Reportage réalisé par notre envoyée spéciale à Doha (Qatar) Badiaa Amarni Ce n'est pas encore l'été et déjà les climatiseurs fonctionnent. C'est que, dans les régions du Golfe, la chaleur est suffocante. A Doha, la capitale qatarie, le temps est à un soleil très fort déjà. Le ciel toujours voilé a une couleur jaunâtre. Une espèce de vent de sable qui n'en est pas un. Les citoyens rencontrés, ou plutôt certains Algériens, résidant dans ce pays depuis peu, affirment qu'on n'aperçoit jamais le bleu du ciel. Des affirmations teintées d'un certain regret dans la voix. Mais le choix a été fait. Changer de pays pour réussir, aller de l'avant et gagner mieux sa vie. En un temps réduit, le Qatar a pu attirer d'innombrables communautés étrangères sur son sol, y compris des Algériens nombreux à venir s'y installer. Beaucoup participent à l'édification de ce pays. Un pays, faut-il le dire, qui est en train de se moderniser à tout point de vue. Des tours et des buildings en verre et en acier poussent comme des champignons dans cette nouvelle cité. Ils émergent de partout dans les quatre coins de la ville, abritant des centres d'affaires ou d'achats, et même des hôtels haut standing. Doha est un véritable chantier à ciel ouvert. Des projets immenses sont en train de prendre forme, notamment le projet touristique El Louaalouaa (la perle) déjà vendu à des privés avant son achèvement. Les pancartes publicitaires annonçant ce projet grandiose sont partout. Le visiteur de Doha ne peut pas ne pas succomber au charme et à la beauté saisissante de sa corniche d'où l'on peut admirer la mer qui prend des couleurs différentes au gré des jours et des heures. Parfois, c'est le bleu turquoise, et d'autres fois encore la surface de l'eau se teinte de vert. De nombreuses personnes font du jogging tout le long de cet espace aménagé en pelouse alors que d'autres se contentent de se balader ou de faire du pique-niquer sous les palmiers géants qui se dressent majestueusement vers le ciel. La détente est au rendez-vous dans cet espace ou à plusieurs endroits des bateaux de plaisance, les «dhows», sont accostés, permettant aux touristes et aux visiteurs de faire un tour pour mieux admirer la baie de Doha, l'une des plus belles au Golfe. Les «dhows» sont les traditionnels bateaux en bois qu'on trouve partout dans le Golfe. Le mot est dérivé du swahili «dau», qui signifie bateau de pêche. Pour organiser votre balade maritime, vous pouvez soit vous rendre sur la corniche, où vous aurez le choix entre plusieurs bateaux à quai, soit vous pouvez vous adresser à un tour operator qui l'organisera pour vous. Tous proposent des tournées privées, où l'on peut apprécier un barbecue, écouter de la musique, aller nager ou encore pêcher. Les touristes davantage intéressés par la pêche peuvent louer un petit bateau à la journée ou à la demi-journée. La quasi-totalité des grands hôtels et tours operators proposent ces excursions. Villagio, la Venise qatarie Le Qatar est un pays qui avait pour vocation première la pêche et la culture des perles, alors quoi de plus normal que de constater à travers toute la ville la présence de plusieurs coquillages. Des coquillages à perles dédiés à la mémoire de cette culture qui continue encore à faire les beaux jours de ses pêcheurs et de l'émirat malgré la découverte de l'or noir, le pétrole, devenu l'une des principales richesses du Qatar. Conscients que la richesse pétrolifère est des plus éphémères, les responsables du pays ont axé plutôt les efforts sur le tourisme. Un choix économique qui se taille de plus en plus de larges parts dans les économies d'un grand nombre de pays. Des hôtels des grandes chaînes internationales sont édifiés dans le pays, à l'exemple du Sheraton ou du Movenpick. Ces établissements touristiques ne désemplissent pas à longueur d'année. De nombreux étrangers y séjournent, venus de tous les coins du globe pour découvrir un pays jeune qui se développe à une vitesse vertigineuse, et explorer ses multiples richesses et atouts notamment touristiques. C'est justement le cas du Villagio. Une copie conforme de Venise, la célèbre ville italienne. Une fois le grand portail franchi, et au milieu de deux allées, un fleuve artificiel prend naissance à l'entrée même du village. Les Qataris et les touristes s'y rendent, chaque jour, pour se balader sur ses berges ou pour embarquer sur l'une des gondoles mises à leur disposition. Les bâtisses peintes en couleur crevette et blanche aux balcons fleuris, servent de boutiques pour de grandes marques, entre autres «Massimo Dutti», «Zara», et «Mango» et à de grands centres de shopping. Un ciel artificiel bleu clair