contre l'injustice qu'ils ont constatée dans la distribution des logements. L'un d'eux se fait surnommer Ben Laden (un qualificatif prononcé par le juge lui-même). Un autre est secrétaire général de la section UNJA d'El Karma. Les quatre sont accusés de s'être réunis au siège de cette organisation avant de sortir avec la décision de manifester. La plaidoirie a été assurée par une défense formée d'une dizaine d'avocats constitués à titre individuel ou collectif. Le premier à intervenir a mis l'accent sur l'aspect social et non pénal de cette affaire et a demandé au juge de tenir compte des circonstances qui ont poussé des citoyens à manifester. « Les mis en cause ne se sont pas réveillés un matin et ont décidé ex nihilo de commettre des actes répréhensibles », s'était-il exclamé. La défense a également relevé le fait que les prévenus ont été arrêtés dans des lieux épars et à des heures différentes (la nuit par exemple). « Puisque la gendarmerie a donné officiellement un chiffre de 800 manifestants, comment pourrait-on alors se focaliser sur 23 personnes ? », s'est interrogé un membre du collectif de défense. On s'est également soucié de l'absence d'une partie civile et d'une expertise afin d'évaluer les dégâts supposés avoir été commis sur la voie publique ou sur les équipements électriques. Durant toute la journée et depuis les premières heures de la matinée, les familles qui se sont déplacées d'El Karma ont attendu dans la cour qui jouxte le tribunal, la salle d'audience s'étant avérée exiguë pour les contenir. Les familles s'inquiétaient car, hormis deux jeunes lycéens, les autres prévenus étaient déjà sous mandat de dépôt.