La justice européenne a donné, hier, trois mois à l'Union européenne (UE) pour informer un Saoudien et une fondation basée en Suède soupçonnés d'être liés à Al Qaïda des motifs du gel de leurs avoirs depuis 2001, sous peine d'annuler la mesure, résultant d'une décision de l'ONU. La Cour européenne de justice (CEJ) explique que les deux plaignants —Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation n'ont pu défendre leurs droits fondamentaux garantis par les traités communautaires, notamment celui d'« être entendus » lorsqu'ils ont contesté la décision. La Cour reconnaît que pour des raisons d'efficacité, on ne peut prévenir à l'avance les personnes visées que leurs fonds vont être gelés. Toutefois, énonce-t-elle, l'UE « est tenue de communiquer à la personne ou à l'entité concernée les motifs sur lesquels la mesure en cause est fondée dans toute la mesure du possible, soit au moment où cette mesure est décidée, soit, à tout le moins aussi rapidement que possible après cette décision, afin de permettre à ces destinataires d'exercer, dans les délais, leur droit de recours ». Ces droits doivent être respectés même lorsque l'UE applique des mesures adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies, souligne la justice européenne. Le Conseil avait ajouté en octobre 2001, peu après les attentats du 11 septembre, les noms de M. Kadi et d'Al Barakaat sur la liste des personnes et institutions associées à Oussama Ben Laden, à Al Qaïda ou aux taliban afghans. La Cour annule aussi la décision de son propre tribunal de première instance qui avait débouté les plaignants en septembre 2005. Si la CEJ conclut à la « violation » des droits de défense de M. Kadi et d'Al Barakaat, elle « n'exclut pas » que les mesures à leur encontre « puissent se justifier ». Elle n'annule donc pas immédiatement le gel des fonds de M. Kadi et d'Al Barakaat, mais le maintient pour encore trois mois « pour permettre au Conseil de remédier aux violations constatées ». L'UE, par la voix d'une porte-parole de la Commission, a réagi en indiquant qu'elle allait tâcher de se conformer à ce jugement dans les trois mois en « travaillant à la définition d'un cadre général » permettant aux « personnes visées d'être entendues » et à la justice de s'assurer que les droits de la défense sont respectés. Elle a indiqué vouloir « s'inspirer » des « améliorations » apportées par l'UE dans la procédure régissant l'inscription de personnes ou d'organisations sur sa propre liste « noire » du terrorisme, distincte de la liste qui résulte de l'application des sanctions prises par l'ONU. En décembre 2006, la CEJ avait retorqué la décision prise par l'UE en 2002 de geler les fonds des moudjahidine du peuple, des opposants iraniens et exigé que ce type de mesures soit désormais assorti des motifs les justifiant, obligeant l'UE à revoir la façon dont elle établit sa liste d'organisations et de personnes soupçonnées de contribuer au terrorisme. Un responsable européen a néanmoins souligné que la décision d'hier, qui touche à l'application de sanctions onusiennes, a des conséquences « au-delà de l'UE » et pourrait donc être plus difficile à respecter. La porte-parole de la Commission a d'ailleurs souligné que l'UE comptait sur la coopération des Nations unies pour respecter l'arrêt de la Cour.