et aux nuages blancs couvre l'ensemble. Dans la journée, les nuages bougent. Le fameux pont des Soupirs vénitien est dressé sur le fleuve. Les escaliers sont en brique rouge. Mais guère d'amoureux en ce début de soirée. Mis à part quelques bandes d'amis sirotant des cafés, l'endroit est vide. Et même les gondoles ne circulent plus. C'est qu'au Qatar, boutiques et commerces ferment tôt. Différentes infrastructures sont mises en place, entre autres, une grande patinoire où se jouent des parties de hockey sur glace. Des chaises sont disposées tout autour pour permettre aux spectateurs de suivre les matches. Nombreux sont ceux qui se rendent au Villagio pour se distraire, faire des achats, ou s'attabler pour siroter un thé ou encore pour s'offrir un copieux repas. Le Villagio est indiscutablement un endroit convivial fréquenté notamment par les étrangers. Un Algérien rencontré sur place nous a confié qu'une semaine ne se passe pas sans qu'il vienne se distraire et se changer les idées. «J'adore tout simplement ce coin», dit-il en deux mots. «Le Villagio m'inspire, et je le compare à Venise», confie-t-il encore. En plus de ce site, Doha peut s'enorgueillir de plusieurs autres trésors qu'elle livre à ses visiteurs comme c'est le cas du vieux souk. Souk Ouakef ou l'ancien marché de vente à la criée Endroit historique construit en 1814, Souk Ouakef a été rénové, en 2004, pour en faire une sorte de musée à ciel ouvert où se rencontrent les citoyens de toutes les nationalités. Des boutiques d'artisanat proposent aux visiteurs différents souvenirs, des porte-clés sous forme de chameaux, des tapis de style ancien et même des instruments de musique, le «rabab» utilisé au temps des grandes soirées animées par de brillants poètes et chanteurs arabes. Dans ce souk, notre regard est attiré par un restaurant au nom de «Bismillah». C'est le premier hôtel du coin, nous dit-on, transformé, aujourd'hui, en restaurant mais gardant encore son cachet authentique, notamment sa porte en bois. A Souk Ouakef, des bandes d'amis autour de mets succulents de différentes gastronomies du monde passent du bon temps avec le narguilé, «renguila ou la chicha», en langage commun. En longeant la seule allée principale revêtue de carrelage ancien, nos narines sont agréablement chatouillées par les odeurs suaves diffusées par le narguilé, prisé dans tout l'Orient, de même que par les odeurs des plats cuisinés dans les nombreux restaurants à l'exemple de celui d'«Istanbul» avec la spécialité turque, le «tadjine» avec la cuisine marocaine, ou encore «el adhamia» qui sert des plats irakiens, et «el rokn el yemeni» pour la cuisine yéminite. Dans ce dernier coin, le décor est remarquable. Des tables et des chaises en osier sont dressées çà et là où de nombreux habitués se sont tranquillement attablés pour manger leurs plats préférés, notamment la chorba avec le pain traditionnel. Des thés pour mieux digérer et le temps pour fumer le narguilé soigneusement préparé par le serveur habillé en traditionnel. Le temps est à la détente après une longue journée de labeur. Beaucoup d'Algériens immigrés dans ce pays se rencontrent dans ce restaurant et bien d'autres encore, histoire d'oublier «l'exil» forcé pour nombre d'entre eux. «Je n'avais pas les moyens de bien vivre dans mon propre pays, c'est dommage», nous dira un ressortissant algérien. «Ici, je gagne mille fois mieux ma vie», enchaîne-t-il. Même si notre interlocuteur dispose d'un véhicule de luxe, un 4x4, et d'un logement, en plus d'un salaire décent, l'ambiance familiale doit lui manquer terriblement. Même s'il ne le dit pas, on peut aisément le lire dans ses yeux et dans son regard perdu à la seule évocation des parents et de la famille. «On ne quitte jamais son pays, le cœur joyeux», lance encore notre jeune qui avoue que son cabas n'est pas encore défait et qu'à chaque fois, il est tenté de rentrer au pays mais... Souvent, c'est pour vivre plus à l'aise et assurer surtout leur avenir et leur vie, en plus d'aider un peu leurs parents que les jeunes optent pour le départ à l'étranger. Certains sont partis, car ils n'ont pu se faire à l'idée de voir leurs parents vieillir sans pour autant leur rendre un peu du sacrifice qu'ils ont consenti pour les faire vivre et les éduquer. Ils se sont obstinément refusés à jouer aux victimes et à grandir les rangs des cadres sans aucun avenir ! Beaucoup de journalistes rencontrés sur place ont quitté l'Algérie pour Doha depuis le mois d'août dernier. Ayant travaillé des années durant dans la presse nationale, ces jeunes ont saisi l'opportunité qui s'est offerte à eux en tentant leur chance ailleurs. Ils s'en