Nadir Dendoune, 35 ans, journaliste à France 3 a un goût prononcé pour l'aventure, les grands espaces et l'extrême. Avec toujours un sens, un but, un engagement. C'est ainsi qu'il s'est lancé le défi, accompli, d'escalader l'Everest. Ce défi avait un but, se retrouver soi-même, dans son, ses identité(s) : celle d'un enfant du 93 (la Seine-St-Denis) et des racines algériennes. Bluffant les organisateurs de l'ascension de l'Everest, Nadir Dendoune leur fait croire qu'il est rompu à l'alpinisme, alors qu'il n'a aucune expérience de la haute montagne. « J'ai présenté un CV dans lequel j'ai fait référence au Mont-Blanc, au Kilimandjaro. » Pour atteindre son but. « Je voulais monter sur le toit du monde pour être en paix, pour voir clair avec mes identités. » « Pour la première fois, au sommet de l'Everest, j'ai dit que j'étais Algérien, né en France. Je suis autant Français qu'Algérien. J'étais fier de brandir mon algérianité, là où elle a peu de chances d'être manifestée. Je l'ai fait pour rendre hommage au pays de mes parents, que je ne connais pas, c'était une façon de me rapprocher de ce pays, de dire merci à mes parents. » « Je me sens, depuis, plus à l'aise avec mon identité algérienne grâce à l'Everest », nous dit Nadir Dendoune. « Je voulais vaincre des clichés. Je désirais montrer à tous, aux jeunes des cités, que les Français issus de l'immigration sont partout à leur place. » « Il faut qu'on perde nos complexes », ajoute-t-il. « Beur ». Il n'aime pas ce terme, « Ca m'énerve, je suis Français, je veux qu'on me traite comme n'importe quel Français. » Ce qu'il reste de cette aventure : « Je me suis rendu compte que je suis fier de mes deux identités, que je ne veux pas choisir. Je suis des deux. Jeune, j'avais honte de mes origines, honte de dire que mon père est venu dans le pays du colonisateur, aujourd'hui, avec l'âge et la maturité je les assume. » Né en Seine-St-Denis, dans une banlieue dite « difficile », Nadir a connu les affres de la petite délinquance, tâtant de la prison, le laps de quelques semaines. « La délinquance n'est pas une fatalité », dit-il et il le prouve. « J'avais 20 ans, j'étais au bord du gouffre. Un animateur, Salah, bac + 5, qui lisait Platon, nous emmenait voir des pièces de théâtre, des expositions. Il m'a donné le goût de la lecture. » Nadir forme le projet, avec un copain, d'aller en Australie, à vélo. Ce qui le conduira à réaliser, en huit mois, un tour du monde pour sensibiliser contre le sida, dont étaient morts quelques-uns de ses copains. C'était en 1993. Les deux jeunes gens obtiennent une bourse de 15 000F du ministère de la Jeunesse et des Sports, et 20 000 F de la ville. Un couscous-party (préparé par sa mère, pour 100 personnes) et une pizza-party, leur permettent de compléter leur budget. Ayant perdu des copains d'enfance, morts du sida, ce voyage a été un vrai déclic. « En France j'avais une vie de m… C'est à Sydney que je suis devenu Français. Par le regard de l'autre. » Trois mois plus tard, Nadir retrouve la Seine-St-Denis. Il s'inscrit en Deug de communication. Puis il repart en Australie pour sept ans. Il obtient la nationalité australienne en 2001. « J'avais l'impression d'être reconnu, là-bas. Je me sentais valorisé comme un être à part entière. » Retour en France le 3 mai 2001, à deux jours des élections présidentielles. « Je suis revenu plus vite pour voter contre Le Pen. » Il a fait partie du groupe de « boucliers humains » contre la guerre en Irak. En 2004, il se présente au concours, très sélectif, du Centre de formation des journalistes (rue du Louvre), le sésame de la profession. Il n'y avait qu'une place, il l'obtint. « J'ai dit les choses clairement, à savoir que j'en avais assez qu'on stigmatise la banlieue. J'ai été retenu. » « Les premiers jours j'étais mal à l'aise dans ce milieu qui n'était pas le mien. » Il en sort, diplômé. « Ces deux années ont été les plus belles de ma vie. » Nadir Dendoune a écrit deux livres dont Lettre ouverte à un fils d'immigré (adressée au président Sarkozy), le troisième qui sera édité par Calmann Levy est en cours. Il porte sur son aventure de l'Everest. A noter que le Centre culturel algérien abritera dans les prochaines semaines une exposition de Nadir Dendoune composée d'une quarantaine de photos sur son aventure hymalayenne.