Les touristes et visiteurs qui apprécient cette belle région ignorent souvent les péripéties de son passé. L'épopée de la résistance politique et militaire des populations du sud-ouest, documentaire-fiction écrit et réalisé par Larbi Lakehal, après plus de dix ans de recherches, constitue un hymne et une mise à jour des combats des populations de cette région contre la pénétration coloniale française durant la période, très peu connue, allant de 1855 à 1935. Ce documentaire a été projeté dernièrement à la Maison de la culture de Béchar dans des conditions lamentables, faute d'équipements de projection viables, ce qui a fait dire à quelqu'un parmi l'assistance que les projections des tout premiers films des frères Lumière devaient être meilleures que celle-ci ! Si le public a pu accueillir favorablement cette réalisation, c'est en fait grâce à sa diffusion par la télévision nationale qui a permis à des milliers de téléspectateurs de découvrir une œuvre complète, sincère et militante. De même, elle a mis en valeur le talent du réalisateur et sa maitrise des techniques cinématographiques du documentaire. Cela apparaît dans la mise en scène des moments forts de l'histoire de la région et des différentes péripéties du combat mené par les populations, notamment le siège de la ville de Taghit, la bataille d'El Moungar et l'embuscade contre la colonne du Général Clavery, abattu en 1928, à quelques kilomètres de la sortie de Taghit. Le documentaire, produit avec le soutien de l'évènement « Alger 2007, capitale de la culture arabe », se distingue notamment par des reconstitutions assez fidèles, réalisés avec des moyens limités et portant à l'écran des comédiens amateurs. Le réalisateur a pu ainsi « donner vie » aux principaux événements historiques à l'origine de l'organisation de la résistance armée contre la pénétration coloniale. On peut citer ainsi la réunion historique des chefs des zaouïate de la région tenue à Kenadsa en 1868, ainsi que la bataille d'El Moungar du 2 septembre 1903, la grande bataille pour la prise du ksar de Béchar la même année, le siège précité du ksar de Taghit occupé par l'armée française et bien d'autres hauts faits d'armes s'inscrivant dans la grande mouvance des insurrections populaires du début du XXe siècle et qui venaient poursuivre le combat entamé auparavant par l'Emir Abdelkader, El Mokrani, Cheikh Bouamama et d'autres encore. Le réalisateur porte un regard incisif sur les intrigues du général Lyautey. De même qu'il s'intéresse à des personnages venus dans la région avec des intentions selon lui sombres, tel le père de Foucauld ou encore Isabelle Eberhard à travers son séjour à Kenadsa ou elle écrira une partie de son œuvre littéraire. L'intérêt de la France coloniale pour les territoires du sud-ouest du pays est largement décortiqué. On y découvre ainsi les expéditions des explorateurs français et occidentaux, notamment Duveyrier, Bath et de Vogel qui mettront à la disposition de la puissance coloniale les informations nécessaires pour entreprendre l'occupation de cette immense région : géographie, sociologie, ressources en eaux, inventaire précis des richesses naturelles, etc. Rien ne sera négligé par la suite par la France pour coloniser ces territoires. Le cardinal Lavigerie, le colonel Colomb, le général Wimpffen et bien d'autres grands noms de la France coloniale apparaissent ainsi dans la galerie de portraits à la tête de milliers d'hommes armés jusqu'aux dents et ne reculant devant aucun acte. Le massacre de paisibles tribus de nomades et ksouriens qui voulaient résister à l'occupation par la force de leurs terres est ainsi mis en exergue dans ce docu-fiction. Pour son réalisateur, lever la voile sur une partie de l'histoire du pays est pour moi un devoir. Il précisera en outre : « Mon travail ne vise nullement à se substituer à celui des historiens qui doivent se pencher sur la question et faire ressortir les sacrifices consentis par l'ensemble des composantes des populations des régions du sud-ouest pour résister à la colonisation de leurs territoires. » Dans la région, en dépit des moyens sommaires de combat, l'union s'est construite dans le prolongement des étendards de l'Emir Abdelkader et du cheikh Bouamama qui disposaient d'une forte influence sur les tribus et les populations des ksour. Cet engagement sera honoré durant la guerre de Libération nationale où des centaines de djounoud et officiers de l'ALN de la région tomberont au champ d'honneur. Deux autres parties du documentaire abordant les périodes 1935-1954 et 1954-1962 sont en préparation et traiteront de l'émergence du mouvement national à travers la mobilisation politique des populations et la préparation et le déroulement de la révolution du 1er Novembre 1954. Les tournages seront prochainement entamés dans la région. La médaille d'or décrochée par cette œuvre lors du 10e Festival des productions de radios et télévisions arabes à Manama (Bahreïn), au mois de mai dernier, est venue encourager le réalisateur et son équipe.