sortent plutôt bien, et gagnent 10 fois plus qu'en Algérie. Avec de meilleurs salaires, ils appréhendent plutôt bien l'avenir. Beaucoup d'entre eux projettent même de se marier cet été. C'est le cas de Yacine qui nous demande notre avis sur une robe blanche exposée dans une des nombreuses vitrines de la ville. C'est dire que le manque de moyens y est pour beaucoup dans le célibat forcé de beaucoup de jeunes Algériens. Tant mieux pour nos jeunes ressortissants qui ont tracé leur voie dans la vie. Souvent à Souk Ouakef, surtout les week-ends, on peut assister à des danses folkloriques appelées «El Arda». Deux genres existent. Il s'agit d'El Arda, danse avec épées et tambours propre aux habitants du littoral, et l'autre, El Arda traditionnelle, exécutée seulement avec des épées et des chants sans le tambour. Ces exhibitions attirent beaucoup de monde et toutes les délégations officielles qui se rendent au Qatar, passent inéluctablement par ce vieux souk, apprend-on sur place. Au rayonnement du Centre de connaissance de l'islam Le Qatar c'est aussi le carrefour du rayonnement de l'islam. L'exemple le plus édifiant reste le Centre de connaissance de l'islam. Inauguré cette année, et plus précisément le 13 janvier 2008, ce centre emploie pas moins de 120 employés. Son rôle principal, c'est de transmettre la lettre de l'islam, et d'expliquer les préceptes de cette religion aux non-musulmans. D'ailleurs, le nombre des étrangers qui adoptent la religion du Prophète Mohamed (QSSSL) s'accroît. Le chargé de la communication au niveau de ce centre nous apprend que 30 000 visiteurs ont fréquenté cette structure l'année dernière. Toujours au cours de cette même année, ce sont au total 800 personnes non musulmanes qui se sont converties à l'islam. Pour être plus au fait de cette réalité, un des responsables du centre atteste que, pour une seule journée, 57 étrangers sont devenus musulmans. Cet établissement est le seul dans la région à être érigé sous forme d'une tour en spirale. Il n'en existe de similaires qu'en Irak et en Egypte. Différentes activités sont dispensées dans cet établissement, entre autres l'apprentissage de la langue arabe qui est une courroie de transmission et de contact avec les ressortissants étrangers. Parmi ces derniers, ce sont les ressortissants asiatiques, surtout les Philippins qui se convertissent le plus facilement à la religion musulmane, explique-t-on encore. Des expositions en langue anglaise sont aussi au rendez-vous dans ce centre. Des affiches géantes et des images audiovisuelles diffusées sur des écrans télévisés sont des supports de contact avec les visiteurs. Au centre de la grande salle est exposée une grande copie du plus vieux Coran précieusement rangé dans un coffret en verre. Cette copie remonte à plus de 1400 ans, et est attribuée à Othmane, 3e kalife de l'islam. «Ce livre donne une preuve au monde entier sur le fait que le Coran n'a pas été falsifié», indique l'une de nos sources. Lors de notre passage par cet établissement, nous avons été agréablement surpris de découvrir l'art du dessin sur l'eau. L'artiste, dans un récipient carré plein d'eau, dispose des points de peinture sur toute la surface. Cela peut paraître bizarre au début, mais on ne peut s'empêcher de suivre ses mouvements. Ce n'est pas du tout un temps gâché, car, en fin de parcours, on peut voir surgir de l'eau un beau tableau. Après avoir achevé de mettre différentes figures de peinture sur l'eau, l'artiste qui est de nationalité turque, met sur la surface de l'eau un papier dessin qu'il retire aussitôt en absorbant le dessin exécuté avec brio. A la fin de cet exercice, les personnes ayant assisté ont applaudi avec force le peintre, en guise de reconnaissance de leur avoir fait découvrir un art qu'ils méconnaissaient. L'établissement «Qatar pour l'éducation et les sciences» est aussi l'un des grands projets concrétisés dans la région. Localisé à Doha, cette structure est présidée par Mouza Bent Nasser El Messned. On y trouve les plus grandes universités du monde dans lesquelles sont dispensées différentes spécialités, la médecine, les sciences, en plus de la faculté qatarie des sciences islamiques. Créé, en 1995, cet établissement est doté de centres très développés de recherche, et d'une association caritative appelée «les mains tendues vers l'Asie», présidée par Meyassa Bent Hamed Ben Khalifa El Thani, fille du prince du Qatar. Nul doute, ce jeune émirat est en grande mutation. On voit aisément la différence entre l'ancien Doha et la nouvelle cité moderne qui, malgré les tours de verre et d'acier, garde à certains endroits le caractère authentique de la ville.