Haïti n'a pas le temps de relever la tête. Il y a deux semaines, Fay, la tempête tropicale, a tué une quarantaine de personnes. Cette semaine, les ouragans Gustav et Hanna ont à leur tour causé plus de 600 victimes, selon un bilan encore provisoire. Et ce n'est pas encore terminé, puisque l'île attend le passage de Ike d'ici quelques jours. Le cinquième ouragan de la saison est aussi attendu aux Bahamas, à Cuba et dans le sud de la Floride d'ici à la fin de la semaine. Hier matin, les côtes du sud-est des Etats-Unis ont été touchées par Hanna, obligeant les Etats de Caroline du Nord et de Virginie à décréter l'état d'urgence. Cette succession d'ouragans, qui laisse impuissantes les autorités, partage les scientifiques. Certains assurent que la saison des ouragans se déroule « normalement », alors que d'autres voient dans leur récurrence et leur puissance les conséquences annoncées, voire des dépressions dégénérer en cyclones. Plus le climat change, plus les cyclones sont violents Cela ne fait plus de doute. Une nouvelle étude publiée, mercredi dernier, par la revue britannique Nature avance que l'intensité des cyclones les plus violents augmente parallèlement au réchauffement des océans. Les scientifiques ont relevé des tendances à la hausse dans les valeurs maximales estimées des vents des plus puissants des cyclones tropicaux, dans chaque bassin océanique, avec l'augmentation la plus importante pour cette catégorie dans l'Atlantique Nord. Plus le climat change, plus il y a de cyclones Les scientifiques sont partagés. La dernière étude publiée dans Nature précise qu'une augmentation de 1°C de la température de surface des océans « entraîne une augmentation de la fréquence globale des cyclones forts qui passent de 13 à 17 par an », soit une hausse de 31%. Mais les scientifiques, qui commencent à peine à comprendre ces phénomènes extrêmes, ne sont pas tous d'accord. Entre 1971 et 1994, un ou deux cyclones majeurs étaient enregistrés chaque année sur l'Atlantique Nord. De 1995 à 2005, on a dépassé les quatre. 2005 a battu tous les records, avec pas moins de 15 cyclones recensés, dont Katrina et Stan. Pour autant, disent certains, établir un lien direct entre réchauffement et augmentation du nombre des cyclones est une vue trop simpliste. Les scientifiques qui défendent cette thèse s'appuient sur les données concernant l'Atlantique, mais cette région ne contribue que pour 15% au nombre total de cyclones. Et dans le Pacifique, la région la plus affectée, la fréquence des cyclones est en diminution. C'est le réchauffement des océans qui est en cause Oui, car un cyclone se forme en mer : il a besoin que la température de l'eau soit supérieure à 26°C sur une épaisseur d'au moins 50 m. Plus elle est élevée, plus elle favorise son évaporation d'où l'ouragan tire son énergie. « Dès qu'il pénètre sur les terres ou se dirige vers des eaux froides, comme il n'est plus alimenté par la vapeur des eaux chaudes, les vents s'affaiblissent », précise le climatologue. Selon le quatrième rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), les températures moyennes à la surface du globe devraient s'élever de 1,8 à 4°C d'ici à la fin du siècle. Même si cette moyenne ne s'applique toutefois pas aux océans, plus lents à se réchauffer que l'atmosphère, l'impact d'un légère hausse de la température de l'eau sur le climat est considérable. Des cyclones tropicaux peuvent-ils se former en Méditerranée ? Il faut s'y attendre. C'est ce qu'a récemment expliqué Miguel Gaertner, un chercheur en sciences de l'environnement de l'université de Tolède (Espagne). En combinant des données relatives à la formation des cyclones et celles liées à l'augmentation de la température de l'eau en Méditerranée, il a mis au point une simulation informatique de l'activité météorologique des prochaines années en Méditerranée. Les résultats, publiés dans la revue de l'American Geophysical Union, montrent qu'une élévation de 2 ou 3 °C de la température de l'eau d'ici à 2050, ce qui est conforme aux prévisions, pourrait engendrer des cyclones de type tropical. Un premier signal d'alarme a eu lieu en octobre 2005, lorsqu'un cyclone avec des vents de 150 km/heure a menacé les côtes du Portugal et de l'Espagne. Formé au large de Madère, ce cyclone a finalement épargné la péninsule ibérique qui n'aura eu à subir que des pluies diluviennes. « Dans un contexte de réchauffement climatique, tout peut arriver, appuie Djamel Boucherf, climatologue à l'Office national de la météo. La Méditerranée est réputée comme une zone de forte cyclogenèse, processus à l'origine de la formation de perturbations. L'augmentation de la température à la surface de la mer rend tout à fait possible la naissance de fortes dépressions, comme celle à l'origine des inondations de Bab el Oued en 2001, voire de petits cyclones. » Un autre phénomène fréquent en Méditerranée, appelé « retour d'est », au cours duquel la perturbation se trouve coincée entre l'anticyclone des Açores à l'Ouest et celui de Sibérie à l'Ouest, peut par ailleurs rendre l'épisode très violent, puisque la perturbation en tournant sur elle-même s'alimente de plus en plus en énergie et peut ainsi menacer les côtes pendant une semaine à dix jours.