Triste sort que celui réservé en une semaine à deux établissements censés accompagner les agriculteurs dans leurs efforts de développement du secteur dans le cadre du Plan national de développement de l'agriculture (PNDA). Ainsi, après la mise sous administration des activités de la banque de la Cnma, pour des raisons que l'opinion ignore toujours, c'est au tour de la Société algérienne de leasing mobilier (Salem), un établissement qui finance l'acquisition des équipements (agricoles), de se voir retirer son agrément par le Conseil de la monnaie et du crédit et d'être mise en liquidation, par la commission bancaire. Créée en juin 1997, cette société par actions (SPA), détenue par Cnma, Badr, Cpa et Cnep, avait pour activité le financement sous forme de leasing de matériel agricole produit en Algérie. Etant donné le bilan catastrophique arrêté par les gestionnaires, au 31 décembre 2007, et le refus de ses actionnaires de le recapitaliser, la décision de mettre fin à ses activités a été prise par le chef du gouvernement. La demande de restitution de l'agrément introduite le 16 septembre 2008 par les actionnaires auprès du Conseil de la monnaie et du crédit a été acceptée et le 25 de ce mois, la commission bancaire a désigné un liquidateur pour gérer les opérations de mise en liquidation. Pour M. Benarbia, directeur général de cet établissement financier, il ne s'agit pas de « sanction mais de mesure inévitable vu son bilan très délicat ». Il a indiqué que les actionnaires ont refusé de le recapitaliser et « la suite était inévitable ». Pour ce qui est du bilan négatif de Salem, M. Benarbia le justifie par l'environnement dans lequel évolue l'établissement. « L'agriculture est un secteur sensible. La réussite des opérations de financement du matériel agricole dépend des conditions climatiques et la Salem, contrairement à l'Ansej, qui bénéficie d'un fonds de garantie, ne dispose pas de mécanismes qui la protègent de ces risques. C'est le cas d'ailleurs de tous les instruments de financement du secteur agricole. Par exemple, lorsque dans le cadre du programme du PNDA nous finançons une moissonneuse-batteuse. Au bout de trois ou quatre ans et quand les conditions météo ne sont pas favorables, il y a baisse de production. De ce fait, l'agriculteur aura des difficultés à honorer ses créances. Si nous lui appliquons la règle de la saisie du matériel pour non-respect des échéances, le matériel ne nous rapportera même pas un dixième de sa valeur. La Salem est victime de ces aléas climatiques, contre lesquels elle n'est pas assurée », a déclaré M. Benarbia. Selon lui, l'établissement a financé 3500 projets, et « un millier a connu un échec. Ses activités seront reprises par la Badr et une partie de son personnel redéployé ». Pourtant, certains cadres de l'établissement contestent le nombre des projets n'ayant pas abouti. Ils affirment que « la faillite de l'établissement est due essentiellement à une mauvaise gestion des opérations de financement des projets, dont 3000 ont connu un échec total ». Nos interlocuteurs précisent que les activités de la Salem « auraient pu connaître une totale réussite, si les dossiers et surtout le choix des bénéficiaires avaient été bien étudiés. Des sommes colossales ont été dépensées dans des projets qui n'ont jamais vu le jour. La situation était telle qu'elle a fini par mener droit vers la liquidation, laissant à l'Etat une lourde ardoise ». De son côté, le syndicat de l'établissement, représenté par sa secrétaire générale, Mme Boukort, semble dans l'expectative. « Nous voulons que les 82 salariés de la Salem soient juste redéployés pour éviter leur mise au chômage. Ces salariés n'ont pas à assumer les erreurs de gestion des responsables », note Mme Boukort. En fait, précisent nos sources, cette situation rappelle étrangement celle qu'a connue la Générale des concessions agricole (GCA), à travers ces enveloppes importantes distribuées pour financer des projets fictifs ou n'ayant jamais été réalisés, dans le cadre... du développement agricole. De nombreuses personnalités du système ont été mises en examen dans le cadre de cette affaire, mais à ce jour l'opinion publique ne sait toujours pas comment les deniers du contribuable ont enrichi les plus riches. Si le scandale de la GCA attend toujours son épilogue au niveau de la justice, celui de la Salem et de CNMA-banque n'ont pas encore livré leurs secrets. Ainsi, l'on comprend aisément pourquoi le secteur de l'agriculture n'arrive toujours pas à se redresser. Tout simplement parce qu'une grande partie des fonds qui lui sont destinés sont détournés de leur vocation.