Au cœur de la cité active une association caritative qui attire beaucoup de nécessiteux. Ayant élu temporairement domicile au siège de l'association Es Saadia des arts et de la culture, que préside le chantre du chant Oranais moderne, l'inamovible cheikh Mohamed Tahar, elle aura totalement transformé le local qui sert habituellement à l'apprentissage du solfège. Dès l'entrée dans cet ancien temple protestant, on est happé par les odeurs de la coriandre et des épices qui se dégagent d'une grosse marmite où mijote une onctueuse « H'rira ». Le regard espiègle de Aïcha, la maîtresse des lieux, ne laissant rien au hasard, il n'est pas facile de croiser quelqu'un de désoeuvré dans le groupe de choc qu'elle aura réussi à former afin de venir en aide aux personnes dans le besoin, notamment durant le mois de ramadhan qui prend ici toute sa signification de mois de piété et de partage. Car pour Aïcha et son groupe de choc, c'est aux premières lueurs du jour que commence la quête d'un repas le plus élaboré qui soit. En effet, contrairement à d'autres associations qui offrent souvent un service dérisoire, au Club des Arts, c'est un peu le nec plus ultra. Lors de notre visite, nous y avons croisé une autre collègue à Aïcha, venue depuis la cité du 5 juillet où elle entretient également un restaurant de la « Rahma ». Son histoire à elle est très particulière. Fille unique du chahid Bordji Amor, elle s'est entièrement consacrée à l'action caritative. Dons son local, malgré l'indigence de l'aide publique, elle assure pas moins de 150 repas. Pourtant, elle ne cache pas sa fierté de voir le travail accompli par sa collègue du centre-ville. C'est elle qui nous apprend qu'il existe une certaine coordination entre les associations activant dans le soutien et l'assistance aux plus démunis. Menu copieux Aïcha, que tout le monde attend, arrive enfin au local. Il est à peine 11 heures du matin et elle est déjà exténuée. Elle arrive directement du port où elle aura obtenu quelques casiers de poissons dont elle fera un repas pour ses pensionnaires. Malgré la fatigue, elle ne cache pas sa fierté d'offrir à chaque repas un menu copieux et varié. Immédiatement, les bénévoles entament la préparation du repas, pendant que d'autre réceptionnent les paniers de pains que des boulangers orientent sans discontinuer sur ce centre. Les premières odeurs de la coriandre commencent à embaumer l'atmosphère, tandis que le défilé des femmes se fait de plus en plus dense. Entre celles qui viennent chercher simplement un sachet de lait et 4 baguettes de pains, il y celles qui viennent pour la première fois s'inscrire pour bénéficier de la prestation. Sans jamais se départir de sa bonne humeur, Aïcha tente de calmer les esprits qui s'échauffent pour un rien. Sa principale préoccupation concerne le repas du F'tour qui regroupe chaque soir une quarantaine de personnes. Dès 17 heures, la table est mise et les premiers clients commencent à prendre place sur des bancs. Le plus étonnant, c'est la présence de familles entières ; elles viennent avec leurs enfants. Une situation qui n'avait pas été prévue par les organisateurs. Car de par sa position, ce restaurant devrait en principe servir surtout les voyageurs et les passants. Mais très rapidement, ce sont plusieurs familles qui ont pris goût et n'hésitent plus à s'y déplacer au complet. Ce qui est remarquable dans cet espace exigu, c'est la sérénité qui s'en dégage. Les tables entreposées en « U » sont toutes occupées. Dans un silence parfait, les présents entament calmement le repas chaud. Cette grande famille d'infortune ne se retrouve qu'à la rupture du jeûne. Demain, on verra probablement de nouvelles têtes anonymes qui, le temps d'une chorba, n'auront échangé qu'un regard furtif avec le voisin d'un soir.